Electrocution du commerce international

Le New York Times publie une remarquable infographie de Haver analystics montrant comment le commerce international a été littéralement foudroyé, se bloquant comme on ne l'avait jamais vu depuis 1929.

C'est tout le système financier mis en place à partir des changes flottants et de la liberté totale  de mouvements de capitaux alimentés par les déficits extérieurs abyssaux des Etats Unis  qui s'est effondré, pas seulement les banques ayant trop goûté aux subprimes.

Ce graphique complète celui du Baltic index qui marque le coût du frêt maritime. Quand Taïwan ou le Chili voient leurs exportations baisser net de 50% en un instant, alors que les subprimes, ils ne connaissent pas ni leurs banques, on comprend que c'est tout le système monétaire international qui est en cause pas seulement le système  bancaire américain.

L'article précise que les coûts du crédit international se sont envolés.

Il note que les exportations de la Chine vers l'Inde qui croissaient sur une rythme de 50% sont désormais en recul de 18%.

Les exportations d'Argentine, du Brésil et du Chili sont notées comme ayant baissées entre 27 et 42%.

Rappelons nos moqueries contre toutes les théories qui voyaiuent la crise d'abord aux seuls Etats Unis, puis aux seuls  pays européens ayant un peu construits de logements, puis à la seule Europe de L'ouest. Le BRIC est à genoux tout autant que les pays exportateurs d'Afrique et d'Amérique du sud.

Le NYT en conclut que le Global Trade System  est à l'arrêt.  Il aurait pu ajouter que rien n'est fait pour qu'il reprenne.

Tout un système basé sur les déficits américains, le crédit à la consommation massif,  les taux de changes de dumping de la Chine, la spéculation généralisée sur tout, la fourniture de machine par l'Allemagne et le Japon, sous traitant un peu partout en Asie,  une circulation de capitaux débridée sans aucune forme d'appréciation réaliste des risques, s'est ércoulé.

Et chaque pays fait son petit plan de relance dans son coin sans regarder la "big picture" sans aucune prise en compte de l'architecture économique et financière mondiale !  L'immeuble commence à s'effondrer et chacun repeint sa chambre !

Quand il n'y a pas de diagnostic, il n'y a pas de thérapeutique.

 

 

 

 



La crise s’approfondit : pourquoi ?

La crise s’approfondit : pourquoi ?

Six mois après le début de la crise non seulement il n’y a aucun vrai signe de reprise mais tout le monde voit qu’elle s’approfondit et s’amplifie.  Pourquoi ?

Trois événements récents dont la presse a donné ces derniers jours une large couverture donnent quelques clés d’interprétation.

1.    Le Japon disposait d’un aimable excédent commercial de 900 milliards de Yen chaque mois. La voici en janvier avec un déficit de même ampleur. Un basculement radical.  S’agit- il d’un effet  retard des diaboliques « subprimes » ?  Pas du tout.  Simplement le Yen a vu sa valeur multipliée sur le marché des changes. Plus aucune entreprise nippone ne peut exporter sur un marché international par ailleurs bloqué.  

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

2.    AIG, le principal assureur mondial, vient à nouveau à la gamelle auprès de l’Etat américain. C’est la troisième fois. La société ne parvient même pas à rémunérer les apports en capital de l’Etat. Les sommes en cause sont prodigieuses : plusieurs centaines de milliards de dollars.  Est-ce encore un coup  de pied de l’âne des « subprimes ».  Pas du tout : la banque assurance est la cause principale. Les prêts des banques ont été garantis par AIG. La faillite de Lehman Brothers  a entraîné illico celle d’AIG qui dès le LENDEMAIN s’est présentée aux autorités avec sa sébile. 

La cause immédiate de la nouvelle faillite est l’évolution malsaine des CDS, les Crédit default Swap. AIG en a souscrit pour des milliers de milliards. La plupart concernait des opérations de prêts avec clauses sur taux d’intérêt ou sur cours de change, avec des points d’intervention dépendants d’écarts considérés comme peu probables  sur des indices ou des devises. La crise ayant provoqué le chaos sur les marchés des changes et les marchés de taux, les contrats se sont déclenchés les uns après les autres. AIG  ne peut plus faire face.

Rappel : le marché des CDS est passé de 6,396 milliards de dollars américains à fin 2004 à 57,894 milliards à fin 2007. Si vous avez entendu le FMi s'inquiéter pendant cette période vous avez gagné !

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

3.    Le chaos sur les marchés des changes des Pays de l’Est récemment tournés vers l’Europe occidentale provoque des graves difficultés pour les banques qui ont soutenu de leurs prêts ces pays en plein rattrapage. On découvre ainsi que les banques  d’Autriche ont  des en cours équivalents au PIB du pays (l’Islande doit se sentir moins seule) ! La hausse des taux d’intérêt dans ces pays bloque l’activité. La dévaluation rend les remboursements en monnaie étrangère et notamment en Euros impossibles.  Les deux mécanismes se cumulant, les banques voient exploser leurs crédits « non performants ».  L’ampleur des pertes est telle que même l’Euro en est déstabilisé et que les rumeurs enflent sur la possibilité de l’éclatement de la zone Euro !

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

Nous disons depuis la mi-septembre 2008 que la  première mesure à prendre d’urgence est l’abandon des changes flottants, la seconde étant la restructuration globale et immédiate de tous les contrats de prêts  et d’assurance  à clauses de déclenchement   sur élément variable.

On se demande bien pourquoi !

En tout cas nous sommes les seuls.  Les changes flottants c’est la forme la plus achevée du tabou, celle qui met un bœuf sur la langue et congèle au zéro absolu les petites cellules grises.

L’Europe va au G20 en réclamant des moyens supplémentaires pour le FMI où les Etats-Unis ont tout le pouvoir, étant les seuls à disposer du droit de véto, et ils n’ont aucune envie de débloquer des centaines de milliards de dollars pour l’étranger alors qu’ils sont engagés pour des centaines de milliards de dollars sur le front intérieur.  Alors on parlera paradis fiscaux  et régulation. Cela ne mange pas de pain.  Mais n’aura aucun effet sur la crise.

Quant à l’Union Européenne presque constitutionnalisée, c’est l’Europe des petits oiseaux  et de la législation sur le camembert.  Pour l’essentiel,  c’est chacun pour soi.

Au fond cela vaut mieux : l’union des têtes de linotte n’est pas meilleure que l’absence d’union des autruches.



Encore un livre de banquier sur la crise !

Dans la collection Tribune Libre chez Plon, M. Matthieu Pigasse, vice président de la Banque Lazard,  et donc caution bourgeoise du livre, assisté d’un certain Fichelstein, porte plume, se livre à l’exercice littéraire à la mode : commenter la crise.  Après tout,  que les banquiers, après avoir nourri la crise, veuillent gagner un peu d’argent en la commentant, pourquoi pas ?  La cupidité ne saurait disparaître en un instant !

Comme la floppée de livres du même type  qui emplissent les rayons aujourd’hui, l’essentiel du livre est la compilation des événements qui ont marqué ces derniers mois  avec l’inévitable plongée  dans la dérive des crédits immobiliers, la saga des banques d’affaire américaines, la distribution des risques par la titrisation,  puis l’enflure des formes de crédits incompréhensibles, la défaillance des agences de notation, les effets pervers de certaines normes comptables, etc. 

Le lecteur fidèle à ce site ne trouvera exactement rien de plus de ce que nous avons déjà décrit en temps réel depuis de longs mois.

La véritable interrogation lorsqu’on lit ce genre de livre est de savoir s’il mettra à jour des faits sus du sérail et qui ne seraient pas encore connus et si les analyses sur les causes  justifient des solutions intéressantes.

Première déception : il n’y a aucun fait nouveau. Tout ce qui est dit s’étale dans les journaux  depuis des semaines et est connu de ceux qui ont suivi l’actualité avec attention.  Bien la peine de faire appel à un banquier international dirigeant d’une grande banque normalement au cœur des affaires !  C’est une simple compilation de choses connues.

Seconde déception : il n’y a aucun effort de diagnostic particulier.  Au départ il ya le vilain Greenspan (qu’on a adoré sans limite et sans une seule critique pendant 20 ans) qui dévergonde le crédit, qui permet la bulle immobilière, que les banques amplifient avec des moyens techniques sophistiqués, que les agences de notation ne comprennent pas, que les régulateurs ne regardent pas,  et quand tout casse, les règles comptables viennent aggraver les choses.  Air connu.

Troisième   déception : faute de diagnostic il n’y a aucun début de commencement de préconisation  utile.  On reste dans les généralités et le « wishful thinking » parfois très loin des problèmes concrets qui se posent.

Au début on y croit encore un peu : au moins les auteurs font remonter la crise à 1988-89  et ne se contentent pas de partir de 2003 ! On se dit : la dynamique des évènements depuis trente ans va être éclairée. Et bien non.

Le schéma des auteurs : La crise boursière de cette époque est traitée par Greenspan par une inondation de crédits. On stigmatise Greenspan pour cette faute. Et on passe directement à la bulle internet vue comme précurseur de la bulle immobilière qui est déclarée comme commençant en 2003 (elle commence en 97).  

Pourquoi y a –t-il eu crise en 88-89 ? Les années 70 et 80 n’ont-elles pas été marquées par des crises financières à répétition ?  N’y a-t-il pas eu un changement radical de paradigme des politiques économiques et financières à cette époque ?  La politique Volcker qui avait provoqué la récession assez dure du début des années 80 n’est-elle pas en partie l’explication de l’attitude de Greenspan ? 

N’espérez rien sur ces sujets. Ils ne sont même pas abordés.  Alan Greenspan est un démon né par magie et qui va envoyer le monde dans le mur. Alors on le montre dans ses premières décisions. Point stop.  On citera la crise du Japon pour simplement avertir qu’on pourrait entrer dans un mécanisme de ce genre. Les causes et la nature de cette crise, qui va s’étaler dans les années 80, ne sont  même pas abordées.

Les deux crises majeures que sont la récession de 91-93 qui frappe le monde entier et la crise de 1998 qui désarticule  l’économie des nombreux pays sous développés sont totalement ignorées.  Pourtant il s’agit pour l’une de la première récession depuis la guerre, un sacré avertissement ! Et la seconde montre bien l’ampleur des désordres financiers et monétaires  qui affectent la croissance mondiale. 

On n’en dit pas un mot pour une raison simple : elles n’apportent aucune eau au moulin de la thèse des auteurs qui est la chanson générale : trop de crédits à cause de Greenspan, bulles, gestion dérégulée des finances, explosion.

Du coup on ne comprend rien. D’accord l’Islande s’est endettée au-delà des possibilités de son PIB. Mais pourquoi et comment est-ce que cela a été possible ? Greenspan ? Evidemment non.  D’accord les Etats-Unis ont débridé les crédits. Mais pourquoi est-ce que cela fut possible ?  Les déficits de balances de paiements perpétuels n’ont joué aucun rôle ?   Si oui comment ont-ils été possibles ? Des crédits complexes ont été mis en œuvre mais pourquoi fallait-il une telle complexité  et pourquoi  ont-ils connus cette diffusion mondiale ?  Vous ne trouverez aucune réponse dans le livre.

Pour cela il aurait fallu remonter un peu plus tôt avec la disparition des règles de Bretton Woods et l’introduction de facto d’un système de changes flottants et de liberté totale des mouvements de capitaux.   Les américains ont fait sauter le système de Bretton Woods parce qu’ils ne voulaient en aucun cas mettre fin à leurs déficits insensés de balances des paiements.

Ce sont ces déficits qui sont à l’origine de l’immense création monétaire qui a permis aux banques américaines   de se goberger pendant des années.  Les changes flottants devaient avoir deux effets : réduire le spreads des taux d’intérêt à travers le monde grâce à la libre circulation des capitaux et aboutir à une certaine stabilité automatique des taux de change.  Dans la pratique on a vu exactement le contraire. C’est la liberté des mouvements de capitaux et le déséquilibres des taux d’intérêt qui a permis à l’Islande la politique bancaire qu’elle a connue.  Greenspan n’y est pour rien.

Si Greenspan a pu élargir les déficits et les rendre incontrôlables, c’est que le système des changes flottants le permettait.

Périodiquement on ruinait les créanciers.  Si le Japon est entré en récession longue c’est d’abord à cause de la masse de dollars dévalués qu’elle a du absorber en tant que gentil allié des américains.   Si la Suède voit ses banques ruinées en 1992 (en vérité l’ensemble du système bancaire mondial est passé à deux doigts de l’explosion) ce n’est pas à cause d’une politique nationale particulière.  Mais de la bulle née aux Etats-Unis permise par les changes flottants  qui a fini par exploser là où l’économie était passagèrement la plus faible.

Non le FMI n’a rien vu venir. Rogoff son économiste en chef en dépit de la réalité explique que les crises sont de moins en moins graves et donc que les changes flottants jouent leur rôle : ils harmonisent les conjonctures, les taux d’intérêt etc.  Du vent !  Si les économies des pays en voie de développement ont lâché en 1998 c’est parce que le dollar après avoir été effondré par Greenspan est reparti à la hausse de façon verticale mettant en danger tous les circuits d’emprunt en dollar et déréglant les changes.

A force d’écarter les faits qui ne rentrent pas dans la démonstration et d’oublier les évènements les plus significatifs, le livre perd tout intérêt explicatif.  Les solutions apportées, appuyées sur un diagnostic partiel voire inexistant, sont évidemment totalement à côté de la plaque.   Faire entrer la Livre dans l’Euro est un vœu pieu.  Fusionner la France et l’Allemagne est très chic et très « grande géo politique ». Mais tout cela est un peu distancié par rapport aux urgences.   Tout le reste est classique : contrôler les hedge funds, refonder les agences de notations,  changer les règles comptables etc.  La broutille habituelle.

En fin de livre on aborde la question du FMI et d’un nouveau Bretton Woods (une page) . Oui mais sans remettre en cause les changes flottants. On évoque la mise en œuvre des DTS (droits de tirage spéciaux) mais  on omet de  dire qu’ils existent depuis le début des années 70 et que les changes flottants leur ont fait perdre la totalité de leur rôle !  On ne peut évoquer Keynes et son Bancor en conservant les changes flottants.  Or pour un banquier remettre en cause les changes flottants ce serait comme remettre en cause le prêt à intérêt ! IM-POS-SIBLE !  Il y a trop de bon business derrière pour les banques.  Et la libre circulation des capitaux ferait du mal à Lazard !

N’y-a-t-il rien à garder de ce livre ? Si bien sûr : la condamnation radicale et définitive de la « banque universelle ». Comme c’est un de nos dadas nous somme heureux de voir qu’une voix autorisée de la haute banque s’accorde à le penser.   C’est de l’intérieur que Matthieu Pigasse peut dénoncer les innombrables conflits d’intérêt qu’offre la banque universelle. Et son danger systémique.

On trouve aussi une jolie formule sur les banques américaines en crise de solvabilité et les banques européennes en crise de liquidité.  C’est évidemment faux mais arbitrer ainsi de façon distributive  la querelle entre ceux qui pensent que la crise bancaire est partout une crise de solvabilité ou qu’elle est partout une crise de liquidité, est une astucieuse façon de dédouaner la banque européenne  de toute faute.  UBS, Fortis, Royal Bank of Scotland, Natixis et une flopée de banques allemandes  apprécieront. Quand on est banquier européen il faut aussi être diplomate !  En vérité les banques sont partout à la fois en crise de solvabilité et en crise de liquidité…

On s’amusera également de la dernière phrase ciselée pour la pose : « l’urgence est de retrouver le temps long ». Les entreprises et les particuliers   frappés par la crise risquent en effet de trouver le temps long si on en reste à ces analyses croupions et à moitié aveugles.  Elles peuvent même finir au tombeau et ce n’est pas Lazard qui les ressuscitera !
Il faut supprimer les changes flottants : il y a urgence !  C’est le B.A.  BA de cette crise. Le reste est du blablabla.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.



Vers une sortie de la crise ?

Le propre des grandes crises est d’avoir une fin. 

Pour le Cercle des Economiste E-toile, la question de la sortie de crise est compliquée par le refus collectif des Etats de reconnaître la responsabilité fondamentale  du système monétaire international dans l’explosion  qui vient d’avoir lieu.  Il est désormais à peu près sûr qu’on ne changera rien de fondamental à court terme  au système désastreux des changes flottants.

La question est donc de savoir si une crise dont les causes sont niées et non traitées peut néanmoins se terminer et permettre une nouvelle séquence de croissance mondiale.  En terme plus simple : est-ce qu’un malade mal traité peut tout de même s’en sortir ?

Comme nous n’avons pas cessé de le répéter les « subprimes » ne sont qu’une manifestation de la crise mais pas la crise elle-même.

Mais nous sommes quasiment seuls à l’affirmer.

L’idée générale aujourd’hui est qu’il suffit de cantonner ce type de dettes dans des « bad banks »  pour sortir de la crise et que des ajustements sur les règles comptables, le mode de fonctionnement des agences de notations,  la politique de bonus des banques et la régulation  mondiale des contrats dérivés de ces crédits suffira pour éviter le retour aux dangereuses dérives constatées.  Les banques délestées de ce poids mort se feront désormais pleine confiance et le marché interbancaire reprendra vie. Le crédit pourra à nouveau jouer son rôle.  Le sang circulant à nouveau dans les veines de l’économie, la reprise sera là et youpee !

Bien sûr pour compenser les effets de la crise de crédits il a fallu  conforter le système bancaire à court terme  par différents moyens, et comme l’économie a dévissé, il était important de « relancer » par des programmes de dépenses publiques ou des cadeaux fiscaux.  Mais ce n’est qu’un tout petit moment difficile à passer : dès que les dettes subprimes auront été ainsi passées sinon par pertes et profits, du moins aux générations futures,  tout reviendra à la normale. Comme en plus les taux d’intérêt sont négatifs, on pourrait même avoir une reprise si bouillonnante  que de nouvelles bulles pourraient apparaître très vite.

On reconnaîtra là le schéma qui a prévalu lors des crises de 91-93 et de 2001-2003.  Déjà on avait donné une explication très restrictive : crise accidentelle liée à la guerre du Golfe pour la première,  dégonflement de la bulle Internet, pour la seconde.  Et on n’avait pris aucune mesure de réforme  structurelle.  Dans les deux cas les Etats-Unis avaient laissé filer le dollar  tout en noyant le monde de liquidités.  Et basta.

La reprise dans les deux cas avait fini par venir.  Très forte à partir de 1997 (mais sans que les gouvernements s’en rendent compte, notamment en France), très molle à partir de 2005 (mais sans que personne ne cherche à comprendre cette mollesse).
Cette manière de voir se heurte lourdement à la réalité. 

Le cantonnement des « dettes pourries » est un exercice quasiment impossible avec des banques non nationalisées, comme nous l’avons déjà expliqué sur ce site.  Il faut d’abord définir le périmètre des dettes en cause et ensuite leur donner une valeur. Or justement tout le problème est que le risque a été diffusé par des moyens complexes, le plus souvent par des techniques hors bilan, et que les actifs en question n’ont aucun marché permettant d’établir leur valeur ! 

La crise bancaire a donc toutes les chances de perdurer et tant que « crédit est mort », il n’y aura pas de reprise.  

Dans le même temps les causes ne la crise n’ayant pas été jugulées,   la confiance ne revient pas.  Aux Etats-Unis la peur d’un effondrement possible du dollar prévaut dans les esprits.  Le Japon lutte contre les conséquences d’une appréciation  excessive du Yen.  Partout ailleurs des manipulations monétaires ont lieu, notamment en Chine et en Russie.

Certes le Baltic index après un an de chute verticale et quatre mois de stagnation complète au niveau le plus bas est reparti timidement à la hausse, prouvant une certaine reprise des affaires. 

Certes les restrictions de production ont enrayé les chutes de prix qui s’étaient produites ici ou là.

Certes les bourses ont montré une résistance à des niveaux qui semblent être des plus bas, relançant les spéculations positives. 

Certes l’esprit humain  est ainsi fait que son humeur ne peut rester indéfiniment au pessimisme. 

Certes la liquidité est maintenant si peu rémunérée que des tentations se font jour de revenir se placer sur des valeurs « réelles » : le remontée de l’or au dessus de 900$ l’once le démontre.

Mais en vérité c’est la peur qui continue à dominer en même temps que la confiance résiduelle s’effiloche au fur et à mesure que les chiffres de la catastrophe se découvrent.  Les éléments de reprise se perdent dans les sables mouvants  d’un système monétaire et financier international  devenu complètement instable au point de ne plus tenir qu’à un fil qui peut casser à tout moment.

On sait déjà qu’il n’y aura aucune reprise en 2009 et que les récessions vont être très sévères partout, s’étageant entre moins 10 et moins 2 %.   Et à tout moment des drames ponctuels peuvent se produire.  Ce peut être une nouvelle crise de confiance des déposants avec une ruée irrépressible sur les comptes de dépôts ; cela peut être l’effondrement du dollar ; ce peut être ces crises sociales insupportables. 

Ce peut être autre chose : cela lâche toujours là où on s’y attend le moins.

Au premier trimestre 2010 tous les bilans d’entreprise traduiront la réalité de 2009. C'est-à-dire quatre trimestres  de crise.  Et on aura vu que les plans de reprise n’auront pas eu les  grands effets annoncés.   On entrera alors dans le vif de la crise.  Le moment de vérité ne sera pas comme on le lit partout la situation au printemps 2009, mais celle au printemps 2010.  En attendant la situation est totalement imprévisible.

Nous ne croyons pas trop à un réajustement spontané des flux de commerce international.  Il est clair que les stocks qui viennent  de se vider à grande vitesse devront bien être reconstitués un jour ou l’autre et que des besoins retardés finiront bien par se manifester sur le marché.  De même l’inflation des moyens monétaires finira bien par rétablir une hausse des prix favorable à la reprise de l’investissement.   Mais les facteurs délétères sont tout aussi importants.

2009 verra surtout la fin des illusions et le début d’une perception que les subprimes étaient une petite affaire et qu’il faut aller beaucoup plus loin dans les réformes.  Il n’y aura de reprise en 2010 que si les réformes de fond sont entreprises. Sinon,  l’hypothèse la plus probable, en dehors de tout accident massif qui peut se produire à tout moment, nous entrerons dans une logique dépressionniste ou stagnationiste d’au moins quatre ou  cinq ans.

On va donc vers une année 2009 chaotique où la question principale sera de savoir si  à force de  démentis  douloureux sur le terrain, les prises de conscience nécessaires sur la vraie nature de la crise et des réformes nécessaires finiront par atteindre les organes de perception des équipes dirigeantes des principaux pays. 

Un intéressant suspense !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Les erreurs de Nicolas Sarkozy


Nous voici au point où les erreurs accumulées par Nicolas Sarkozy finissent par avoir leur effet délétère non seulement sur sa côte dans les sondages mais sur la situation morale et politique de la France.

Quelles sont donc les erreurs commises par Nicolas Sarkozy qui lui sont directement imputables et qui auraient pu être facilement évitées ?

La première c’est évidemment de ne pas avoir voulu voir la crise venir.   Entouré d’économistes de cour bien décidés à ne rien dire qui puisse fâcher, il se lance dans une campagne électorale complètement à côté de la plaque, du point de vue économique s’entend.

Fin 2006, tout est connu de la crise qui se précise.  La bulle immobilière a déjà commencé à se dégonfler aux Etats-Unis. Les statistiques de la construction montrent déjà le repli des chantiers et les prix vacillent.  L’endettement des Etats-Unis culmine à des sommets intenables.  Les déséquilibres internationaux sont partout devenus des gouffres. 

Nous-mêmes, après un à coup boursier particulièrement dur, révisons alors nos prévisions.  Nous pensions à une crise commençant en 2008 aux Etats-Unis et touchant la France un an et demi après, comme d’habitude.  Nous réalisons soudain que la volatilité est telle  que la crise va être avancée de six mois à un an et nous aggravons notre diagnostic sur sa violence.

En juin 2006 nous conseillons de liquider toutes les opérations immobilières projetées avant la fin de l’année et d’éviter tout investissement lourd. Nous suggérons de vendre les entreprises qui doivent l’être,  extrêmement rapidement.

On peut se moquer des « experts » qui se trompent tout le temps.  Nous ne prétendons pas au statut de pythie méconnue. Nous disons simplement que la crise était prévisible. Nous en avertissons publiquement Nicolas Sarkozy et ses équipes.

La seconde erreur découle de la première. Si une crise économique sévère se profile, il ne faut rien promettre sur la croissance, l’augmentation de l’emploi ni sur  le pouvoir d’achat.  Nicolas Sarkozy fait tout le contraire et centre sa campagne sur le pouvoir d’achat, les heures supplémentaires, le travailler plus pour gagner plus.   Les trente cinq heures deviennent une cible privilégiée alors qu’en temps de crise  dure et d’extension du chômage ce n’est pas une priorité absolue.

Les promesses aventurées sur le pouvoir d’achat sont d’autant plus dangereuses que les déficits extérieurs montrent que la consommation en France est excessive  et se finance par l’endettement.

Aurait-il pu gagner la campagne électorale sur un thème  alarmiste : la crise va venir ; préparons nous ; je ne vous promets que du sang et des larmes ?  Qui sait ? Toujours est-il que les erreurs sont faites et que toute erreur se paie au comptant en économie.

Voici Nicolas Sarkozy  président : il commet une troisième erreur : la loi Tepa.  Non pas pour les raisons avancées par les socialistes de « cadeaux aux riches ».  Mais parce qu’aucune des mesures prises n’a la moindre de chance d’avoir un effet opportun face à la crise qui s’annonce.

En pleine inconscience Nicolas Sarkosy plaide pour des « subprimes » à la française alors qu’elles seront le déclencheur de la crise aux Etats-Unis.  Le marché hypothécaire étant étique en France il se rabat sur la déduction des intérêts des emprunts pour le bâtiment. On dit aujourd’hui : cela a contrebalancé partiellement la crise de l’immobilier.  L’erreur qui devait aggraver la bulle immobilière finalement par hasard se serait  trouvée utile. C’est évidemment tout à fait faux : les banques s’étant brutalement effondrées, crédit est mort et les prêts immobiliers à déduire aussi.  Mais bon, ce n’est pas le pire.

En matière fiscale, il propose le bouclier fiscal à 50%.  Nous avons violement contesté cette mesure qui chaque jour se révèle plus désastreuse.  Ce qu’il fallait faire c’est changer l’assiette de l’ISF et la transférer sur les très hauts revenus, les rémunérations  liées aux plus values des stocks options des grands groupes et aux « golden »  parachutes et « Hello ».  On ne perdait aucune recette fiscale. On frappait des gens qui s’en mettaient littéralement plein les poches sans trop se fouler, et on évitait  le caractère abject de l’ISF qui voit des contribuables payer plus que leur revenu !  Dans la foulée il devenait possible de rapatrier les fonds partis à l’étranger moyennant une taxation  raisonnable : par exemple 10%. L'endettement s'en trouvait diminué d'autant.

Ce paquet là aurait enrichi l’Etat et la France sans ruiner personne et mis fin à des anomalies qui pèsent lourdement sur  le moral des entrepreneurs et qui ruinent  des braves gens au moment même où ils affrontent des difficultés (perte d’emploi, veuvage, maladie etc.).  Au lieu de cela le gouvernement à chaque mesure fiscale est pris au piège de l’effet bouclier qui laisse la rue penser : les riches ne paieront  jamais  d’impôt supplémentaires  alors que nous on trinque.Une mesure plus catastrophique, on ne peut pas faire.

La modification du régime des heures supplémentaires dans une perspective de crise à venir n’avait aucun sens.  On assiste à des dérives inévitables : l’industrie automobile est touchée par la crise du crédit et l’arrêt du commerce international ; elle profite d’une prime à la casse pour vider les stocks et mettre les ouvriers en vacances et au chômage technique.  Les  nombreux contrats précaires sont supprimés (CDD, intérim, sous-traitance). On relancera la production avec  des aides et en heures supplémentaires !  En prime on bénéficiera d’un prêt massif de l’Etat à des conditions avantageuses et diverses subventions de recherche pour la voiture propre du futur.

Cette combine se retrouve un peu partout.  Elle permet de donner des revenus un tout petit peu amélioré  à  des salariés moins nombreux. Aux frais de l’Etat. Alors qu’ lemploi est la seule priorité !

Il va de soi que les mesures à prendre étaient tout autres. Sachant que le travail allait manquer et qu’il fallait empêcher coûte que coûte la démolition d’équipes qui avaient été longues à constituer, il fallait travailler avec les syndicats sur l’accompagnement  des ajustements d’effectifs et les mesures de nature à éviter que le choc soit trop destructeur.  Dès 2007.

Le RSA est une autre erreur grandiose. Sachant qu’il n’y aurait AUCUNE  création d’emploi pour les personnes marginalisées,  et qu’au contraire il y aurait foule au guichet des nouveaux demandeurs,  il fallait surtout penser à ceux qui licenciés ou ne trouvant pas à s’insérer dans le milieu du travail ne devaient surtout pas  tomber dans les pièges du RMI.   Effet pervers absolu on ne créera aucun emploi supplémentaire avec le RSA mais on va entraîner par calcul à court terme des ménages à jouer le nouveau système plutôt que la recherche d’emploi.

L’incroyable cinéma autour de l’écologie  et du sauvetage de la planète a été une autre erreur. L’opinion aurait du être tendue  vers la crise, les solutions temporaires pour l’affronter, les mesures temporaires pour en adoucir les inconvénients, les mesures définitives pour en sortir vite et bien.  On réforme extrêmement mal en temps de crise.  Au lieu de se lancer dans un festival de réformettes toutes ajustées par une taxation nouvelle  au nom de l’écologie, on aurait du se concentrer sur l’essentiel.

Il en va de même de bien des actions désordonnées lancées en tout sens qui n’ont fait aucune économie réelle tout en créant un climat de panique et de ressentiment  qui a grossi les rangs des mécontents.

En même temps par démagogie on a multiplié les cadeaux aussi vite oubliés qu’encaissés. Les marins pêcheurs étaient étranglés par la hausse spéculative du pétrole qui a eu lieu début 2008 : on leur a donné des compensations massives. Bien. Le pétrole est revenu à ses cours les plus bas. A-t-on touché aux cadeaux faits aux marins ? Evidemment non.

Le résultat : fin 2008 le chômage est au plus haut ;  il n’y a plus de perspective sur le pouvoir d’achat sauf à lâcher tout et n’importe quoi comme en 1968, mais comme il y a l’Euro c’est impossible sauf à sortir de l’Europe !  Les banques sont en faillites virtuelles et ne pensent qu’à reconstituer leurs fonds propres.  Crédit est mort. Les marchés d’exportation sont à l’arrêt.  Les impôts sont au plus hauts en même temps que la dépense publique dépasse toutes ses limites et que les déficits se creusent dans des proportions ahurissantes, comme celui du budget ou celui du commerce extérieur.

Sur le plan extérieur la crise n’ayant pas été  anticipée, ses causes ne le sont pas plus.  La crise une fois venue on s’agite en tout sens mais on est strictement incapable de poser un diagnostic et de mener une campagne internationale et diplomatique sur des concepts et des mesures.  

Il fallait dès 2006 mettre en cause les changes flottants et dès l’arrivée aux affaires mener campagne sur ce thème en mobilisant les économistes  et en prenant date sur la crise inévitable.

Oui, il fallait imposer un Français à la tête du FMI mais un vrai économiste qui aurait défendu ces thèses de l’intérieur du système et exigeant de faire appliquer les accords existants.  Car pour aussi bizarre que cela paraisse le FMI devait dans les accords de la Jamaïque faire respecter les grands équilibres et mettre en cause les pays accumulant déficits ou excédents extravagants.  Au lieu de cela on a fait nommer pour des raisons politiciennes nullissimes un incapable qui depuis à révélé tous les jours non seulement son incapacité mais aussi son goût pour  des pratiques  douteuses qui n'ont rien fait pour la réputation de la France.

En conclusion, nous voici au bout d’une histoire bien mal emmanchée.

A l’intérieur le « mouvement social » comme les chiens de meute à l’hallali  guette le moment de déchiqueter la bête, c'est-à-dire l’Etat, c’est dire la population, c'est-à-dire nous. Ils veulent une hausse des salaires qui dans les conditions actuelles aurait des effets pires que les délires de 1968.  Mais à force de parler de Grenelle et de pouvoir d’achat comment éviter qu’on exige un grenelle du pouvoir d’achat !  En même temps toute mesure de réforme est aussitôt bloquée par des grèves massives.

A l’extérieur la réunion du G.20 à Londres sur la  « refondation du capitalisme » se contentera d’agiter des clochettes sans rien toucher d’essentiel.   On fera de la comptabilité, de la notation,  beaucoup de morale à trois sous. Mais on ne mettra pas fin au système des changes flottants.  Et on priera pour que les plans de relance fassent leur effet.  La France sera marginalisée.

Quelle sera la suite ? La chiraquisation définitive de Nicolas Sarkozy, surtout après des élections européennes donnant des résultats décevants ( à 22% l’UMP perd toute crédibilité) ? Des tentatives d’activisme désordonné débouchant sur des grèves de plus en plus importantes au fur et à mesure que la crise s’étend ?


Le temps perdu ne se rattrape jamais.

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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