Le pire des spéculateurs

Toute une série de livres, parfois d'une extrême médiocrité, essaient d'exploiter la crise que nous venons de traverser en chauffant le ressentiment des lecteurs et leur goût du sensationnalisme. Un des filons exploités par ces auteurs est de "stigmatiser" la cupidité de certains intermédiaires financiers qui auraient sciemment plumés le grand public en réalisant des spéculations totalement folles avec l'accord des autorités publiques et des régulateurs.
 
Nous pensons ces rationalisations moralisatrices, un cocktail dangereux dans toutes les disciplines, particulièrement peu significatives.
 
Lorsqu'on regarde avec un peu de soin où se cache les plus grosses pertes, on se rend compte que les plus grosses spéculations se cachent dans les placements les plus classiques et dans des constructions para étatiques censées être stables et sereines.
 
Prenons l'assurance-vie en France. C'est une construction entièrement artificielle  construite en collaboration entre les grandes banques et l'Etat. La dimension fiscale est primordiale. La collecte concerne des sommes considérables. On constate aujourd'hui qu'une bonne partie des dettes dangereuses des états du sud de l'Europe sont nichés dans ces contrats.  Pourquoi ? Simplement parce que les banques et assurances ont voulu doper un petit peu leur rendement apparent pour appâter le client potentiel. On sait que le "marketing"  de ces produits est parfaitement trompeur. On laisse les vendeurs exalter le taux d'intérêt des premiers mois pour les nouveaux souscripteurs , dont la rentabilité est de ce fait totalement artificielle,  tout en taisant qu'après le rendement chutera et qu'une partie des intérêts seront prélevés pour doper le taux  des nouveaux souscripteurs. Comme la différenciation se fait uniquement par le taux d'intérêt, sur des pouième de pourcent, il importe néanmoins de doper le rendement moyen.  C'est ainsi qu'on a vu tous les gestionnaires d'assurance vie se gorger de dettes grecques qui peut représenter sur certains contrats plus de 10% de la partie Euro.

Venu là uniquement pour des raisons fiscales et dans un souci de conservation patrimoniale, le souscripteur se découvre spéculateur sur des dettes irrécouvrables. Globalement cela représente des centaines de milliards d'euros. Madoff est enfoncé.  Evidemment le gouvernement en profite pour supprimer une partie des avantages fiscaux.  L'épargne gérée en symbiose par l'Etat et les grandes banques, sur des contrats qui n'ont d'intérêt réel que pour eux, s'avère dramatiquement spéculative !

Si la zone euro explose les épargnants plus que les banques seront impactés.

Rappelons que le mécanisme a été tout à fait le même pour les produits de trésorerie "dynamiques".  Le cadre ici encore est totalement étatique.  L'épargnant de base ne sait rien du produit sinon le taux d'intérêt versé. On lui fait miroiter un taux marginalement  meilleur que celui du voisin. Sans lui dire qu'on lui a collé des milliards de subprimes hyper-spéculatives mais cautionnées par les agences de notation et admises par les régulateurs. Les pertes pour l'épargnant ont la aussi été largement supérieures aux folies Madoff.

Pour finir gardons à l'esprit que les "fonds de fonds" ont souscrit à du Madoff pour la même raison : doper un petit poil les rendements pour séduire le petit épargnant.

Le pire spéculateur n'est donc pas le petit vicieux qui cherche par des tours de passe-passe a gagner des sommes ahurissantes ou le spéculateur éhonté qui utilise un levier gigantesque pour doper ses gains potentiels, mais la coalition état-banques-assurances qui par la législation et la fiscalité monte des cadres de collecte d'épargne censés être stables et sans grands risques et qui s'avèrent en réalité exclusivement rentables pour leur promoteurs et dangereux et trompeurs pour le grand public.
 
Sylvain Dieudonné pour le Cercle des économistes e-toile.



Commentaire
sd's Gravatar Il est amusant de relire cet article avec le recul du temps. Dexia vient d'être liquidée. Que dit son directeur : nous sommes victimes de la recommandation faite par Mme Lagarde (actuelle présidente du FMI et ancienne ministre des finances) de conserver nos prêts grecs italiens et portugais.

Dexia a le mérite de montrer les deux aspects de la crise financière : c'est une crise globale de surendettement provoquer par un gonflement abusif des concours bancaires soit sous une forme de produits complexes et dangereux, dont Dexia s'est fait une spécialité auprès des collectivités locales, soit sous forme de prêts aux gouvernements.

De toute façon comme UBS Dexia était animé par un fou furieux qui voulait se faire plus gros que le boeuf et qui a ratissé tous les mauvais risques.
# Posté par sd | 11/10/11 13:40
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