Vers une sortie de la crise ?

Le propre des grandes crises est d’avoir une fin. 

Pour le Cercle des Economiste E-toile, la question de la sortie de crise est compliquée par le refus collectif des Etats de reconnaître la responsabilité fondamentale  du système monétaire international dans l’explosion  qui vient d’avoir lieu.  Il est désormais à peu près sûr qu’on ne changera rien de fondamental à court terme  au système désastreux des changes flottants.

La question est donc de savoir si une crise dont les causes sont niées et non traitées peut néanmoins se terminer et permettre une nouvelle séquence de croissance mondiale.  En terme plus simple : est-ce qu’un malade mal traité peut tout de même s’en sortir ?

Comme nous n’avons pas cessé de le répéter les « subprimes » ne sont qu’une manifestation de la crise mais pas la crise elle-même.

Mais nous sommes quasiment seuls à l’affirmer.

L’idée générale aujourd’hui est qu’il suffit de cantonner ce type de dettes dans des « bad banks »  pour sortir de la crise et que des ajustements sur les règles comptables, le mode de fonctionnement des agences de notations,  la politique de bonus des banques et la régulation  mondiale des contrats dérivés de ces crédits suffira pour éviter le retour aux dangereuses dérives constatées.  Les banques délestées de ce poids mort se feront désormais pleine confiance et le marché interbancaire reprendra vie. Le crédit pourra à nouveau jouer son rôle.  Le sang circulant à nouveau dans les veines de l’économie, la reprise sera là et youpee !

Bien sûr pour compenser les effets de la crise de crédits il a fallu  conforter le système bancaire à court terme  par différents moyens, et comme l’économie a dévissé, il était important de « relancer » par des programmes de dépenses publiques ou des cadeaux fiscaux.  Mais ce n’est qu’un tout petit moment difficile à passer : dès que les dettes subprimes auront été ainsi passées sinon par pertes et profits, du moins aux générations futures,  tout reviendra à la normale. Comme en plus les taux d’intérêt sont négatifs, on pourrait même avoir une reprise si bouillonnante  que de nouvelles bulles pourraient apparaître très vite.

On reconnaîtra là le schéma qui a prévalu lors des crises de 91-93 et de 2001-2003.  Déjà on avait donné une explication très restrictive : crise accidentelle liée à la guerre du Golfe pour la première,  dégonflement de la bulle Internet, pour la seconde.  Et on n’avait pris aucune mesure de réforme  structurelle.  Dans les deux cas les Etats-Unis avaient laissé filer le dollar  tout en noyant le monde de liquidités.  Et basta.

La reprise dans les deux cas avait fini par venir.  Très forte à partir de 1997 (mais sans que les gouvernements s’en rendent compte, notamment en France), très molle à partir de 2005 (mais sans que personne ne cherche à comprendre cette mollesse).
Cette manière de voir se heurte lourdement à la réalité. 

Le cantonnement des « dettes pourries » est un exercice quasiment impossible avec des banques non nationalisées, comme nous l’avons déjà expliqué sur ce site.  Il faut d’abord définir le périmètre des dettes en cause et ensuite leur donner une valeur. Or justement tout le problème est que le risque a été diffusé par des moyens complexes, le plus souvent par des techniques hors bilan, et que les actifs en question n’ont aucun marché permettant d’établir leur valeur ! 

La crise bancaire a donc toutes les chances de perdurer et tant que « crédit est mort », il n’y aura pas de reprise.  

Dans le même temps les causes ne la crise n’ayant pas été jugulées,   la confiance ne revient pas.  Aux Etats-Unis la peur d’un effondrement possible du dollar prévaut dans les esprits.  Le Japon lutte contre les conséquences d’une appréciation  excessive du Yen.  Partout ailleurs des manipulations monétaires ont lieu, notamment en Chine et en Russie.

Certes le Baltic index après un an de chute verticale et quatre mois de stagnation complète au niveau le plus bas est reparti timidement à la hausse, prouvant une certaine reprise des affaires. 

Certes les restrictions de production ont enrayé les chutes de prix qui s’étaient produites ici ou là.

Certes les bourses ont montré une résistance à des niveaux qui semblent être des plus bas, relançant les spéculations positives. 

Certes l’esprit humain  est ainsi fait que son humeur ne peut rester indéfiniment au pessimisme. 

Certes la liquidité est maintenant si peu rémunérée que des tentations se font jour de revenir se placer sur des valeurs « réelles » : le remontée de l’or au dessus de 900$ l’once le démontre.

Mais en vérité c’est la peur qui continue à dominer en même temps que la confiance résiduelle s’effiloche au fur et à mesure que les chiffres de la catastrophe se découvrent.  Les éléments de reprise se perdent dans les sables mouvants  d’un système monétaire et financier international  devenu complètement instable au point de ne plus tenir qu’à un fil qui peut casser à tout moment.

On sait déjà qu’il n’y aura aucune reprise en 2009 et que les récessions vont être très sévères partout, s’étageant entre moins 10 et moins 2 %.   Et à tout moment des drames ponctuels peuvent se produire.  Ce peut être une nouvelle crise de confiance des déposants avec une ruée irrépressible sur les comptes de dépôts ; cela peut être l’effondrement du dollar ; ce peut être ces crises sociales insupportables. 

Ce peut être autre chose : cela lâche toujours là où on s’y attend le moins.

Au premier trimestre 2010 tous les bilans d’entreprise traduiront la réalité de 2009. C'est-à-dire quatre trimestres  de crise.  Et on aura vu que les plans de reprise n’auront pas eu les  grands effets annoncés.   On entrera alors dans le vif de la crise.  Le moment de vérité ne sera pas comme on le lit partout la situation au printemps 2009, mais celle au printemps 2010.  En attendant la situation est totalement imprévisible.

Nous ne croyons pas trop à un réajustement spontané des flux de commerce international.  Il est clair que les stocks qui viennent  de se vider à grande vitesse devront bien être reconstitués un jour ou l’autre et que des besoins retardés finiront bien par se manifester sur le marché.  De même l’inflation des moyens monétaires finira bien par rétablir une hausse des prix favorable à la reprise de l’investissement.   Mais les facteurs délétères sont tout aussi importants.

2009 verra surtout la fin des illusions et le début d’une perception que les subprimes étaient une petite affaire et qu’il faut aller beaucoup plus loin dans les réformes.  Il n’y aura de reprise en 2010 que si les réformes de fond sont entreprises. Sinon,  l’hypothèse la plus probable, en dehors de tout accident massif qui peut se produire à tout moment, nous entrerons dans une logique dépressionniste ou stagnationiste d’au moins quatre ou  cinq ans.

On va donc vers une année 2009 chaotique où la question principale sera de savoir si  à force de  démentis  douloureux sur le terrain, les prises de conscience nécessaires sur la vraie nature de la crise et des réformes nécessaires finiront par atteindre les organes de perception des équipes dirigeantes des principaux pays. 

Un intéressant suspense !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Commentaire
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
BlogCFC was created by Raymond Camden. This blog is running version 5.9.002. Contact Blog Owner