Comment interpréter la rupture du cadre économique global voulue par Trump ?

Posté le : 7 avril 2025 23:40 | Posté par : Blog du cercle des économistes e-toile
Catégorie : Actualité chaude - Concepts fondamentaux - Crise systémique - Zone Euro - Monnaies et changes - Attitudes - Crise mondiale - Analyse sectorielle - Histoire économique récente - Réforme - Economie et politique

Il faut éliminer les explications vengeresses sur la folie subite, l’incompétence, la violence gratuite de l’équipe américaine. Les événements trahissent deux préoccupations que l’Etat américain peut difficilement éluder.

La première concerne le niveau de la dépense publique rapportée à la dette globale du gouvernement américain. Le budget nécessaire pour rémunérer les 38 mille milliards de dettes est supérieur depuis quelques années à la dépense militaire. Cela signifie très concrètement… que le pays n’a plus les moyens de continuer à payer pour sa sécurité et celle du monde occidental !

La réponse de l’exécutif américain :

Il faut réduire la dépense militaire :

En mettant fin à la guerre d’Ukraine

En obtenant une réduction de la course à l’armement de la part de la Chine et de la Russie.

Il faut réduire la dépense publique tout court.

Il faut que nos alliés prennent leur part du fardeau, soulageant d’autant nos dépenses.

Il faut que les pays que nous aidons nous restituent une partie de l’aide que nous leur accordons.

Ce ne sont pas des demandes irrationnelles, compte tenu que les Etats-Unis ne peuvent plus assumer la charge.

Corollaire : ce n’est pas l’absence de volonté de nous défendre que nous devrions craindre, mais l’incapacité financière des Etats-Unis de le faire.

La seconde interrogation concerne la baisse relative de la prospérité américaine avec une atteinte très nette au niveau de vie de la classe moyenne.

Les Etats-Unis ne sont pas les seuls concernés. Tous les pays développés occidentaux sont dans ce cas.

Une observation simple montre que les déficits extérieurs américains vis-à-vis de pays pratiquant un mercantilisme exacerbé sont en effet hors normes. C’est la critique bien connue : on ne peut pas indéfiniment sous-traiter sa production et acheter ce dont a besoin à l’extérieur à crédit, sachant que la richesse est la valeur que l’on crée.

Les dirigeants américains cherchent donc :

A imposer aux exportateurs étrangers de produire sur le sol américain

A réduire les importations par les tarifs douaniers, définitivement ou comme arme de négociation temporaire, pour obtenir d’autres avantages.

A cesser les pratiques mercantilistes et les trop gros excédents.

Ici à nouveau, la préoccupation est légitime et la situation était effectivement de plus en plus insupportable.

La question n’est pas de savoir si Donald Trump joue les John Wayne ou s’il est fou. Mais de savoir :

Si les difficultés réelles que les Etats-Unis rencontrent peuvent se résoudre avec la méthode employée.

Si, confrontée en partie aux mêmes difficultés, la France et plus généralement l’Europe ne doit pas envisager de trouver également rapidement une solution à ce même problème.

Qui peut nier que le classe moyenne soit en souffrance et que la montée de LFI et du RN, traduit ce malaise ?

Il faut embrasser la situation globale de l’Occident industrialisé, pour se former une opinion sur ce que serait une bonne solution multilatérale à opposer au « big stick » un peu trop sommaire et contreproductif de Donald Trump, qui a choisi de frapper les flux physiques.

L’important est de ne jamais oublier que nous avons un problème de création de richesse en Occident et que le système global ne peut pas rester en l’état.

Nous allons essayer de cerner ces enjeux dans nos prochains messages. Ceux qui nous lisent depuis longtemps constateront que les avertissements que nous avons constamment repris depuis 25 ans, sont au cœur de la réponse.

Didier Dufau

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Commentaire

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Dear Didier

J'apprécie ce message qui n'est pas un hurlement de rage et retient que tout président américain doit faire face à une situation devenue intenable.
La France ne peux pas non plus faire face à ses ambitions historiques, pour les mêmes raisons (poids militaire excessif et transfert à d'autres de ses capacités de production).
Je ne suis pas sûr de comprendre quelle aurait pu être une méthode alternative pour Donald Trump.

Sincerly

# Posté par John Taylor | 08/04/25 18:33

Merci de ce commentaire. Cette analyse explique pourquoi notre pseudo Président de la République est à côté de la plaque. Comme d'habitude il s'exprime dans un pays étranger (il croit que cela valorise sa stature) et exhorte Donald Trump à revenir en arrière.

Sans rien proposer pour résoudre les deux difficultés que nous rappelons et naturellement drapé dans le drapeau européen. La seule solution est de proposer des méthodes alternatives moins brutales et plus efficaces. Et les proposer pour son propre pays qui est touché par les mêmes maux.

Au degré de nullité où a sombré la présidence française et le gouvernement, on ne peut espérer que du bavardage moralisateur et des opérations image.

L'incompétence toxique règne en France qui donne un spectacle lamentable. Quelle honte !

# Posté par DD | 08/04/25 18:44

Bonjour

Texte très raisonnable et raisonné. La rationalité de Trump n'est-elle pas un peu exagérée ?

# Posté par JC Collet | 08/04/25 19:16

@JC Collet

La méthode Trump est brutale et s'apparente à un chantage. Il est normal de ne pas aimer cela. C'est détestable.

Il faut marquer le coup en montrant que la mise en œuvre effective impliquera un coût pour les États-Unis qui rendra illusoire l'atteinte des objectifs visés. Pour cela il faut comprendre les objectifs visés et offrir une voie alternative plus efficace et plus durable. On félicite Meloni pour avoir réussi à éviter le plus gros des coups. Mais si les pays avec lesquels son pays commerce sont touchés, le sien le sera aussi. Emmanuel Macron a eu tort de prendre le leadership de la communication anti-trump. Il s'est fait un croche-pied à lui-même que nous risquons de payer très cher.

Avant de gloser sur la pas de clerc des américains, conservons à l'idée que nous sommes sur une pente de croissance de 0.1% ! Pour les mêmes raisons qu'eux !

La bonne stratégie n'est pas de jouer les gros bras mais de montrer un chemin de sortie.

Il aurait mieux valu commencer une conférence publique genre de Gaulle ou Pompidou de la façon suivante :

"Le gouvernement américain nous fait savoir qu'il ne parvient plus à financer ses ambitions planétaires et notamment militaires et que son économie se trouve anémiée, avec une baisse de prospérité pour les classes laborieuses et généralement pour la classe moyenne.

La France, comme l'ensemble de l'Occident et plus généralement, les pays de l'Alliance atlantique, regrettent cette situation. Tous, nous avons besoins de prospérité pour financer tous les défis auxquels nos pays sont actuellement confrontés. Nous avons besoin d'une Amérique prospère et forte.Constater le contraire n'est pas une bonne nouvelle. Voir que nous sommes tous dans le même cas en Europe, aggrave encore la situation. Nous traversons tous une mauvaise passe.

Une situation aussi généralisée implique que des causes communes de déréliction sont à l’œuvre et ce fait implique que la meilleure réponse serait d'y faire face collectivement, plutôt qu d'entrer dans un tourbillon de violences réciproques.

Après d'amples consultations, la France croit pouvoir montrer quelles sont les failles de notre système de relations économiques internationales et offrir à la réflexion générale, et à celle des équipes américaines, des suggestions de réformes collectives, propres à rétablir la prospérité des deux côtés de l'Atlantique sans les désordres, les violences et les dangers de la méthode sommaire du Big Stick. Tout le monde voit d'ores et déjà que le remède proposé unilatéralement par le président américain est catastrophique.

J'ai proposé à l'Union Européenne des réformes systémiques et spécifiques du fonctionnement de l'Euroland qui devront être inscrites dans le calendrier européen avec la plus grande urgence.
Je propose au reste du monde un plan important de réorganisation du système monétaire international et des échanges qui permettrait à tous de revenir à une croissance générale , continue et équilibrée.

J'ai proposé une grande conférence à Paris pour bâtir une réforme collective. Nos sherpas sont au travail. J'espère qu'elle pourra se tenir dans les meilleurs délais".
....

Cela aurait eu une autre allure que des discours d'aéroport belliqueux voire injurieux et menaçants.

# Posté par DD | 08/04/25 22:17

"Et les proposer pour son propre pays qui est touché par les mêmes maux".
En quel sens la France est-elle dans la même situation que les Etats-Unis ?

# Posté par John Taylor | 09/04/25 00:30

Nous aussi avons-nous vu notre classe moyenne prolétarisée.Nous aussi nous n'arrivons plus à assumer nos dépenses publiques du fait d'une croissance en berne depuis longtemps. Nous aussi nous avons atteint un endettement dont le service nous empêche de faire fonctionner correctement toutes nos fonctions régaliennes. Nous aussi nous avons des déséquilibres bilatéraux entre exportations et importations.
Allemagne : importations 112 exportations 80,. 32 milliards de déficit . .
Belgique : importations 60 exportations 34,. 26 milliards de déficit
Pays-bas : importations 42 exportations 19,. 23 milliards de déficit
Chine : importations 30 exportations 19, .11 milliards de déficit

Nous aussi, nous sommes submergés par une immigration illégale qui désorganise tous nos systèmes sociaux, le narcotrafic et la violence de rue.

Pour reprendre le langage de Trump, "we are screwed up" dans des proportions phénoménales.
Et nous avons fini par accumuler 3 400 milliards d'euros de dettes comme les Etats-Unis en ont accumulé 38 mille milliards de dollars.
A noter qu'il y a de la violence dans le couple franco allemand. Les énormes excédents allemands lui ont permis de racheter un très grand nombre d'entreprises en France. L'organisation de l'Euroland ne permet pas de contrôler ces excédents. .

# Posté par DD | 09/04/25 06:52

Je comprends votre position. C'est très intéressant. Je ne voyais pas la France aussi proche des difficultés américaines et l'importance des déséquilibres en Europe.

Sur un point, je crois qu'il y a une spécificité dans le cas américain : les Gafam. Ils fabriquent à bas coûts, revendent au prix fort sur le marché américain et grâce aux prix de transfert via l'Irlande ne paie aucuns impôts nulle part. Ce trafic est contre l'intérêt américain. Gates et Bezos vont trinquer sérieusement. Ce qui semble plutôt normal. Des entreprises plus grosses que des États qui arbitrent mondialement leurs lieux de taxation sont une difficulté. Le désordre fiscal international est une dimension qu'on ne peut pas négliger.

# Posté par John Taylor | 09/04/25 09:40

Entièrement d'accord.

# Posté par DD | 09/04/25 10:14

Tout a fait d' accord avec John Taylor . l' optimisation fiscale en passant par l' irlande est un abus de droit . Les GAFAM et autres big du hi tech et du Luxe passent par l' Irlande pour régler 4% d'impots et revendre partout ailleurs en tax-free . Ce scandale doit cesser , il y a des centaines de milliards d'impots qui échappent aux etats dont la France . Je suggére a M.Trump de suspendre l' Irlande du réseau SWIFT. L' Irlande va accepter sans délai de rectifier cette clause de non double imposition . C'est ainsi qu' Obama avait fait chuter le Pape Benoit XVI coupable a ses yeux d' avoir déclaré a Ratisbone en 2006 que l' islam était incompatible avec le Christianisme mais aussi avec la rationalité laique . Benoit XVI a été contraint de partir et nous avons depuis le Che Guevara Bergoglio .

# Posté par Raphael | 09/04/25 11:47

Quel beau dialogue ! Merci Messieurs.

# Posté par Siem | 09/04/25 14:14

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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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