Le presse française étouffée par les subventions

Nous avons besoin d’une presse nationale quotidienne.   On a donc monté des Etats généraux de la Presse. Qu’en sort-il ? 

 

Un appel éhonté à la subvention tous azimuts. Appel immédiatement entendu.  Une longue tradition.

La PQN est récompensée de son travail permanent en faveur de l’impôt. Crier « Vive l’impôt » semble être en effet son exercice  principal.  Après tout,  on lèche la main qui vous nourrit.
Et à qui ont demande absolument tout.

Pendant des lustres la presse parisienne a montré la lâcheté la plus grande vis-à-vis des « ouvriers du livre », un « closed shop » totalement abusif et mafieux.  Quand un patron de presse  a décidé de l’affronter les autres l’ont laissé tombé.    Ce syndicat infect a réussi à imposé des conditions de travail exorbitantes qui rendent impossible la rentabilité d’un journal.  

L’anecdote suivante nous a été racontée au hasard d’une rencontre. Elle date un peu et nous n’avons pu la vérifier.  Nous faisons confiance à celui qui nous l’a racontée mais naturellement la livrons avec toutes les réserves d’usage. Elle peut être fausse. Même si on ne voit pas trop pourquoi il aurait inventé de tels détails.

« Un brave garçon est engagé par piston familial  par le syndicat. Il doit « gérer » les gros sacs de journaux qui tombent régulièrement à destination des différents coins de France.  Il faut prendre le sac et faire pivoter un portique pour le porter vers les postes de camionnettes ou de motos chargés de la diffusion.  Un sac tombe à peu près toutes les trente secondes. Il faut dix secondes pour le diriger  à poste et l’y faire tomber.  Le syndicat a exigé 5 postes de travail pour cet exercice qui dure environ deux heures chaque jour. 

Il a obtenu un salaire, pour ces deux heures effectives, comptées 5 heures contractuelles,  de 800 Euros net par semaine.  La plupart des privilégiés qui bénéficient de cette planque travaillent  ailleurs pendant la journée, souvent comme permanents syndical.  Ils gagnent en général entre 4 et 6000 euros par mois.    Les 5 personnes affectées directement sur choix du syndicat sont rarement là toutes en même temps et pour toute la durée prévue. 

En général on ne voit que trois ou quatre personnes qui naturellement se tournent les pouces.  Elles travaillent environ 20 secondes toutes les 5 minutes, ce qui n’est pas tuant.  En fait on assure une rotation, ce qui fait qu’on peut passer 20 à 30 minutes à ne rien faire sinon lire le journal. 

Installer un carrousel automatique qui permettrait à une personne de desservir tous les points de chargement coûterait environ 30.000 Euros. Le syndicat s’y oppose ainsi qu’à tout changement dans les effectifs sous peine de blocage instantané de la diffusion.  Le simple triage  des sacs revient donc à près de 3 millions d’euros annuels, charges comprises.

Notre jeune « travailleur » s’ennuie. Il a besoin de s’activer un peu.  Un jour où son énergie était forte il assume seul le traitement des sacs pendant toute la session au milieu des quolibets. Le lendemain il est viré ».  

Evidemment, si l’anecdote est vraie,  on comprend que  les frais d’impression des journaux parisiens soient largement au dessus de tout ce qui se pratique ailleurs (entre 65 et 100% de plus !).  Si elle n’est pas vraie, il n’en reste pas moins que ces coûts sont bien supérieurs  à tous ceux qui se pratiquent dans le monde.
Que faire ? Tout aussi évidemment  demander à l’Etat c'est-à-dire aux contribuables de compenser ce surcoût abusif.  L’abjection est le compagnon général de la lâcheté.  
 
 Le catalogue des mesures fiscales énumérées par le Livre vert est proprement ahurissant et l’acceptation immédiate par N. Sarkozy est  dans la tradition des excès interventionniste de l’Etat dès qu’il faut faire des cadeaux à des catégories qui pourraient être hostiles.

600 millions d’Euros seront donc débloqués pour la presse, un ensemble économique qui fait travailler directement 60.000 personnes, soit 10.000 Euros par tête.  Si on appliquait le même traitement aux 16.000.000 de salariés du secteur marchand on arriverait à une jolie enveloppe :  cent soixante milliards d’euros.  Le plan de relance à 26 milliards fait mesquin à côté !

On joue sur tous les registres fiscaux,  en plus des avantages fiscaux déjà existants.

Inutile de dire que la niche fiscale du statut de journaliste n’est pas touchée ! Mais on reporte les accords avec la Poste qui subventionne la presse et qui voudrait que cela cesse.  L’Etat veillera à compenser la perte !

Nicolas Sarkozy, selon le principe qu’un Président de la République ne parle à une profession qu’en distribuant des douceurs,  qu’un homme politique qui ne subventionne pas n’a en fait rien à dire et qu’un représentant de l’Etat n’est légitime que comme guichetier dispensateur, a fait lui-même la liste des gâteries données à la profession.  Une heure entière de distribution  fiscale.

On aligne la presse internet sur les règles fiscales de la presse écrite.  On subventionne les investissements sur internet y compris via des subventions « recherche ».   Le 39 bis, une règle fiscale permettant de disposer d’un  « tax shield » fiscal très important sur les dépenses d’investissement est étendu  à tout et à tous. Il devient un « 39 bis citoyen » !   Se moquer ainsi du contribuable est merveilleusement poétique et fait vibrer tout journaliste qui se respecte tant le cynisme reste à la base de la culture locale.

Et on ouvre tous les robinets : l’Etat doublera ses insertions publicitaires dans la presse ; il renforcera son aide à la modernisation de l’outil industriel. Il exonérera des charges patronales les porteurs.  Il prendra en charge la modernisation des points de ventes.   Il passera de 8 à 70 millions d’euros l’aide au portage,  il assurera le coût de reconversion des « sureffectifs que tout le monde connaît »  dans les imprimeries, paiera la formation. Il accordera une déduction fiscale de 66% à ceux qui feront un don aux journaux.   Il paiera le transport des journaux dont l’abonnement sera accordé gratuitement aux jeunes de 18 ans.

En un mot une presse qui est à l’heure actuelle pour l’essentiel détenue par des marchands de canons ou de riches banquiers   qui ont investi dans des danseuses sous capitalisées et sans rentabilité  où ils n’ont d’ailleurs aucun pouvoir,  qui n’a su prendre aucun des tournants de la modernité et encore engluée dans des tourments idéologiques et syndicaux graves,    va se voir tenu hors de l’eau par la subvention publique généralisée.  Sans faire la moindre réforme. Sans engager le moindre changement significatif.

Prenons le journal Le  Monde. Il est pratiquement coulé par la crise de 93.  Une chance s’offre à lui : abandonner le « magistère de la connerie de gauche » après la chute du mur. Il peut enfin s’engager dans la seule cause qui vaille à gauche : l’ouverture, l’observation juste, l’honnêteté, le soucis de la vérité, … 

Il choisit une option différente : Edwy Plenel l’engage dans l’ignominie ; Colombani dans le capitalisme pur et dur.  L’option Internet est le seul bon choix.  Au bout du compte le grand écart est trop... grand.  Le triumvirat Minc, Colombani, Plenel est viré.

La partie internet devient payante et elle se surcharge de publicité envahissante qui ne permet même plus de voir les contenus.  Le Figaro qui reste libre devient la plateforme internet numéro 1. L’effondrement par vente par appartement de l’empire constitué par Colombani,  par l'emprunt,  s’accélère. Le journal après le juste livre de Péan a perdu tout crédit et s’oriente vers une triple évolution complètement contraire aux nécessités telles que vues par les clients :

-    Les libres opinions redeviennent purement idéologiques : les rédacteurs du monde ne renoncent pas à leur rôle de juge du « bien penser à gauche ».
-    On fait de chaque numéro un magazine avec des articles de un ou deux pages entières.
-    La partie brèves est châtrée et devient du recyclage d’info prises ailleurs.  L’aspect journalier du journal meurt !
Le résultat peut être constaté tous les jours : un pas quotidien vers la faillite.

Là où il fallait être ouvert, libre, rapide, solide on reste fermé, prisonnier de l’idéologie, lent,  vulnérable sur les questions d’honnêteté et de bon journalisme.

Le Figaro suit une évolution parallèle dans la partie rédaction : tout est redevenu prévisible et conventionnel. Le souffle donné par FOG est retombé.  On s’endort en lisant le journal. En revanche, le Figaro qui avait un forum sur internet totalement nul, devient une plateforme plus libre et plus ouverte sur le commentaire direct de l’actualité. 

Mais Serge Dassault se demande encore pourquoi il a acheté si cher une danseuse qui ne fait que perdre de l’argent et qui lui interdit toute action rédactionnelle !     Il pourrait bien se lasser…ou mourir ! Que deviendrait alors le Figaro ?
Il appartient aux groupes de presse de se réinventer et de trouver comme on dit « un nouveau modèle économique » sans le soutien de l’Etat.

Que ce soit sur la partie internet ou  pour la presse papier, la tendance est d’ajouter des liens vers des activités totalement commerciales.  Ces activités deviennent subventionnées indirectement par les subventions à la presse. Est-ce normal ?  

Un site internet  de journal qui devient un point d’entrée vers des sites de rencontres ou d’achats, donc un portail,  doit-il être subventionné ?  Un journal qui intègre dans ses pages un encart publicitaire pour par exemple ING DIRECT et ses taux mirifiques à 6% doit-il voir la diffusion de ce message commercial subventionné ?

De plus en plus les journaux seront des portails dont le rendement sera lié aux activités annexes qu’ils entraineront.  Faudra-t-il réellement ajouter la subvention aux rémunérations commerciales  et à la pub, sachant que le paiement du journal devient une recette dérisoire, portée d’ailleurs si haut en France que plus personne ne souhaite acheter un objet si cher et si pusillanime ?  

La crise met en difficulté des groupes qui comme Schibsted  ont parcouru un long chemin sans subvention vers la constitution des modes de fonctionnement de demain : 9000 salariés ; une couverture internationale couvrant 21 pays ;  une présence sur le WEB et le téléphone mobile.

Mais c’est clairement par là qu’il faut aller.  L’audience internationale  avec des éditions en anglais est indispensable.  Une bien plus grande vitalité et réactivité avec une indépendance totale vis-à-vis des idéologies et des conventions, la pertinence dans l’impertinence,  est absolument requise.

Cette forme de symbiose entre syndicats prédateurs et violents, journalistes poseurs et subventionnés,  journaux  sans capitaux et capitalistes sans pouvoir,   commerçants qui se veulent non commerçants, le tout arrosé à des niveaux inconvenants par l’argent des contribuables, sur fond d’effondrement international et de fuite du lectorat national  est scandaleuse.

A Nicolas Sarkozy qui vient de rejouer  la pièce mille fois jouée du : « je te tiens par la barbichette »,  il faut poser une fois de plus la question : où est la rupture ?

La vraie solution était : supprimer immédiatement et sans faiblesse la totalité des subventions.  On aurait vu s’activer aussitôt les neurones et la peur étant bonne conseillère, les réformes nécessaires auraient été prises aussitôt.

L’arrosage de subventions n’est pas seulement scandaleux du point de vue du contribuable ; il l’est aussi  pour le journalisme et l’ensemble de la presse.   On a encouragé une fois de plus  la presse-paresse à se rouler dans  la mélasse dans laquelle elle s’est enfermée en France par sa propre faute.  On lui accorde de continuer à s’y vautrer avec l’aide attentionnée de l’Etat.

On a le droit de ne pas être d’accord.

Sylvain Dieudonné pour le Cercle des Economistes E-toile.

Des dirigeants et des conseillers dépassés : Henri Guaino

Nous continuons notre série d’analyses des vues exprimées dans la presse par les ténors de la politique ou de l’économie.

Aujourd’hui nous commentons l’interview donnée au Figaro du 24-25 janvier 2009 par Henri Guaino.

« C’est la première crise de la mondialisation »

Cette antienne se retrouve un peu partout dans la bouche des commentateurs médiatiques et des politiques.  

Il y a au moins deux erreurs dans la phrase.

Cette crise n’est pas la première d’un genre nouveau : c’est le troisième épisode de la crise commencée en 92-93, continuée en 2001-2002 et qui s’épanouit aujourd’hui.  Croire qu’il s’agit d’une « première » d’un nouveau genre garantit de ne rien comprendre.

Le concept de mondialisation est vide de sens : la mondialisation a commencé vers le 6 ième siècle avant JC avec des épisodes nombreux d’ouverture et de rétractation.   Même si on se limite à un cadre récent la seule nouveauté a été l’ouverture des pays communistes depuis 1990.  Le commerce international a plus cru pendant les trente glorieuses que dans les trente dernières années !

On retrouve dans ce genre de phrase le plaisir de faire des mots et de prendre la pose, mais cela n’ouvre sur rien d’intelligent.

 «  L’histoire n’est pas écrite d’avance et la mondialisation prépare peut-être une sortie de crise inédite. »

Ayant cru que la crise était inédite, la sortie de crise doit donc l’être. Tout cela est cohérent mais dans la jactance seulement.

« Emprunter pour placer dans les banques à 8%  cela rapporte de l’argent à l’Etat ».

Le résultat c’est surtout que les banques outre le désir de ne pas tomber plus bas doivent absolument trouver une rentabilité de 8% : le résultat est le renchérissement du crédit et une très forte sélectivité. 

On va à l’inverse du but poursuivi.

Mieux aurait valu nationaliser en prenant acte de la perte quasi-totale de valeurs des banques, cantonner les mauvais risques et repartir sur une base de prêts à des taux réalistes.  Le but de l’action conjoncturelle ne peut pas être «  de rapporter de l’argent à l’état » en aggravant la crise.


« Augmenter les impôts en période de récession serait absurde »

L’ennui c’est que depuis 2002 la droite n’a pas réellement fait baisser la pression fiscale (voir notre billet sur ce sujet)  et qu’il ne se passe pas un jour sans qu’on multiplie les taxes et les créations d’impôts nouveaux, sans parler des folies fiscales locales comme à Paris les délires Delanoë le montrent. 

Symétriquement il n’y a pas un jour sans un cadeau au peuple ou une gratuité.  Voir dans le même journal le déversement de subventions  colossales à la presse quotidienne.

« Le capitalisme financier est le contraire du vrai capitalisme »

Cette analyse est purement politique et ne recouvre rien de sérieux.

« Qu’attendez-vous du prochain G20 à Londres : ce sera une étape importante de la refondation du capitalisme»

On est dans le verbiage. On sait qu’à Londres seront annoncées des mesurettes concernant les agences de notations, les règles comptables,  la rémunération des banquiers et  certaines limitations pour les hedge funds et les paradis fiscaux.   Il y a un décalage effarant entre le vocabulaire hyperbolique des autorités françaises et l’ambition presque ridicule du G20 !

« Ce que nous voulons c’est un Etat qui entreprend, qui investit, qui innove, qui instruit, qui protège. Ca n’a rien à voir avec  le vieil Etat social démocrate  redistributeur et bureaucratique ».

Là encore, ce sont des mots.  Jamais l’Etat n’a été plus redistributeur qu’aujourd’hui et la multiplication des « droits à » et des gratuités diverses montre que le guichet des friandises n’a jamais été plus ouvert.

« Politique de civilisation : où en est-on ? -  On y est : Refonder le capitalisme c’est une politique de civilisation »

Blablabla !


« Quel modèle économique s’imposera après la crise ? – la croissance sera plus durable, il y aura moins de déséquilibres, moins d’excédents pour les uns et de déficits pour les autres »
Très bien. Mais comment ?  Là pas un mot.


Conclusion :


Le discours de H. Guaino est le miroir de celui de N. Sarkozy. Il s’agit d’une posture. On est heureux d’avoir un « discours ». Ce discours est collé arbitrairement sur une situation qu’on ne comprend pas  et qu’on ne sait pas comment aborder techniquement. 

Alors on parle de situation nouvelle qu’il faut juguler par un retour aux sources, tout en arrosant  tout et tout le monde et en creusant les déficits. 

Il aurait été meilleur d’avoir un diagnostic, un pronostic et une thérapeutique cohérente.

Alors que nous au Cercle des économistes e-toile nous avions publiquement attiré l’attention du candidat Sarkozy sur le danger d’annoncer un accroissement du taux de croissance alors qu’une crise sévère allait se produire pendant son quinquennat, son équipe n’a rien voulu voir venir et ne s’est préparée à rien. 

Alors que la crise démarre aux Etats-Unis fin 2006 et s’amplifie pendant toute l’année 2007 avec l’accident de fin juillet début Août qui marque l’ouverture de la crise bancaire chaude,  rien n’est observé ni compris. Aucune action n’est entreprise pour faire face à ce qui menace.

On développe un agenda purement politique. 

Aujourd’hui la fine équipe  joue la surprise et n’a aucune idée de la continuité des évènements qui nous ont conduits là où nous sommes.  Elle ne fait qu’inonder de crédits tous les secteurs qui viennent à la gamelle : presse, construction aérienne, construction automobile, banques,  en creusant les déficits.

Et tout s’aggrave sans aucune rémission.

Gouverner c’est prévoir, pas enfiler les formules verbales creuses.

La vérité de la crise commence à s'étaler

Partout les prévisions économiques ont été remises en ordre.

Le Japon, annonce une récession grave pour 2009.

La Corée voit apparaître un taux de chomage jamais vu.

La Chine reconnait que le commerce international et les exportations marquent le pas et que les étudiants ne trouvent plus d'embauche en sortie d'école, que les ouvriers retournent par millions dans leur campagne, que les stocks s'accumulent, que les quais sont désespérement vides, que les exportations de décembre ont été en récession de plus de 30% etc.

L'Asie est à l'arrêt.

L'Europe l'est aussi.

La Commission annonce une récession de près de 2% pour 2009 pour l'ensemble de l'Europe.

Nous maintenons que ce sera le cas pour la France comme nous le disons déjà depuis longtemps.

Les banques entrent dans la fin de la phase 1 : les pertes du dernier trimestre apparaissent et elles sont gigantesques  en dépit de l'arrêt de toutes opérations à risques depuis trois mois.

Et glisse vers le début de la phase 2 : les pertes sur les crédits classiques du fait du retournement de la récession.

On est encore loin de la sortie de crise et on peut se mordre les doigts de n'avoir pas purement et simplement nationalisé les banques. Elles seraient maitnenant beaucoup plus faciles à restructurer et à remettre au service de l'économie.

Donner à une banque privée du capital (payable à 9%) tout en cantonnant les crédits non performants est totalement contradictoire. La Suède rappelle dans le NYT du jour  la méthode qui lui a permis de sortir d'un épisaode de faillite bancaire généralisée à la suite du boom immobilier de 93. Ils ont employés lexactement celle que nous préconisons.

Nous avions dit qu'il fallait immédiatement agir sur les changes en septembre 2008. Au lieu de cela nous avons vu une politique de  chacun pour soi en matière de change. La Livre a été dévaluée de près de 30%. Le Yen monte de façon excessive. Beaucoup de pays n'ont plus q'un moignon de monnaie maintenu par des taux d'intérêt intenables.

Et les menaces commencent : les Etats unis, Obama à peine installé, s'empare de la question du dumping monétaire chinois avec pour la première fois une déclaration publique qui entraîne obligatoirement une enquête sénatoriale donc des conséquecnes diplomatiques. 

Avoir considéré que le terrain des changes n'était pas important est une faute impardonnable qui sera citée dans le futur comme une des grandes causes d'une part du déclenchement de la crise et d'autre part de sa durée.

Les circuits commerciaux sont effondrés et pervertis par les dévaluations subies ou volontaires.Ils ne peuvent pas repartir sainement.

Rien ne dit que la patience des peuples sera grande. En 1929 il avait fallu trois ans pour que les mesures les plus extrêmes soient prises par des peuples lassés de ne voir aucune amélioration poindre. 

La SEULE solution raisonnable c'est de stabiliser les changes et de réinflater les économies de concert dans ce cadre ferme, en s'appuyant sur des banques elles mêmes hors risques du fait de leur nationalisation effective. Alors des horizons réapparaitront qui permettront la relance des activités et notamment du commerce international. 

Le risque de la situation actuelle est que le système des banques saute (c'est en 1932, trois ans après la crise que les Etats Unis ont perdu près de 4000 banques) et que des guerres économiques monétaires éclatent de façon ouverte. 

Si cela arrive, la crise durera dix ans !

 

Interview au Monde de M. Giscard : quelques commentaires

M. Giscard a donné une grande interview au Monde à l’occasion des 10 ans de l’Euro. Il est toujours intéressant de commenter les textes si rares des grands décideurs.

1. « Pourquoi l'euro a-t-il fini par s'installer ?

Pour deux raisons. D'abord, c'était la monnaie d'une grande zone assez stable. Ensuite, cette zone était gérée par une culture où l'influence allemande était forte, une culture économique raisonnable. Or le socle de la monnaie, c'est la confiance. L'euro a su inspirer confiance. Wim Duisenberg, le premier président de la banque centrale européenne (BCE), était plutôt passif, et l'économie était alors assez favorable. Cela a positionné l'euro comme une monnaie stable qui méritait la confiance. »

L’Euro, une monnaie stable ? Par rapport à quoi ? Les seules références possibles sont soit les autres grandes monnaies, comme le dollar ou le Yen, ou un métal précieux extérieur ou les biens « réels ».

Qu’avons-nous constaté vis-à-vis des biens réels : ils ont formidablement augmenté en valeur exprimée en Euro.  Ce qui veut dire que l’Euro globalement s’est déprécié de façon importante.  Les rapports avec le dollar ont évolué du simple au double passant de 0.8 à 1.56 avant de varier à nouveau dans l’autre sens.  Vis-à-vis de l’or, depuis 71 le panier de monnaies représentatif de l’euro à baissé de 96% !  L’Euro n’est pas une monnaie stable, même si l’inflation (en terme de prix de consommation) a été contenue jusqu’à maintenant depuis sa création, principalement à cause de l’ouverture à la Chine qui pèse sur les salaires et les prix. 


2.« Dans cette crise, l'euro a-t-il joué un rôle protecteur pour les économies européennes ?

C'est évident. Que se serait-il passé s'il n'y avait pas eu l'euro ? Nous aurions assisté à une crise monétaire générale en Europe. La lire, la peseta auraient été dévaluées, le franc aussi, très probablement, en raison du montant élevé de nos déficits. Le mark, lui, serait resté à son niveau, ou même un peu monté. Les écarts monétaires auraient mis à mal les politiques communes et rendu impossible la gestion des politiques classiques, en particulier de la politique agricole commune. Et, au deuxième trimestre 2008, nous serions entrés dans la tourmente monétaire. »

Il est vraisemblable que les différentes monnaies nationales auraient évolué comme indiqué. Mais aurait-ce été si mal ?  L’Euro est surévalué pour la France et l’Italie ainsi probablement que pour l’Espagne.  La PAC a continué à fonctionner pour les pays européens n’appartenant pas à l’Euroland.  Et de toute façon nous sommes bien entrés dans la tourmente monétaire. Elle a été gérée par la BCE mais c’était bien une tourmente et elle dure encore. 


3. «Toute crise financière de cette ampleur débouche sur un monde nouveau. Pensez-vous qu'un jour l'euro puisse détrôner le dollar ?

En tout cas, je ne le souhaite pas. Etre la monnaie mondiale est une contrainte très forte pour les économies qui l'utilisent. Car on est obligé de tenir compte non seulement des flux de sa propre économie, mais aussi des flux mondiaux. La monnaie change de caractère. Elle devient très largement marquée par son rôle international, comme l'est le dollar à l'heure actuelle.Ce qui est souhaitable, c'est que le rapport des quelques grandes monnaies qui subsistent, c'est-à-dire le dollar, l'euro et le yen, soit activement géré, ce qui est le cas. En effet, les fluctuations de l'euro et du dollar ne sont pas très fortes et elles sont assez rationnelles. Le yen a aussi tendance à retrouver une évaluation plus exacte. Donc, le système est relativement stabilisé. Où l'euro se situera-t-il en 2009? La fourchette semble se situer à 1,35-1,45dollar pour un euro ».

C’est une manière de dire que les taux de changes doivent être stabilisés. Mais il est faux de dire qu’ils le sont.  Le Yen vient de s’apprécier de façon très importante. Le Dollar lui fluctue à la hausse et la baisse sans qu’on sache très bien où l’on va et rien ne dit qu’il ne puisse s’effondrer à la suite des émissions phénoménales qui sont en cours aux Etats-Unis.  On est dans le « wishful thinking ». 

M. Giscard n’ose pas condamner la fluctuation généralisée des monnaies  alors il fait comme si elles étaient stables. Ce n’est pas sérieux. Mieux vaudrait attaquer bille en tête le système monétaire actuel basé sur les changes flottants. M. Giscard n’a pas ce courage là car il se sait impuissant et incapable de mener une guerre doctrinale et politique sur ce point.

4.« L’euro a protégé de la dévaluation et la politique monétaire a protégé des bulles spéculatives. Mais la récession ne sera-t-elle pas le vrai test ?
C’est un grand sujet. La récession n’a pas été causée par la monnaie, mais par le dérèglement des grands équilibres économiques. »


Mais qu’est-ce qui a déréglé les grands équilibres économiques ? Le système des changes flottants a permis une création monétaire exagérée aux Etats-Unis et l’inondation monétaire a gagné partout. L’inondation de crédits est une inondation de dettes. L’empilage des dettes s’est effondré.   Si la cause n’est pas monétaire alors les poules ont des dents.


5. « On l'a observé l'an dernier de façon spectaculaire avec la flambée des cours des matières premières, du pétrole, des produits alimentaires. Ces évolutions n'ont rien à voir avec la monnaie. »

La spéculation internationale sur les biens réels a été alimentée par une crainte sur les monnaies et peut s’apparenter à une fuite devant la monnaie alors que des inquiétudes pesaient sur les bourses.  L’effondrement de Lehman Brothers a pris à revers toutes ces spéculations qui se sont dénouées dans l’urgence et la terreur. C’est donc bien une crise monétaire et bancaire (la banque étant le principal créateur de monnaie) ave comme effet un « credit crunch » et une destruction massive de monnaie que les banques centrales sont obligées de compenser par une création aussi phénoménale qu’artificielle.   

6. « Tout juste peut-elle les contrarier. L'euro nous a protégés de la crise monétaire. Il fait partie des instruments qui permettront à l'Europe d'éviter non seulement la récession mais la dépression ».

On voit bien que la crise n’est pas freinée par la politique de la BCE. Les banques ont été sauvées par la garantie des Etats et la recapitalisation par les mêmes.  La BCE est incapable d’empêcher une récession et encore moins le passage à une dépression ou alors que M. Giscard nous dise comment.

7. « Car c'est cela le grand danger. Une récession d'un ou deux points est supportable. Si nous avons une croissance zéro, cela veut dire que nous vivrons avec les mêmes revenus qu'en 2008. Rien de tragique. »

Une croissance zéro n’est pas une récession d’un ou deux points. La seule récession que nous ayons eu depuis la guerre est celle de 93 avec un recul du PIB de 0.6% entièrement supporté par le secteur privé (qui avait reculé de près de 1%). Un recul du PIB de 2% serait une vraie catastrophe avec un recul de plus de 3% par le secteur privé (le secteur public continue sa route de façon imperturbable).    M. Giscard s’embrouille.

8. « La situation devient réellement préoccupante lorsque l'on passe de la récession à la dépression, c'est-à-dire que la machine économique s'arrête, avec de lourdes conséquences sur l'emploi ».

C’est exactement le processus en cours  depuis le début 2008 avec une brusque  accélération depuis septembre 2008.  La machine est arrêtée.

9. « A quel moment franchit-on ce stade ? Aux Etats-Unis, c'est probablement lorsque le taux de chômage dépasse les 10%, ce qu'on ne peut exclure. En Europe, le chômage a commencé à augmenter dans les grandes économies, en Allemagne, en France. On est encore dans la zone des 7 % à 8 %. Au-delà, on tomberait dans le cadre de la dépression, avec des rendez-vous sociaux difficiles. La période de danger, l'échéance politique et psychologique, ce sera le printemps 2009. Soit la récession se poursuit, mais reste contenue dans des limites qui ne changent pas trop la vie quotidienne, soit nous glissons sur un toboggan et il faudra savoir quels freins utiliser ».


Nous sommes passés déjà trois fois au dessus des 10% de taux de chômage lors des trois derniers retournements de conjoncture. Il est vrai qu’en phase haute la France ne parvient pas à passer en dessous de 8% du fait des mesures de construction d’un chômage structurel qui ont été prises sous Giscard et sous Mitterrand et constamment renforcées depuis (RMI devenu RSA, subventions généralisées au non travail etc.).

Il est vrai que la diminution de la population active par effet de vieillissement entraîne un gain d’environ 1% sur la statistique du chômage.   La dépression ce serait en France à partir de 11%. Et on y va tout droit.


La période critique ce ne sera pas le printemps 2009 mais 2010 car il faut au moins deux ans pour que les effets sur le chômage atteignent leur maximum et les entreprises réaliseront qu’elles n’ont plus de choix sur les résultats de 2009 donc au printemps 2010. 

Nous sommes déjà sur un toboggan et on aimerait bien savoir les freins auxquels songent M. Giscard qui ne soit pas ce qu’on connaît déjà : la relance keynésienne de 26 Milliards d’Euros en France et la recapitalisation des banques.


 10. L'euro fête ses dix ans. Quel bilan tirez-vous depuis sa création ?
« L'euro, en réalité, a 30 ans d'âge. Sa naissance a eu lieu à Brême, en 1978, avec l'accord monétaire européen et la création de l'ECU. On a alors lancé le mouvement qui allait aboutir, il y a dix ans, à l'entrée en service de l'euro. C'était une réponse réfléchie à la situation économique et monétaire de l'Europe : économique, parce que nous étions en train de bâtir un marché unique et que la multiplicité des monnaies désorganisait ce marché; monétaire, parce que nous sortions de la longue période des taux de change fixes et que nous devions avoir, en Europe, un système monétaire solide ».


Il est clair qu’un marché unique avec notamment des prix d’intervention communs en matière agricoles ne supportent pas facilement des mouvements erratiques de monnaies.  Mais ils le peuvent.  Techniquement ce n’est tout de même pas un argument dirimant : la Grande Bretagne est dans le marché commun et suit la PAC. Elle n’est pas dans l’Euro.  La dernière phrase a un contenu explicatif nul mais donne une indication psychologique : la stabilité des monnaies est associée à la solidité d’un système monétaire. Question dans ces conditions : pourquoi M. Giscard ne condamne-t-il pas le système global des changes flottants ? 


11. « Mais revenons à l'euro. Il faut bien se rendre compte qu'il y a dix ans, le monde monétaire était sceptique. En 1999, envoyé par la Commission européenne, j'ai rencontré Alan Greenspan , qui a souri et m'a dit : "Vous ne le ferez pas ! Et, de toute façon, si vous le faites, vous échouerez." Puis, je suis allé à Chicago voir les Prix Nobel d'économie : aucun ne croyait à la possibilité de l'euro. Les Américains pensaient que l'idée qui nous animait, c'était d'attaquer le dollar. Alors que, dans l'esprit de ceux qui ont créé l'euro, cela n'a jamais été une opération d'agression contre le dollar! Cela ne nous intéressait pas ».


Intéressant parce que factuel. Milton Friedman a en effet déclarer que l’Euro ne se ferait pas et si, par malheur, il se faisait, il éclaterait aussitôt.  Cela dit la question n’est pas encore totalement tranchée.  Les conditions prévalant dans chaque pays européens sont très différentes. Entre l’Espagne dont la note de crédit est en passe d’être dégradée, l’Italie dont l’industrie est en chute libre à cause de l’Euro fort, la France ou la Belgique qui sont en état permanent de déficit budgétaire et en endettement croissant,  et l’Allemagne qui est habituée à une monnaie forte mais qui subit de plein fouet la crise du commerce international, les économies sont différentes. Il n’est pas sûr que l’Italie se résolve complètement à la disparition de son industrie ou que l’Allemagne accepte de cohabiter avec des pays à déficits permanents.  L’Euro peut encore éclater.


   12. « Récemment, l'expertise de l'actuel président de la BCE, Jean-Claude Trichet, l'a conforté. La première crise qui s'est déclenchée, en août 2007, était celle des subprimes, c'était une crise du crédit. C'est la BCE qui, alors, a le mieux réagi. Mieux que la banque d'Angleterre et que la FED. »


La crise économique commence aux Etats-Unis en …2006.  Elle n’est pas comprise par la BCE qui ne voit rien. La montée des subprimes commencent en 2002. Elle tourne à l’inondation en 2005, 2006. La BCE le constate et ne conteste rien. Elle se contente par la voie de M. Noyer de dire que des nouveaux produits rendent plus complexe l’interprétation de M3, qui est abandonnée par la FED.  La BCE ne dit rien sur l’aggravation du danger systémique de certaines pratiques bancaires alors qu’elle a conjointement avec les banques centrales nationales un rôle de supervision des opérations monétaires et des banques.

En guise de conclusion

Nous n’avons pas relevé la pique de M. Giscard contre M. Sarkozy qui « n’est pas un économiste ». Il ne l’est pas plus et commet des erreurs d’interprétation plus que sérieuses.   La partie intéressante de cette interview tient entièrement dans le témoignage qu’il donne de la phobie des changes flottants qui anime les dirigeants européens et leur absolue incapacité de se déclarer ouvertement  contre.  M. Giscard comme pratiquement toute la classe politique européenne n’ose pas affronter cette question de face.  La question : s’ils ne le font pas, qui le fera ?

La seconde partie intéressante est naturellement celle restée « ab imo pectore », celle qui regroupe les omissions très significatives du discours giscardien sur l’Euro. Il oublie que la construction de l’Euro s’est faite en aggravant les effets du cycle et au prix d’un massacre fiscal (celui dont s’est rendu coupable Juppé pour appliquer les accords de Maastricht) dont nous ne nous sommes toujours pas remis. Le résultat aura été une croissance plus faible en Europe que partout ailleurs et pour la France l’apparition d’un pays surfiscalisé et surendetté qui ne peut pas faire face correctement à la crise mondiale en cours.

Un graphique très parlant

Merci au Monde (supplément économique du lundi 12 janvier) d'avoir publié ce tableau qui raconte toute l'histoire économique de ces dernières années. 

On y voit lévolution de l'endettement aux Etats-Unis.

1929 apparait comme une crise très violente de l'endettement.   Les Etats Unis sont la seule puissance monétaire à la fin de la guerre de 14 : l'euphorie, un système monétaire international bancal et l'endettement se met à monter de façon prodigieuse.  L'ennui c'est qu'arrive le moment où s'endetter pour faire des gains en capital en bourse ou dans l'immobilier cela finit par s'effondrer. Il faudra 20 ans pour que les américains commencent à se réendetter en masse. 

Regardons maintenant les temps plus récents. Quand la courbe commence-t-elle à s'incurver : au début  des années 70. La mise en place du système des changes flottants permet à l'endettement des Etats Unis de s'accélérer presque sans limite.

Le remplacement de Volcker par Greenspan à la présidence de la FED donne un coup de fouet au mouvement.  Greenspan c'est l'idée que "the sky the limit" en matière de création monétaire. Les déficits de balance de paiement deveiennent gigantesques et croissent constamment.

A nouveau la spéculation sur les actifs reprend alimentée par le crédit.  La consommation ne fonctionne plus qu'à crédit.  L'épargne américaine devient négative (-2%).

Le ciel vient à nouveau de s'effondrer sur la tête des emprunteurs.

L'ennui c'est que cette fois ci l'endettement a été transmis à l'ensemble du monde. 

J'avais commenté sur le site du forum Monde cette même courbe publiée également par Le Monde en 1997 ou 98, en indiquant que l'explosion était certaine et qu'il était de l'intérêt des Etats unis de s'en rendre compte le plus vite possible.  Le système semblait fonctionner au profit des Etats unis mais déboucherait nécessairement sur un krach gigantesque.

Il est vrai que Maurice Allais publiait à peu près dans le même temps, dans la foulée de la crise dite faussement "des pays émergents"  un livre annonçant le krach pour des raisons très proches (surendettement excessif). Moi même annonçait plutôt une récession en 2000 dont il vaudrait mieux tirer les leçons.

La solution a été de faire sombrer le dollar et de créer plus de liquidité. C'était une fois de trop. Dès 2006 on voyait que le système n'en pouvait plus et craquait de toutes parts.

C'est  alors que nous avons annoncé une crise très sévère en 2009.

Cette courbe raconte la longue leçon d'une dérive  auto accélérée qui ne pouvait que mal finir.  les voix n'ont pas manqué pour attirer l'attention sur cette énorme montagne de dettes et sur les dégâts lors du dégonflement obligatoire (le service de la dette aurait mangé sinon toute l'économie).

L'observateur attentif en conclura que les subprimes ne sont que l'étincelle qui a fait sauter le baril de poudre. La crise que nous vivons n'est pas celle des subprimes. C'est celle du surendettement américain permis par le système des changes flottants. 

Sans doute comprendra-t-on mieux pourquoi nous disons que la PREMIERE mesure à prendre est de mettre fin aux changes flottants AUSSI BIEN POUR STOPPER LA CHUTE  que pour éviter LE RETOUR DES DESEQUILIBRES.

Nous avons écrit pendant 10 ans que l'effondrement de la pyramide de dettes mettrait un temps infini à dissiper ses effets. Il a fallu 20 ans en 1930. Admettons que les circonstances n'ont pas aidé. 

Mais la sortie de crise sera longue. On peut craindre qu'elle ne dure plusieurs années avec des dégats sociaux considérables et des secousses dans le commerce international très importantes dès que l'impatience des peuples se manisfestera viollement.

En fait c'est jacques Rueff qui avait raison. En 1972 il fallait surtout pas pâsser aux changes flottants. Il fallait réévaluer l'or vis à vis du dollar dans un rapport de 1 à 10 (cela paraissait monstrueux à l'époque !) et revenir à une forme d'étalon or interdisant l'amplification des phénomènes de déficits et la création monétaire associée. 

 

M. Giscard D'estaing dans une interviex en l'honneur de 10 ans de l'Euro explique que la crise est financière et non monétaire. C'est une plaisanterie.  L'Euro (reconstitué par ses composantes) comme le dollar ont plongé de 95% et plus par rapport à l'or depuis 1971 . L'effondrement monétaire global est la principale explication de la course à l'emprunt pour l'achat d'actifs "réels", bourse et immobilier.  

Ce qui s'effondre aujourd'hui c'est la pyramide de dettes batie sur les déficits américains permis par le système de change flottant et la place privilégiée qu'y tient le dollar,  et encouragée par une fuite en avant devant la monnaie.  Dette= crédit=monnaie.  La banque au centre de la mécanique est ruinée. Crédit est mort.  La monnaie  s'enfuit et il faut en créer des masses avec la planche à billets en espérant que cela compensera.

La crise est bancaire, monétaire et financière. Elle touche l'économie au coeur. Ce qui explique sa violence.

Et la nécessité d'agir sur les causes et pas seulement sur les symptômes.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.

 

 

 

 

 

 

 



"Nouveau monde, nouveau capitalisme" : un colloque pour rien ?


Le colloque nouveau monde nouveau capitalisme est le genre d’exercice que les gouvernants croient opportuns de faire pour faire l’important.  La tribune est plus importante que le discours.
Néanmoins, au fil des discours, on trouve matière à commentaires :


Commençons par le moins attendu, celui de M. François Fillon, Premier Ministre français.


1.    « Mesdames et messieurs, le G20 ne doit pas rester une lettre morte ».

Comment dire de la façon la plus nette qu’il menace de rester lettre morte ?  La conférence de Washington n’a servi à rien, n’a rien proposé et simplement ouvert sur de nouvelles réunions dont la préparation patine.  Cette conférence avait-elle un autre but que de dire aux Etats-Unis : cessez de bouder dans votre coin de façon méprisante ?

2.    « Ces efforts doivent déboucher, lors du sommet de Londres, sur des mesures concrètes : c’est-à-dire sur la soumission des activités de crédit aux réglementations définies à Bâle, c’est-à-dire sur la régulation des hedge funds systémiques, c’est-à-dire sur l’harmonisation des fonds propres des banques, sur l’encadrement de la titrisation, sur la lutte contre la procyclicité des normes comptables, sur la régulation des agences de notation et des pratiques de rémunération ».

On retrouve là le flot de banalités habituelles. La règlementation de Bâle n’a rien à faire avec la crise : tous les produits toxiques étaient hors bilan et hors bourse donc  hors régulation. Ce ne sont pas les Hedge Funds qui ont principalement créé les subprimes  et les ont diffusés au monde.  Les normes comptables peuvent tout sauf créer ou amplifier le cycle. Elles n’ont strictement rien à voir avec le marché hypothécaire américain, Freddy Mac et Fanny mae. 

En rester là et ne rien faire c’est pareil.

3.     « Enfin, il faut que cette réunion soit l’occasion d’engager un combat sans merci contre les paradis fiscaux qui accentuent l’enfer de tous les autres ».

Le pépin ici est de ne pas faire la distinction entre les pays à régime fiscal avantageux (c’est leur droit souverain) et les pays acceptant d’apporter de l’obscurité pour des manœuvres financières  dangereuses et hors règles.  L’important ici c’est de réguler financièrement ces centres pour éviter des pratiques dangereuses plutôt que de leur imposer une hausse des impôts.

4.    « Le prix du baril de pétrole ne peut plus seulement être indexé sur le simple jeu de l’offre et de la demande ! Il est de l’intérêt de tous de disposer d’une plus grande visibilité sur les prix pour échapper aux fluctuations erratiques que nous avons connues. »

Une de fois  de plus un gouvernant aspire à la STABILITE : stabilité des approvisionnements en quantité ; stabilité des prix, mais se refuse à regarder la source principale de variation : les changes flottants !   Si le dollar baisse de moitié  le coût du pétrole baisse,  s’il double il augmente. La spéculation se charge d’amplifier le tout.  Pas de stabilité les cours des matières internationales sans stabilité des changes !  Mais là, le bœuf pèse sur la langue d’une façon   invincible : ne pas passer pour un ringard !  


Passons à Tony Blair. Il n’avait rien de concret à dire. Il l’a fait très bien. 

Car c’est évidemment ne rien dire que d’affirmer que le capitalisme doit être au service de l’intérêt général  et qu’il faut corriger ses « excès » sans dire lesquels ni comment.  On insiste et c’est déjà bien sur l’importance du multilatéralisme, le refus du protectionnisme et la nécessité de changer.  Il faudrait s’inquiéter si ce n’était pas le cas. Mais cela ne donne ni une explication e la crise, ni une politique d’urgence, ni une voie de sortie, ni une architecture de fonctionnement ultérieure. 

Plusieurs fois le mot « EQUILIBRE » revient ainsi que la condamnation de la spéculation « stérile ». Répétons : qu’est-ce qui dans notre système actuel entraîne structurellement des déséquilibres et imposent une spéculation quotidienne ?   Vous avez pensé : les changes flottants ? Vous avez gagné.

L’intervention de Phelps n’a commencé à être intéressante que dans la conclusion, juste au moment où on lui a dit qu’il fallait faire vite. Dommage.  Qu’a dit le prix Nobel d’économie ?  Qu’il fallait séparer les différentes activités bancaires et durcir le système en empêchant certaines des dérives actuelles : les banques de dépôt ne peuvent pas faire la banque d’investissement ; le crédit long aux entreprises doit être  d’abord le fait de l’actionnaire ; les dépôts ne doivent pas être à la merci d’opérations spéculatives sur les changes ou les taux d’intérêt etc.

On en revient à la position de Maurice Allais  notre Nobel national considéré ici  comme  un  gourou sectaire et non comme un économiste.   A chaque longueur de crédit sa longueur de ressources et ses institutions propres. A chaque ampleur de risques ses ressources propres et ses institutions.  « Le capital risque devrait être multiplié par 5 ou 10 ».  Et pas assumé par des procédés bancaires classiques ou des maquillages dans des constructions financières incompréhensibles. 

A l’idée de Greenspan qui faisait des CDS un moyen de diffuser le risque donc de le réduire pour la globalité du système, Phelps oppose celle d’un système où chaque risque et connu et assumé comme tel.

Au passage il cautionne totalement ce que nous avons écrit à la fois sur la réforme du système bancaire et  l’obligation que nous voyons  de casser l’escroquerie dangereuse qu’est la « banque universelle ». 

Mme Johnson Sirleaf pour l’Afrique a été beaucoup plus intéressante que bien d’autres en rappelant que la régulation en Afrique cela veut dire accaparation par les mafias politiques et constitutions de monopoles publics  et que régulation dans le monde cela ne doit pas devenir «blocage des capitaux, car l’Afrique a un énorme besoin de capitaux.  

Elle ne veut de marchés fermés ni en matière agricole ni en matière financière.   Naturellement comme elle le reconnaît franchement : « Je ne sais pas ce qu’il faut faire ». Mais au moins elle sait ce qu’il ne faut pas faire et cela tranche avec certains discours franco-franchouillards.

Au total, on reste évidemment sur sa faim. Tout le monde a le sentiment de la fin d’une époque, d’une cassure du système, d’un désastre en cours, d’un risque pour l’avenir énorme. Chacun espère que les recettes définies après la crise de 29 marcheront  un jour : flots de monnaie gratuite  issue des banques centrales, plans de relances massifs.   

Une reprise spontanée avec quelques ravaudages de législation sur les agences de notation, la rémunération des banquiers, les Hedge funds et les paradis fiscaux  serait pour tous  le schéma idéal.

Il n’y a exactement aucune chance. La crise va s’approfondir et dériver vers des zones inconnues et probablement extrêmement malsaines.  Sans diagnostic réaliste  et sans thérapeutique adaptée, on continuera la glissade actuelle.

Rappelons notre proposition :

-    Mettre fin immédiatement au régime des changes flottants avec stabilisation immédiate sous la responsabilité des Etats et des mécanismes collectifs des balances des paiements. Cet élément de stabilisation permettra le retour au CALCUL ECONOMIQUE. Une économie qui a un horizon peut se diriger.  En avion lorsqu’on est en vrille et en train de tourbillonner en feuille morte la seule chose qui compte c’est de  retrouver de la stabilité et de la manœuvrabilité.  

-    Stabiliser les marchés de matières premières dans des contrats multilatéraux avec des agences internationales ad hoc.  Second élément de stabilité et d’évitement des politiques de pure spéculation.

-    Bloquer momentanément toutes les spéculations des HF en interdisant le short sur les monnaies les marché de bien : vient à l’appui des deux mesures précédentes

-    Restructurer les banques sur le modèle  par  longueur de crédit, par nature de risques et par objet.  Les gestionnaires de comptes de dépôts ne doivent être les banquiers de crédit qui  ne doivent pas être les placiers qui ne doivent pas être les financiers ou les capital risqueurs. Il faut INTERDIRE  la banque universelle.

Dans l’instant chacun recommencera à jouer son rôle et les politiques monétaires et keynésiennes retrouveront de l’allant.

Didier Dufau pour le Cercle des Economiste E-toile.
   

 
 
 





Baltic Index : quatre mois de calme plat

Le Baltic index est effondré de près de 90% et ne bouge absolument plus, une configuration jamais vue depuis la guerre de 40.

L'encéphalogramme du commerce mondial est plat.

C'est très inquiétant.

Il n'y a AUCUN signe de reprise alors qu'on ne peut pas techniquement aller plus bas en terme d'indice (les valeurs correspondent au fond du panier). 

Cercle des economistes E-toile.



Vous avez dit «morale » ?

Pour un polonais habitué aux allers-et-retours entre la Pologne et la France, la lecture de la presse est d’un côté comme de l’autre un sujet permanent d’étonnement.

Evidemment nous sommes plus connus pour nos plombiers que pour notre direction de l’Union Européenne et notre vision des questions économiques, mais  nous avons aussi un peu de mémoire.

Sous la bienheureuse dictature socialiste tous les plans gouvernementaux s’effondraient lamentablement avec la plus grande des régularités. Cela ne pouvait pas être à cause du socialisme, si gentil, si grand, si essentiel.

Alors c’était toujours la « faute à Jules » et aux vilains qui n’avaient pas conservé l’attitude socialiste essentielle qu’il s’agissait de restaurer aussitôt, en général en envoyant aux gémonies socialistes quelques dévoyés notables enrichis certes un peu vite mais bloquant surtout  la  promotion méritée d’une crapule encore pire mais bien vue de la Nomenklatura.

En lisant le Figaro on est saisi par l’identité des mécanismes. « Il ne s’agit pas faire de l’anticapitalisme mais de le moraliser ». Ah la morale ! Il n’y a que cela de vrai.  A peu de lignes de là on pouvait voir qu’un pauvre garçon plaqué par sa femme exigeait qu’elle lui retourne le rein dont il s’était privé pour qu’elle vive : « il ne s’agit pas de réformer le divorce mais de le moraliser ».  Ce n’est pas dit mais c’est subliminal.

N’a-t-on  rien fait depuis quatre mois sur le terrain de la morale ?  C’est doute pour cela qu’un éditorialiste   du joli nom  de Gaétan de Capèle   rappelle à temps  : « en dépit des apparences quatre mois après Lehman Brothers la crise de confiance persiste ». 

A quoi sert que le Président Sarkozy s’agite autant, on se le demande.  Heureusement la conférence de Londres s’avance en majesté et dit Gaétan, a capella : « une rémission ne sera assurée  que …lorsque la définition des normes comptables  aura été soigneusement réexaminée,  recodifiée et qu’elles seront les mêmes pour tous ».  

C’est sûr que cela aurait impressionné Madoff, Lehman Brothers, UBS, Natixis, l’Islande entière et peut être même un polonais totalement saoul.

Sans doute pour les mêmes raisons de normes  de très haut niveau on ne fera pas droit aux exigences de l’industrie pornographique (c’est évoqué dans le même numéro)  qui constatant des ventes flaccides  exigent les mêmes soutiens (une institution répandue  à titre individuel et même collectif dans ce secteur) que la banque ou l’automobile : la libido a un « bilan carbone » pourtant bien meilleur. Mais la morale ! La morale on vous dit !

Personne ne semble devoir admettre que les crises sont d’une part un rituel du capitalisme qui connaît une récession pratiquement tous les dix ans depuis au moins trois siècle (et sans doute plus) et d’autre part, dans le cas des dernières,  le fruit de défauts structurels  graves et pas seulement règlementaires.

Lorsque notre économiste en chef avait demandé publiquement  à Yves de Kerdrel, encore un bien joli nom, si les changes flottants n’avaient une petite responsabilité tout de même, la réponse avait été embrouillée pour se conclure par un « c’est nécessaire » plein d’autorité mais sans aucun argument.  
Sans doute le flottement incohérent et destructeur des monnaies est-il une catégorie de la morale.   

A quand le remplacement des économistes par des prêtres et des saints laïques ?

Nous,  on peut prêter notre « vierge noire », très dans le vent Obama.  Mais pas trop longtemps tout de même

Elle sera au moins aussi efficace que nos plombiers.  
 
Zbig Brataniec (qui n’ose pas dire qu’il parle au nom du Cercle des économistes E-toile).



La farce de la conférence de Paris des 8 et 9 janvier 2008

Monsieur  N. Sarkozy vient de réunir jeudi 8 et vendredi 9 janvier  à paris un aréopage d’experts plus sérieux les uns que les autres dont le motif est naturellement très restreint : trouver une tribune non franco-française à l’omni-président auto-déclaré maintenant que la présidence de l’Europe lui échappe. 

Il a réuni quelques gouvernants européens notables anciens et nouveaux et un économiste spécialiste de l’énumération  des nouvelles « régulations », le directeur de la London School of Economics ».

Le public n’a pratiquement pas été reçu en dépit d’une farce de procédure internet.  
Dommage on aurait aimé pouvoir poser quelques questions.
Comme celles-ci :

-    Nous vivons sous un système de changes flottants. Où sont les  théories convaincantes qui ont conduit à construire ce système ? Où s’agit-il d’un non système qui s’est imposé à force de résignation ?  Acceptez-vous encore cette résignation ?

-    Depuis l’introduction des changes flottants les crises financières n’ont pas cessé :

o    Crise du pétrole (liée à la baisse excessive du dollar)
o    Stagflation
o    Crise des prêts souverains aux pays du tiers monde
o    Crise des obligations pourris
o    Crise des savings and loans
o     Crise extrêmement brutale de 92-93
o    Crise dite des pays émergents
o    Crise extrêmement brutale dite des NTIC
o    Crise actuelle dite des subprimes.
S’agit-il à votre avis d’un hasard ou y-a-t-il quelques rapports avec le système des changes ?

-    Les changes de certains pays ont littéralement explosés pendant que certaines devises étaient dévaluées intentionnellement pour avoir un avantage dans la crise. Considérez vous réellement que les changes soient une affaire sans importance dont personne ne doit s’occuper ?

-    Les produits à risque sont en grande majorité des produits cherchant à cadrer le risque de variations de change tout en arbitrant les intérêts  prévalant sur les différentes places financières.  Comment éviter les « produits pourris » ou trop dangereux  ou avec une mathématique trompeuse si les changes restent à ce point variable avec des mouvements de capitaux libres ?

-    La plupart des opérations d’arbitrage des banques et des Hedge funds dépendent de changes variables qui en aggravent de façon systémique le risque. Comment réduire le risue en maintenant un risque de change sous jacents très grave.

-    Les variations de change immenses (du simple au double) portant sur les monnaies principales  ne sont jamais évoquées dans vos travaux. Pourquoi ? Doit-on considérer qu’à votre avis elles l’ont aucune importance ?

-    Trouvez vous normal et sain que les Etats-Unis aient été en déficit massif pendant  ces trente dernières années inondant le monde de dollars  sans fondement économique autre que la volonté des Etats-Unis d’avoir des ressources faciles ?

-    Croyez vous réellement que vous pourrez juguler une crise bancaire, monétaire et de change d’ampleur jamais vue et de diffusion mondiale, uniquement  avec une boîte à outils de « régulations » ?   A noter : en français régulation veut dire « corriger un compas par visée du soleil ».  Ne craignez vous pas de vous éblouir plus que de changer réellement les choses ?

-    Vous n’avez pas touché aux systèmes de change depuis le début de la crise (ni en 2006 pour le retournement américain, ni  en juillet 2007 pour le blocage du système des « subprimes», ni en septembre 2008  pour l’explosion des systèmes financiers) et la récession s’avance en majesté en dépit de tous vos efforts. Ne croyez-vous pas qu’il y ait comme un lien ?

Inutile de parier qu’ils auraient aussitôt répondu avec précision et moult arguments documentés en  déclenchant   aussitôt une adhésion intellectuelle totale   et un  enthousiasme dégoulinant de bonheur devant tant de connaissances et de sagesse !


Didier Dufau pour le cercle des économistes E-toile.



Le faux précédent de 1929 ou comment gagner la guerre d’avant et perdre la guerre en cours.

L’économie a cela de commun avec la chose militaire qu’on gagne toujours la guerre d’avant. Il faut se colleter avec les réalités nouvelles pour comprendre tout à coup que les rationalisations a posteriori qui vous font gagner à tout coup les anciennes  batailles ne sont que d’un intérêt modeste  dans les affrontements du jour.

Nous sommes en train de gagner  la bataille contre la dépression de 1929 ! On est bien content. Mais la situation actuelle a-t-elle un quelconque rapport avec celle de l’époque ?

Sans entrer dans un cours d’histoire trop approfondie, il apparaît vite que notre situation de moment n’a que très peu de rapport avec la situation de l’époque.

En 1929 on sortait à peine d’une guerre mondiale « industrielle » comme on n’en avait jamais vu et qui avait provoqué des pertes immenses en Europe tout en déstabilisant le monde entier.   Nous sortons d’une phase de croissance presqu’ininterrompue de 65 ans sans aucune guerre mondiale !

En 1929 le système monétaire était en reconstruction après l’abandon obligé de l’étalon or du fait de la guerre. C’était un Gold Exchange standard à deux têtes : seuls la Livre britannique et le dollar étaient convertibles en or, malgré les tentatives de revenir au statu quo ante bellum avec notamment la grande erreur de Churchill tentant de ramener la Livre à une valeur de change impossible et provoquant une récession dans le RU. La France en 28 avait remis en place le Franc Poincaré, lui aussi légèrement surévalué.  C'est-à-dire que le système monétaire était bancal et en reconstruction.   Nous vivons aujourd’hui sous un système de changes flottants établi il y a plus de 35 ans qui fonctionne selon des règles totalement différentes.

En 1929 le niveau de vie et l’organisation sociale n’avaient rien à voir avec ce qu’on connaît aujourd’hui.  L’Europe était ruinée et se relevait tout doucement. Les filets de sauvegarde sociale n’existaient pas ou peu.  On mourait avant l’âge légal de la retraite quand un système de retraite était en place. La sécurité sociale était balbutiante.  Aujourd’hui le niveau de vie est sans comparaison et l’organisation sociale plus que développée partout même si les systèmes sont très différents d’un pays à l’autre.

En 1929 l’essentiel de l’activité était agricole.  En France près de 60% de la population active était occupée aux champs.  C’était moins aux Etats-Unis et beaucoup moins au RU mais le cœur de l’économie était là et pas ailleurs même si l’industrie était en plein développement.  Aujourd’hui l’agriculture ne représente qu’une part mineure de l’activité et nous sommes dans un âge d’économie de services et d’information qui n’a plus aucun rapport.

En 1929 le commerce international était fort limité.  Les empires coloniaux étaient fermés sur eux-mêmes et les barrières douanières, monétaires, règlementaires très élevées et considérées comme indispensables à une bonne gestion nationale.  Aujourd’hui tout est ouvert avec des zones  comme l’Euroland  où toutes les frontières économiques ont pratiquement été arasées.

En 1929 la richesse mondiale était concentrée en occident.  L’orient et l’extrême orient, comme l’Afrique étaient presque totalement sous développés. Certains pays d’Amérique du sud étaient riches de leurs exportations de matières premières  mais sinon vivaient mal.  Aujourd’hui le Japon et les dragons extrême-orientaux sont au même niveau de développement que les pays occidentaux. L’Inde et la Chine   sont en plein rattrapage économique.  Le développement est partout même si les guerres et révolutions ont créé des disparités importantes.

En 1929 l’argent ne quittait pas les espaces nationaux.  Les mouvements de capitaux étaient extrêmement limités. Les changes étaient presque partout étroitement contrôlés. Aujourd’hui les mouvements de capitaux sont quasiment libres à travers le monde.

En 1929 les Etats n’avaient qu’une influence faible sur la plupart des économies capitalistes.  Les prélèvements ne dépassaient pas  15 à 20% du PIB chez les plus administrés.  Aujourd’hui la dépense publique en France dépasse la valeur ajoutée du secteur marchand !  Même si cette situation est extrême, les prélèvements sont partout supérieurs à 35% et le plus souvent entre 40 et 45% du PIB.

En 1929, les salaires étaient versés en liquide et n’allaient pas majoritairement dans les banques. L’énorme extension des banques de dépôts et de l’emploi du chèque se fera dans les années soixante ; celle de la carte de crédit dans les années quatre vingt.  Les banques étaient petites et n’avaient pas de très grosses parts de marché.    Le crédit à la consommation était faible. Celui à la construction encore plus faible.  Le développement massif des succursales et  la concentration bancaire se feront à la fin du XXième siècle.

Restons en là : il est parfaitement clair que le contexte des années 20 et 30 n’a strictement RIEN à voir  avec la situation actuelle.

Si l’environnement est différent peut être les mécanismes et les attitudes  présentent-ils des parentés  qui pourraient être exploitées utilement.

En matière boursière  la période d’emballement qui précède le krach de 1929 est très significative. Les banques prêtaient en masse aux agioteurs et les banques spéculaient à tout va. Les Etats-Unis ont connu une période d’euphorie après avoir été les principaux bénéficiaires de la guerre en Europe  et connu une des phases d’innovation industrielle les plus actives qu’on ait jamais vu. 

Rien de tel en 2007-2008.  Depuis 1974 le monde n’est plus dans la phase « glorieuse » de la croissance. Il ya des cycles bien sûr avec des hausses et des baisses boursières, mais depuis l’éclatement de la bulle boursière et monétaire de 1999-2000,  il n’y avait plus d’euphorie. L’épargne au contraire cherchait à rester liquide et le coup de torchon de 2001-2002 avait rendu l’épargnant plus que frileux.  En 2007 la bourse n’avait même pas retrouvée ses niveaux de 2000. L’euphorie était en orient. Mais la crise de 1998 avait porté en partie sa leçon. Le boom touchait la Chine de régime communiste et encore très pauvre, pas la première économie de monde.  L’économie chinoise ne représente en 2008 qu’une part infime de l’économie monde.


En matière de pensée et de politique économiques, l’écart est tout aussi important. Bien que comme l’a écrit Didier Dufau la crise de 1929 n’a en fait jamais été totalement expliquée,  elle a provoqué des changements d’attitudes très importants. Le livre de Keynes a été publié trop tard pour être utile à la résolution de la crise de 1929  mais l’état d’esprit général n’est plus à l’abstention  face à une crise et plus personne ne pense qu’elle se résoudra toute seule et qu’il suffit de l’attendre comme on attendait Godot.  Pousser la demande globale par tout moyen est l’état d’esprit qui prévaut depuis la guerre de 40. 

De même si un Milton Friedman a parfaitement décrit comment la FED, toute jeune en 1929 (elle date de 1913),   avait aggravé la crise par des initiatives scabreuses,  elle a compris depuis longtemps la leçon et les trois  relances monétaires d’Alan Greenspan sont là pour en témoigner. Cela fait 40 ans que l’on cherche à appliquer les leçons de la crise de 29 avec des succès divers.

Nous nous retrouvons à nouveau avec des différences telles que tout rapport entre la situation de 1929 et la nôtre  est introuvable.
Cet examen nous montre que la crise actuelle est sui generis et que les recettes anti dépression imaginées après 1929, appliquées déjà à plusieurs reprises avec pour seuls effets de provoquer une crise encore plus importante lors de la récession suivante, sont pour le moins émoussées.

Le seul point  de convergence est l’immense création monétaire qui a précédé la crise de 1929 et celle de 2008 et la transformation des banques en usines à spéculer phénoménales.   La crise de 1929 était bancaire et centrée sur les Etats-Unis où 10.000 banques disparaitront entre 1929 et 1935 !  La crise actuelle est bancaire et si son épicentre est bien aux Etats-Unis, l’habileté de Wall Street a été de la répandre à travers le monde.

L’ennui des crises bancaires c’est qu’elles arrêtent pile l’économie.  L’arrêt actuel est du au  blocage bancaire et à l’énormité des pertes subies par ce secteur du fait de l’explosion du système spéculatif qui s’était mis en place.   Les chutes verticales des ventes dans l’immobilier, la vente de voiture, l’équipement de maison,  les exportations, les investissements ne s’expliquent que par l’arrêt cardiaque des banques et les AVC qui se sont produits dans les marchés de changes.

Il est donc parfaitement inutile de s’écarter de ce sujet là : les relations monétaires nationales et internationales sont bloquées, à des niveaux historiquement jamais vu et après des débordements techniques eux-mêmes parfaitement nouveaux.  C’est là et seulement là qu’il faut agir en s’attachant aux réalités du moment.  Les recettes de 1929 sont inopérantes et on voit bien que depuis 2006, date réelle du renversement, elles le sont et elles le restent.

Menons la guerre d’aujourd’hui avec les armes de demain. Au lieu d’essayer de gagner la guerre économique de 1929 avec les armes dont on pense (sans preuve et avec de graves complaisances)  qu’elles auraient été efficaces d’hier.  
Premier champ de bataille : les changes flottants.  Première constatation : Grouchy est ailleurs !

Lewis Holden pour le cercle des économistes e-toile



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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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