La science économique en défaut ?

Notre trajet personnel nous a mis très tôt en contradiction avec la manière dont l’économie était enseignée et plus généralement  traitait ou ne traitait pas les faits économiques observables.

Une passe d’armes avec Raymond Barre, à la fin des années 60, alors enseignant d’économie à Sciences-po, a marqué le début d’une certaine réticence à prendre pour argent comptant même ce que le futur « meilleur économiste de France » avait à enseigner.

J’avais posé à cet éminent professeur la question suivante : « Je ne comprends pas. Dans le volume un de votre Thémis vous expliquez toutes les théories classiques et notamment son aboutissement, le modèle Walraso-parétien, qui décrète que les crises sont impossibles. Et dans le tome deux vous évoquez dans la lignée de Keynes toutes les méthodes employées pour lutter contre les crises. Où est la cohérence entre les deux volumes ? ».

Comme tout bon professeur compilateur, Raymond Barre avait empilé toutes les théories qu’il jugeait nécessaire que les élèves connaissent sans trop se préoccuper de faire le lien entre elles. Son manuel était une encyclopédie basée sur la juxtaposition pas une synthèse explicative convaincante.

La question posait un problème réel qui méritait une réponse circonstanciée. Raymond Barre choisit d’imaginer qu’il s’agissait d’une provocation  et fit plus de chaleur que de lumière.

45 ans plus tard on en est toujours là. Les tenants du néoclassicisme le plus pur ont tenté de démolir les apports de Keynes et formulé des modèles d’extension de la micro-économie à la macro économie. Tous ces modèles ou à peu près sont des dérivés du modèle Walrasien.  Et se sont révélés incapables de prévoir la crise de 2007 et suivantes. Les néokeynésiens sont eux pris dans le piège de la dette et des états devenus obèses. On en arrive aux délires de Krugman voulant remédier à une dette intenable par des dettes encore plus intenables.

Il y a une vingtaine d’années ou un peu plus les étudiants en économie s’étaient légèrement révoltés : on leur faisait gober des théories de plus en plus mathématiques mais aucune explication du réel n’était jamais tentée. Avoir fait de l’économie un salmigondis non opérationnel  les gênait. On les comprend.

C’est ce qui nous avait conduits à l’époque à modifier l’enseignement que nous exercions  à Sciences-po en orientant de plus en plus les réflexions vers l’observation du réel et son explication. 

Du coup nous avons formulé des critiques fondamentales aux idées dominantes de l’économie politique telle qu’elle était et reste  pratiquée et  enseignée.

Résumons-les :

Nous constatons qu’il existe des cycles et notamment le cycle de 8-10 ans. C’est une réalité indiscutable. Depuis 200 ans on peut tracer ce cycle avec une grande précision.  Un modèle qui explique qu’il ne peut y avoir de crise est en contradiction  avec les faits, donc faux. Le modèle Walraso-parétien est faux.  Partir d’une idée d’équilibre impose un raisonnement déviant : toute perturbation devient un choc externe qui vient perturber un état d’équilibre initial imaginaire. On ne s’intéresse plus qu’aux mécanismes du retour à l’équilibre, état normal de l’économie.  L’économie serait comme une blanche colombe que des vilains chercheraient à salir et qu’il conviendrait de défendre.  Il n’est même plus possible d’imaginer que les crises du système soient endogènes. L’observation montre qu’elles le sont pratiquement toutes. Alors des niais ne cessent d’expliquer les récessions par des évènements politiques ou des comportements déviants. La baisse des bourses de 87 : une crise des ordinateurs mal programmés. La crise de 73 : effets de la guerre au Moyen-Orient. La crise de 92-93 : effet de la guerre en Irak.  La crise de 98 : l’effet d’un régime de « cronies » dans les pays émergents.  La crise des NTIC : l’effet des patrons malhonnêtes spéculant à tout va. La crise de 2008 : les vilaines « subprimes ».  La crise en Europe : les vilains Grecs.  Etc.

La vulgate qui découle de l’idéologie de l’équilibre walraso-parétien, veut qu’une situation irénique soit constamment soumise à des chocs externes mal venus dont il convient de parer les conséquences en revenant à l’idéal initial. Sus aux vilains et tout ira bien !

En réalité l’économie capitaliste est en constant mouvement et comme un flot de lave se fige, repart, fait exploser des bouchons,  etc.

Le moteur du cycle est la monnaie et le crédit. Des théories économiques qui ôtent toute place autonome à la monnaie et au crédit sont fausses.  Si on définit la loi de Say comme indiquant que les acteurs économiques échangent des produits contre de la monnaie mais que cette étape est transparente, la monnaie servant uniquement à acheter des produits, les produits finissant toujours par s’échanger contre des produits, alors la loi de Say est fausse. La monnaie n’est pas qu’un  voile ou un intermédiaire dans les échanges.  Elle tient un rôle spécifique comme variable d’ajustement et elle n’est pas gouvernée principalement par le taux d’intérêt.  Plus le niveau de vie augmente, plus l’épargne devient importante, plus les effets du crédit et de l’épargne deviennent cruciaux.

Autre aspect central : les théories qui oublient que l’Etat moderne joue un rôle majeur dans les économies où il dépense plus de 50% du PIB,  produit 20 à 25% du PIB et prélève la majeure partie de la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand  sont dès le départ mutilées.

Les théories qui oublient que les entreprises recherchent d’abord un surcroît de profit, donc une combinaison de facteurs de production qui en génère un sont des plaisanteries. Tous ceux qui sont habitués aux « business models » savent que les entreprises cherchent un profit en créant des barrières à l’entrée des concurrents, que ce soit des protections  liées à la taille, à l’innovation, à l’aide des états ou autres.  Leur « valeur » est pratiquement toujours définie par la garantie d’un flux régulier de recettes protégées par quelque chose.

Les théories qui font l’impasse sur l’incertitude, le risque, les démons psychologiques, comme la peur, la cupidité, ou tout simplement l’oubli  ne peuvent s’attaquer au réel.

Toute théorie qui croit qu’une nation est toute seule dans son coin et qu’il n’existe pas des mondes en coexistence et en conflit est par construction fausse.

Toute économie est un système et chaque système possède sa dynamique. Comprendre ces dynamiques, leurs interactions dans l’espace et dans le temps est l’objet même de la connaissance économique.

Toute économie est un système qui entre en réaction avec d’autres systèmes, l’écologie, la démographie, l’économie non monétaire de la gratuité, etc. Apprécier ces interactions et juger de leur capacité à porter la croissance ou au contraire la freiner est ici encore au cœur de la préoccupation économique.

Tout développement économique est un changement de structure qui peut être très lourd ! On n’est pas riche des mêmes choses dans tous les états économiques successifs. Une économie agricole fermée et sans innovation n’est pas une économie ouverte de l’information.

Même si la recherche de lois qui transcendent les structures est toujours souhaitable, il n’est pas sûr qu’il puisse y avoir de loi générale et encore moins exclusivement des lois générales unifiées.  Même les sciences dites dures n’y parviennent pas.

 Le lecteur vérifiera que ceux qui professent ou qui exercent professionnellement l’économie sont bien loin de ces préoccupations. Ils ne font que répéter une vulgate admise tout en se complaisant dans le commentaire après coup des grands évènements.  Surtout pas de risque.

En cas de crise ils parlent, après coup, de choc surprise, comme si la main invisible d’un troll avait asséné traitreusement  un coup de massue sur la tête de l’économie.  Face au choc il faut de la vertu. Le merveilleux système était à peine en train de se remettre du précédent mauvais coup quand il a dû en subir un autre. De nouveaux  vilains qui ne comprennent  rien à l’économie ont  de nouveau sapé les bases du retour à la santé.  Revenons vite à l’équilibre sacro-saint  et tout ira mieux et surtout n’y touchez plus vous pourriez le casser.

 Sur des théories fausses on a superposé des mathématiques de plus en plus complexes.  On arrive désormais à des modèles à plusieurs milliers de variables et d’équations mais qui sont fondés sur des prémisses fausses et parfois ridiculement loin de la réalité. Compliquer une erreur ne la rend pas juste.  C’est la raison pour laquelle aucun des modèles n’a prévu la crise. 

Le pire dans le domaine est l’apparition d’une science financière pratiquement déconnectée de l’économie générale  qui à force d’algorithmes complexes  et d’ordinateurs a cru pouvoir se substituer au moignon d’économie monétaire.  De modèles alambiqués en modèles faux on en est venu à ne même pas voir que la dette globale par rapport au PIB arrivait à des sommets intenables dans tous les pays développés. Un risque systémique énorme et évident a échappé aux observateurs qui plongés dans les efforts mathématiques les plus subtils croyaient gérer le risque au plus fin.  Des illusions microscopiques ont évité de voir l’énormité macroscopique de la dette globale !

 On dira : « qui êtes- vous donc pour contester aussi fortement des pans entiers de la vulgate économique dominante.  Nous avons des universitaires éminents, évidemment éminents. Et des professionnels que l’on voit partout, ils doivent donc être les représentants qualifiés d’une science reconnue.  Certes ils se battent   à chaque fois qu’ils passent à la télévision et il  semble  y avoir autant de vérités que d’économistes (sans compter Monsieur Keynes aurait dit Churchill), ce qui laisse craindre que leur science soit bien incertaine ou contradictoire. Mais enfin, vous ne pouvez être seul à jouer ainsi les francs-tireurs ».

On pourrait ajouter que trop souvent nos propres thèses se mêlent avec les élucubrations de mouvements  parfois parfaitement détestables.  « Ne craignez-vous pas la marginalité sectaire ? » nous a écrit un lecteur de ce blog.

Non !  N’appartenant à aucune mouvance, à aucun groupement d’intérêts, à aucun parti, nous ne comptons que sur notre capacité d’observation  et d’analyse. Et n’avons rien d’autre à proposer que la comparaison entre prévision et réalité. L’histoire qui se réalise est notre seule preuve.

Maintenant, il existe beaucoup d’ouvrages qui contestent la vulgate sur un point ou sur un autre. Le  livre de Steve Keen, « Debunking economics – The naked emperor dethroned », chez Zed- books, 2011 est un effort intéressant.  Il est malheureusement en anglais,  difficile à trouver, coûteux  et d’un accès technique que beaucoup trouveront rebutant.  

Nous ne connaissions pas cet auteur et il faut dire qu’il réussit à localiser beaucoup des anomalies théoriques et pratiques que nous ne cessons de dénoncer.  Un bon auteur étant un auteur qui pense largement comme vous, c’est un livre remarquable.

Inutile d’essayer de résumer les 500 pages très théoriques et parfois mathématiques. Notons simplement que l’auteur prouve sans trop de difficulté qu’on ne peut pas passer d’une loi de l’offre et de la demande concernant deux personnes à une loi identique pour « n » personnes. La généralisation ne marche pas. De même il dénonce, comme nous, le réductionnisme qui veut que le tout s’explique par les parties. En un mot les lois de la microéconomie ne sont pas nécessairement vraies en macro économie, ou, autre manière de dire la même chose, la macro économie n’est pas la consolidation de la microéconomie.   Il a la bonne idée de noter que la loi de Say ne tient pas compte du crédit et de la monnaie et qu’il existe une dynamique monétaire qui a ses lois propres.

Les étudiants découvriront ce qu’on ne leur dit pas toujours, à savoir que Hicks, base de tous les modèles IS/LM réputés keynésiens, a largement trahi Keynes et qu’il finira par le reconnaître.  Ils comprendront pourquoi les modèles sont généralement stériles et ne prévoient pas les crises.

L’ouvrage tombe un peu trop  facilement dans le ton  racoleur, et cherche parfois  à trop prouver. Dans son approche  « marketing » de démolir la vulgate en cours il oublie  de proposer des substituts et il rate beaucoup d’observations utiles.  Le lecteur finit par considérer qu’on a cassé ses jouets sans rien proposer pour les remplacer, ce qui est désagréable.  L’auteur l’écrit sans ambages : « A complete ready made replacement doesn’t exist ».   Pas de théorie générale de substitution : le lecteur n’aura droit qu’à des pistes de réflexion, autour :

 

-          de Minsky, le premier à avoir réellement intégré la monnaie et les comportements financiers réels dans ses analyses, 

-          d’une certaine prise en considération de  Marx pour  son mérite de proposer une vision dynamique et non statique du capitalisme, même s’il a tiré des conclusions fausses et cautionné des régimes abjects.

-          de l’économie politique évolutionniste qui ne part pas de postulats d’identité comportementale des agents mais de leur diversité, de leurs interactions avec l’environnement, de leurs conflits. Pour un évolutionniste il n’y a pas « un chemin » mais une variété de solutions contingentes.  Adieu la pensée unique.

En revanche, en montrant ce que la vulgate américaine néoclassique  a de controuvé, (le reste du monde est  ignoré comme toujours par les auteurs américains, dont l’américano centrisme est le moindre défaut), il permet de comprendre les propos conventionnels tenus pour acquis dans les cénacles comme le FMI, les banques centrales ou la presse anglo-saxonne. Il révèle un monde assez monstrueux de perroquets à côté de la plaque que l’on retrouve dans le suivisme des économistes officiels et des hommes politiques  européens et français, ces derniers ayant, en plus, une tendance à la pensée-zéro (en Kelvin).

Il est clair qu’une pensée dominante fausse a enfanté les institutions de la crise, la crise, la non solution de la crise, la permanence de la crise et son amplification.

On ne sortira pas de l’énorme crise de la dette qui nous ensevelit sans un changement de conceptions économiques. Nous avons la faiblesse de penser que nombre des modestes  idées que nous avons exprimées pendant quatre ans sur ce blog en réaction immédiate aux faits constatés  sont des briques utiles à cet aggiornamento.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Commentaire
Locaterre's Gravatar Bonjour

>> Où est la cohérence entre les deux volumes ?
Ce manque de cohérence de la part du Meilleur Economiste de France, cela fait froid dans le dos. Du dogmatisme à l'obscurantisme ?
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N'a-t'on pas, avec l'abus de mathématisation, fait de l'économie une science exacte, alors que l'économie s'exerçant, originellement et idéalement, par et pour l'Humain, il aurait fallu en faire une science humaine et/ou sociale ?
# Posté par Locaterre | 27/06/12 18:32
Sylvie's Gravatar Bonjour,

J'ai une question un peu en dehors de votre commentaire qui est la suivante: ne peut-on envisager une TVA sociale "progressive", de la même façon qu'il y a un impôt progressif? Par exemple plus le montant d'un bien de consommation est élevé plus le taux de la TVA sociale augmente. Est-ce que cela est possible pratiquement ou à même un sens? Auquel cas, la critique majeure portant sur cette TVA sociale accusée d'augmenter le coût de la vie pour les plus démunis pourrait être levé.
# Posté par Sylvie | 02/07/12 13:46
SD's Gravatar La progressivité de la TVA existe du fait des différents taux existants. La TVA sociale concerne tous les taux. Mais la simplicité et la lisibilité du calcul économique exigent que les taux différents soient peu nombreux et stables dans la durée. La TVA dite sociale ou anti localisation n'a pas un but redistributif. Il a pour objet d'éviter de mettre en difficulté les entreprises locales vis à vis de celles qui à l'étranger ne supportent pas de coûts sociaux importants. Point stop.

L'impôt progressif n'est pas réellement fondé. Leroy Beaulieu l'avait parfaitement démontré dès la fin du XIXième siècle en disant une chose toute simple : il n'y a aucun raisonnement permettant de fixer le taux de progressivité. On entre aussitôt dans l'arbitraire et l'irrationalité. L'histoire a confirmé son diagnostic. La progressivité est une machine destructrice dont on finit toujours par devoir effacer les effets pervers. L'impôt sur le revenu français est une passoire. Le taux de 1.8% sur la tranche haute de l'ISF est anti économique au possible. L'imposition à 75% de la nouvelle tranche haute des revenus une sottise intenable.

Supprimer toute progressivité seerait une mesure progressiste.
# Posté par SD | 07/07/12 23:50
Sylvie's Gravatar Vous dites:

"il n'y a aucun raisonnement permettant de fixer le taux de progressivité. On entre aussitôt dans l'arbitraire et l'irrationalité."

À ce compte là, il n'y a aucun raisonnement permettant de fixer le taux de progressivité d'un revenu. On entre aussitôt dans l'arbitraire et l'irrationalité.

J'imagine qu'un revenu de plusieurs dizaines de milliards de dollars d'un Bill Gates (ou d'autres) par exemple rentre dans votre rationalité!

Cet argument de l'irrationnel et de l'arbitraire, vous pouvez à ce compte là l'appliquer à toute situation économique.
Vous nous parlez du reste de Steve Keen indiquant qu'il n'y a plus d'acteurs économiques rationnels à partir de plus de 2 acteurs.

J'imagine que Bill Gates est tout seul dans sa boîte!

De toute évidence, vous vous laissez sans arrêt aller au mythe du "Capitaine d'entreprise" qui tout seul avec ses petites mains et son grand cerveau fabrique et invente à lui tout seul un ordinateur… et en fabrique des millions avec sa grande vélocité industrieuse et c'est pour ça qu'il gagne tant.

Laissez tomber, redescendez sur Terre… Il y a d'autres personnes que des économistes débiles, des gestionnaires qui s'imaginent que tout à une valeur strictement évaluable, et des managers qui s'imaginent qu'on manage les soldats au front…

Les ingénieurs et les gestionnaires autour de ce Gates entre autres parmi ceux que vous admirez sans doute, sont des ânes bâtés sans rien dans la cervelles c'est bien connu et ne sont que des suiveurs du chef… Je parle pas de Von Neumann qui a conçu le premier ordinateur moderne et qui n'a pas gagné des fortunes..; mais ceux là c'est des nigauds de scientifiques rationnels certainement de votre si génial point de vue… Rationnellement s'entends… si on vous suit.


J'en déduit que votre hargne contre l'ISF n'a rien de rationnel….! Vous parlez d'hystérie… Quand je vous lis j'ai vraiment l'impression d'avoir à faire à des hystériques sur ces questions qui singent les hystériques qu'ils critiquent! Une TVA non-progressive pourrait tout autant une marque d'irrationnel et vous voulez nous faire gober le contraire… Soyez cohérent; vos contradictions sont monstrueuses à longueurs d'articles sur votre blog et vous finissez par ressembler à ceux que vous critiquez; ça en est affligeant.

En somme, contre une irrationalité de certains salaires il faudrait être rationnel et ne rien faire, alors qu'on aurait pu penser que la seule façon de s'opposer à une situation irrationnelle, c'est de lui opposer rationnellement une situation irrationnelle… Mais là, apparemment ça va trop loin. Pourtant je pense qu'un Keen ne s'y opposerait pas sans se contredire, mais vous par contre n'hésitez pas à vous contredire gravement sans arrêt.

En somme à Leroy Beaulieu j'oppose sans me contredire contrairement à vous un Steve Keen que justement vous nous citez.
# Posté par Sylvie | 08/07/12 11:32
DD's Gravatar L'ISF est un impôt détestable. Pour une raison simple : en dissociant revenu et impôt, on casse le lien entre besoin et contribution. Il est raisonnable de considérer que les besoins publics ne peuvent pas s'écarter durablement en temps de paix de l'évolution du PIB ou du revenu, comme on voudra. S'il le faisait l'état mangerait littéralement la nation. Ce serait l'image du serpent avalant sa queue. Du coup on entre dans le risque d'un impôt qui dépasse les possibilités contributives associées au revenu. Le contribuable doit vendre son capital, qu'il n'a pas volé, pour payer l'impôt.

Je trouve effectivement contraire au principe républicain qu'on puisse se saisir par la force publique de la totalité des revenus d'un citoyen. On n'est plus dans la contribution mais dans la spoliation. Il se peut que vous soyez favorable à cette spoliation. Je suis sûr que si vous étiez dans ce cas et qu'un abruti vous dise : dépouille toi de ton appartement que tu as mis 30 ans à financer pour les besoins de l'état moloch, un léger agacement vous viendrait sous la plume. C'est l'aspect individuel.

Collectivement comment se boucle un impôt national qui force à vendre son patrimoine ? Par la vente des biens importants à l'étranger. Comme le rappelait un journal récemment, pour les châteaux et grandes propriétés de charme, la clientèle effective est à plus des trois quarts étrangères. Et si elle peut le faire, c'est bien qu'elle bénéficie d'une fiscalité plus intelligente plus intelligente.

Un impôt sur le capital n'est pas économiquement absurde, à la condition qu'il soit raisonnable et ne force pas à le vendre. En France il existe une ribambelle d'impôts sur le capital, notamment immobilier. Taxe d'habitation et taxe foncière, ISF sont les principaux. Leur cumul dépasse en moyenne le rendement du capital ! La crainte des mêmes conséquences a forcé à de fortes exonérations : les oeuvres d'art, les entreprises gérées par son propriétaire. Parcequ'on a tout de suite compris ce qui se passerait.

Si l'état vole la totalité du rendement du capital il n'y a plus d'investissement. C'est aussi simple que cela.

Si l'état veut voler le patrimoine artistique, cela durera le temps qu'il soit passé entre les mains de l'étranger.

On ne peut donc pas parler de l'impôt sur le capital globalement. Une taxation légère évite la thésaurisation et la stérilisation d'une partie du capital.

On doit parler de l'ISF pour les modalités qu'il a et dans le rôle qu'on lui fait tenir. Un ISF progressif avec un taux marginal de 1.8 est une folie furieuse que personne n'a mis en oeuvre dans aucun pays . Cumulé avec une imposition marginale de 75% sur le revenu auquel s'ajouterai une imposition de 15% au titre de la CSG, on entre dans la pure spoliation.

Rappelons que le rendement moyen du capital sur une longue période est d'environ 3%. Si vous en prélevez 90% au titre des impôts sur le revenu et 1.8 au tire de l'impôt sur le capital, le rendement net devient fortement négatif. Vous tuez donc l'économie.

Il y a bien une névrose fiscale française qui ne tient pas aux principes de la taxation mais à ses modalités et ses effets.

Vous pouvez vous réjouir de la spoliation des autres. Après tout c'est humain. Tout le système soviétique a marché sur ce sentiment. Certes on était miséreux mais on tuait des koulaks ou autres boucs émissaires pour se défouler de sa misère. Chouette ! L'exploitation du bouc émissaire fiscal a joué son rôle pendant cette élection présidentielle française. Un rôle abject comme toute utilisation de boucs émissaires.

Regardez la France : après tant d'années de sous investissement et de spoliation que reste-t-il de sa croissance, de son industrie, de son dynamisme économique ?

Un autre aspect toujours négligé par ceux qui comme vous ont sacralisé l'impôt progressif comme seul juste : l'impôt étant globalement progressif la croissance augmente naturellement et automatiquement la pression fiscale. L'état mange la nation. On n'est plus dans l'interdiction de l'accumulation capitaliste ni dans la "justice fiscale" mais dans l'alimentation perpétuelle d'un moloch administratif grossissant sans cesse. En toute logique il faudrait restituer au peuple ce sous produit fiscal de la croissance. L'avez vous jamais demandé chère Sylvie ?

La progressivité est doublement dangereuse :

- elle est insoutenable à terme car elle tue les mécanismes de la croissance. Tous les pays à impôts progressifs forts se sont trouvés obligés de mener des politiques de compression de l'état (La Suède, le Canada, la Nouvelle zélande, le RU sous Thatcher etc.).
- elle un instrument facile pour les démagogues de tout poil. Que M. Hollande se soit fait élire sur l'diée que "la crise" serait payée par "les riches" grâce à des mesures sur l'ISF et la progressivité de l'IR le démontre à l'envie.

Quant à Bill Gates rappelons qu'il n'aurait pas été taxé à l'ISF sur la valeur de son entreprise tant qu'il la dirigeait. Autant pour le contrôle de l'accumulation du capital. Une fois le transfert de la présidence à un successeur il aurait été matraqué. Au lieu de se livrer à la charité, c'est l'état qui aurait récupéré son argent. Si le système américain avait été celui des Français il n'y aurait pas eu de Bill Gates de toute façon, car il n'y aurait pas eu de capital pour l'aventure qu'il a conduite.

Nous confirmons donc :

- La France souffre d'une névrose fiscale dramatique
- La dépense publique et le moloch administratif y sont tragiquement boursouflés
- Comme une petite vieille déclassée elle vend à l'étranger les restes de son passé glorieux.
- Elle n'est plus dans la course dans aucun des grands marchés industriels mondiaux nouveaux
- Elle s'est caché la vérité en empruntant comme une malade. Il faut maintenant rembourser. A qui ? A l'étranger. Merci M'sieurs dames.
- La jeunesse française est tenue hors de l'emploi et maintenant de l'espérance de l'emploi. Elle n'espère plus que dans une planque administrative. Pour être postier il faudra bientôt être bac plus trente.
- 10 millions de familles sont tenues éloignées de l'emploi faute des postes salariés correspondants.

Où voyez-vous de l'hystérie dans ce blog ?

Soit on considère qu'il faut de l'emploi et de la croissance alors il faut en comprendre les moyens et le pourquoi des échecs passés.

Il n'y a aucune hystérie à montrer que le système des changes est à la source de la crise globale.

Il n'y a aucune hystérie à montrer que le système de l'Euroland est bancal. Il est bancal. En ne permettant des ajustements que par la déflation il est même franchement destructeur.

Il n'y a aucune hystérie à montrer que la France est affligée d'une manque à gagner d'emploi salarié de 5 à 10 millions de personnes, d'une perte radicale de compétitivité, de déséquilibres globaux presqu'irratrapables, et d'en chercher la cause

Il n'y a aucune contradiction à montrer comment les défaillances se cumulent et se renforcent l'une l'autre.

Keen dans son désir de "débunker" fait apparaître des éléments de critiques intéressants des conceptions dominantes. Nous les avons cité. Vous aurez tout de même constaté que ce travail de "sniper" n'a conduit à "aucune théorie générale". Et je n'ai lu nulle part qu'il souhaitait une imposition progressive marginale de 91% sur le revenu et de 1.8% sur le capital.

Que cela vous trouble ou non, la TVA plus progressive que celle que nous avons ne nous parait pas une bonne idée pour ne pas dire une lubie. Il y a tant de choses plus simples à mettre en oeuvre et dont les résultats sont prouvés.

La kalachnikov fiscale a remplacé chez bien des socialistes la "révolution" mythifiée comme moyen socialiste de règler son compte au capitalisme. La progressivité généralisée est vue comme un moyen radical d'amplifier son efficacité. Ce qui est exact. La confiscation, le vol, l'assassinat, la déportation sont également très efficaces. Un Mélenchon vous le prouverait en 5 minutes.

Mais voilà : notre but n'est pas la révolution socialiste mais un capitalisme équilibré et prospère offrant à l'humanité toute entière une vie moins dure et plus amusante.

Désolé.
# Posté par DD | 09/07/12 09:27
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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