La crise s’approfondit : pourquoi ?

La crise s’approfondit : pourquoi ?

Six mois après le début de la crise non seulement il n’y a aucun vrai signe de reprise mais tout le monde voit qu’elle s’approfondit et s’amplifie.  Pourquoi ?

Trois événements récents dont la presse a donné ces derniers jours une large couverture donnent quelques clés d’interprétation.

1.    Le Japon disposait d’un aimable excédent commercial de 900 milliards de Yen chaque mois. La voici en janvier avec un déficit de même ampleur. Un basculement radical.  S’agit- il d’un effet  retard des diaboliques « subprimes » ?  Pas du tout.  Simplement le Yen a vu sa valeur multipliée sur le marché des changes. Plus aucune entreprise nippone ne peut exporter sur un marché international par ailleurs bloqué.  

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

2.    AIG, le principal assureur mondial, vient à nouveau à la gamelle auprès de l’Etat américain. C’est la troisième fois. La société ne parvient même pas à rémunérer les apports en capital de l’Etat. Les sommes en cause sont prodigieuses : plusieurs centaines de milliards de dollars.  Est-ce encore un coup  de pied de l’âne des « subprimes ».  Pas du tout : la banque assurance est la cause principale. Les prêts des banques ont été garantis par AIG. La faillite de Lehman Brothers  a entraîné illico celle d’AIG qui dès le LENDEMAIN s’est présentée aux autorités avec sa sébile. 

La cause immédiate de la nouvelle faillite est l’évolution malsaine des CDS, les Crédit default Swap. AIG en a souscrit pour des milliers de milliards. La plupart concernait des opérations de prêts avec clauses sur taux d’intérêt ou sur cours de change, avec des points d’intervention dépendants d’écarts considérés comme peu probables  sur des indices ou des devises. La crise ayant provoqué le chaos sur les marchés des changes et les marchés de taux, les contrats se sont déclenchés les uns après les autres. AIG  ne peut plus faire face.

Rappel : le marché des CDS est passé de 6,396 milliards de dollars américains à fin 2004 à 57,894 milliards à fin 2007. Si vous avez entendu le FMi s'inquiéter pendant cette période vous avez gagné !

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

3.    Le chaos sur les marchés des changes des Pays de l’Est récemment tournés vers l’Europe occidentale provoque des graves difficultés pour les banques qui ont soutenu de leurs prêts ces pays en plein rattrapage. On découvre ainsi que les banques  d’Autriche ont  des en cours équivalents au PIB du pays (l’Islande doit se sentir moins seule) ! La hausse des taux d’intérêt dans ces pays bloque l’activité. La dévaluation rend les remboursements en monnaie étrangère et notamment en Euros impossibles.  Les deux mécanismes se cumulant, les banques voient exploser leurs crédits « non performants ».  L’ampleur des pertes est telle que même l’Euro en est déstabilisé et que les rumeurs enflent sur la possibilité de l’éclatement de la zone Euro !

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

Nous disons depuis la mi-septembre 2008 que la  première mesure à prendre d’urgence est l’abandon des changes flottants, la seconde étant la restructuration globale et immédiate de tous les contrats de prêts  et d’assurance  à clauses de déclenchement   sur élément variable.

On se demande bien pourquoi !

En tout cas nous sommes les seuls.  Les changes flottants c’est la forme la plus achevée du tabou, celle qui met un bœuf sur la langue et congèle au zéro absolu les petites cellules grises.

L’Europe va au G20 en réclamant des moyens supplémentaires pour le FMI où les Etats-Unis ont tout le pouvoir, étant les seuls à disposer du droit de véto, et ils n’ont aucune envie de débloquer des centaines de milliards de dollars pour l’étranger alors qu’ils sont engagés pour des centaines de milliards de dollars sur le front intérieur.  Alors on parlera paradis fiscaux  et régulation. Cela ne mange pas de pain.  Mais n’aura aucun effet sur la crise.

Quant à l’Union Européenne presque constitutionnalisée, c’est l’Europe des petits oiseaux  et de la législation sur le camembert.  Pour l’essentiel,  c’est chacun pour soi.

Au fond cela vaut mieux : l’union des têtes de linotte n’est pas meilleure que l’absence d’union des autruches.



Commentaire
Micromegas's Gravatar Une fois encore un commentaire plein de bon sens qui prend des éléments dans la presse quotidienne et leur donne un éclairage qui parait lumineux mais que vous êtes seuls à proposer. Il y a un truc !
# Posté par Micromegas | 26/02/09 12:12
KingDom's Gravatar Oui, vous aviez dit qu'ils allaient se concentrer sur les bonus, faute de comprendre le reste.
C'est tout à fait ça: le garage à bicyclettes de Parkinson!
# Posté par KingDom | 26/02/09 18:48
Sarton du Jonchay's Gravatar Je viens de découvrir votre site et vos explications sur la crise. Permettez-moi d'exprimer mon admiration. Enfin des perspectives de solution ! Je mène un travail personnel qui me conduit à des conclusions proches des vôtres. Il faut démanteler la banque universelle, distinguer les métiers fondamentaux de la finance et créer un système international de crédit qui nous sorte des changes flottants.
http://sdujonchay.neufblog.com/Pdf/ReformeFinanceM...
Comment faire progresser ces propositions ?
# Posté par Sarton du Jonchay | 26/02/09 20:54
Didier Dufau's Gravatar @ M. Sarton du Jonchay
Merci de votre commentaire et heureux de voir que nous partageons des idées qui sont loin d'avoir la place qui devrait être la leur dans la situation actuelle. Comment faire progresser ces propositions ? Pour les avoirs exprimées dans divers forums pendant dix ans, sans être jamais contredit, pour avoir écrit systématiquement à tous les journaux lorsque l'actualité donnait un éclairage évident à ces thèses, sans aucun écho, je dois dire que nous avons compris qu'il fallait simplement prêcher dans le désert avec toute la détermination possible. Heureux de savoir que le désert se peuple !

DD
# Posté par Didier Dufau | 28/02/09 01:24
Gloups's Gravatar J'ai regardé ce jour sur LCI le Club de l'économie dirigé par JM Sylvestre. Depuis 5 mois ils expliquent la crise par les subprimes. Et là, ils sont tous très "étonnés". Cela casse là où il n'y avait pas de subprimes ; et le cantonnement des subprimes n'a servi à rien : les banques continuent d'exploser partout.

Au passage Y de Kerdrel explique la nouvelle faillite d'AIG par la baisse des cours des bourse et les règles comptables pro cycliques (qui ne concernent pas les Etats unis) et rate complètement les CDS. L'affaire des pays de l'est les prend totalement par surprise. Comme l'effondrement du Bric et des pays en voie de développement.

C'est déjà bien cette prise de conscience que tout ce qu'ils pensaient étaient à côté de la plaque. Mais quand passeront-ils de la pédagogie de l'allumette à l'examen de la bombe ?

Les perspectives (ou leur dérisoire absence) du G20 commencent à inquiéter. Et le banquier présent commence lui à constater que les Etats ne peuvent plus sans risque prendre à leur compte les dettes gigantesques de la banque assurance.

Il y a quelque chose de fascinant à constater le désarroi des commentateurs fourvoyés sur de mauvaises pistes et refusant (comme Y de Kerdrel) d'imaginer même d'en considérer d'autres. Quoi de pire que le consensus des nuls et des aveugles ?
# Posté par Gloups | 07/03/09 15:47
Fred's Gravatar J'ai vu l'émission. Le dénommé Etrillard, un joli nom de banquier au passage, suggérait même que la BCE commença à faire tourner la planche à billets... Il était ajouté que jusqu'ici on n'avait fait que transférer les dettes des banques aux Etats et que ces derniers étaient en fait incapables de les digérer. Les Echos du jour précisait de la même façon que la BCE avait épuisé les possibilités de l'arme des taux. Un des premiers billets de ce blogs dit qu'une des erreurs serait de croire que les banques centrales peuvent gérer la crise ! Six mois après les faits sont là. Bravo !

Il semble bien que sans restructurer les dettes et stabiliser les taux de changes, aucune solution ne soit en vue.
# Posté par Fred | 07/03/09 21:29
DD's Gravatar Merci à D. Molin pour cette extrait d'"economist.com" :

Britain is swimming naked: almost nobody appears to know what he is talking about. The havoc of the financial crisis has stretched and outstripped even most economists. The British political class is befogged. Ordinary people are overwhelmed. And just as the interaction between banking and economic woes is proving poisonous, so the interplay of public and political ignorance is damaging the country’s prospects.

Ajoutons qu'il n'y a pas qu'au Royaume Uni !
# Posté par DD | 07/03/09 22:51
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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