Le jour où le commerce international s’est arrêté !

Personne ne regarde jamais un indicateur aussi exotique que le Baltic Dry Goods index, qui mesure les cours du shipping des « commodities ».  Il a baissé de 90% !   Cet indice économique est le plus intéressant pour connaître l’état économique du monde. Mais il est inconnu des universités et de la presse en France.  Une confirmation de plus de ce que nous cessons de répéter : en matière d’analyse économique la France  universitaire et médiatique est  proche du zéro absolu !

Pour comprendre ce pourcentage de baisse incroyable, il faut savoir comment marche le commerce international.  Compte tenu des sommes en jeu, les deux commerçants partis à l’échange international  veulent des garanties,  l’un avant de charger la cargaison, l’autre avant de la payer.    L’acheteur va demander à sa banque de délivrer un document par lequel elle déclare qu’elle a bien en sa possession l’argent  requis par la transaction  et qu’elle le transférera dès que la vérification aura été faite que la marchandise est livrée et conforme à la commande.  Le vendeur va demander à sa banque de vérifier que la banque choisie par son vendeur est sérieuse et digne de confiance et qu’elle acceptera  de virer la somme reçue à son compte.   La banque ne le fera que si elle est sûre que le virement qu’elle recevra sera compensable.

La situation actuelle est que pour la première fois à une échelle pareille les banques ne font plus confiance aux autres banques et pensent que la compensation risque de ne pas se faire. Les sommes sont telles  que le risque est trop grand pour être pris. Les transactions internationales s’arrêtent.  Dans un système bancaire fractionné à cheval sur plusieurs états et plusieurs monnaies,  la circulation monétaire est toujours fragile.  Elle vient de se bloquer soudainement.

Le résultat est que tous les marchés de « commodities » et des biens durables sont en panne et en baisse tournoyante.  Les voitures ne s’exportent plus pas plus que le blé, le cacao, l’or ou que quoi que ce soit d’autre.  Ce gel interdit toute efficacité aux mesures monétaires globales sur les taux d’intérêt ou autres leviers  économiques significatifs.  Tant que les banques ne se font plus confiance le commerce international est arrêté.  D’où l’effondrement de 90% de l’index Baltic Dry Goods.     

Comment sort-on d’une pareille difficulté ?  A l’échelon local (c'est-à-dire national) les banques peuvent être confortées  de plusieurs façons (nationalisation, renforcement de fond propres, garanties d’états, …).  Mais que faire à l’échelon international ?  Choisir la même banque aux deux bouts de l’opération en espérant  qu’elle se fera confiance à elle-même ?  Mais à un des deux bouts la filiale devra  accepter un versement dans la monnaie voulue d’une autre banque.  Ce qui suppose que le système bancaire local soit redevenu sain.   Les vendeurs de homards Canadiens ne fournissent plus car leurs banques étaient en Islande et ne financent plus les campagnes !  

 Travailler avec une monnaie indiscutable comme l’or monétaire ?  L’or a été démonétisé en 1973 !  L’échange de « monnaies de confiance » à l’échelon international ne va pas de soi.   Cette crise est la première glaciation du système mondial de monnaies  nationales de valeur décrétée basée sur rien sinon leurs valeurs relatives flottantes.

Quand la confiance n’est plus là les monnaies de confiance n’ont plus de rôle.   Compte tenu de la mondialisation des échanges et de la spécialisation des productions qui ont eu lieu ses dernières décennies,  la désarticulation monétaire du commerce international est la première cause du blocage de la conjoncture.  

L’effondrement surprenant des prix des commodities en est le signe primaire alors que tous pensaient que la fuite devant le dollar les pousserait à la hausse, ce qui s’est passé un temps.    C’est pour cela que le « campo » argentin ne vend plus rien que le Brésil est à l’arrêt, que Mittal ferme ses hauts fourneaux, que la Chine voit ses nouveaux terminaux  à containers à l’arrêt  et que même le pétrole ne coule plus à flot.

La conférence de Washington n’a évidemment pas évoqué cette question monétaire internationale. On en est encore au stade de la posture et après tout montrer qu’on est tous unis pour faire quelque chose est un premier pas.  Mais tôt ou tard il faudra bien arriver aux actes notamment sur le front des monnaies.  Le plus tôt sera le mieux.   Car parler de relance mondiale si personne ne veut payer les échanges, c’est  parler pour ne rien dire.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

 



Commentaire
micromegas's Gravatar Aller chercher un index aussi peu connu pour le faire "parler" si clairement est réellement admirable.

Ce site est une mine d'informations pleine d'originalité et ... de constance.
# Posté par micromegas | 16/11/08 14:59
KingDom's Gravatar Oui, d'accord avec Micromegas.
Ancien du shipping, je souscris tt à fait à cette analyse.
La chute est vraiment impressionnante!
# Posté par KingDom | 17/11/08 13:30
Zbig's Gravatar J'ai regardé la situation actuelle de l'indice : électro-encéphalogramme entièrement plat. Rien n'est reparti : du jamais vu !

ZB
# Posté par Zbig | 19/12/08 22:04
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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