Michel Rocard a (presque) raison !
A raison qui pense comme vous !
Depuis des lustres non rappelons qu’une économie de changes flottants est obligatoirement instable et dangereuse, et que faire passer les lourds camions de la croissance mondiale sur des passerelles en caoutchouc ne peut rien provoquer d’autre que la chute des camions pris dans les soubresauts incoercible de la passerelle. Cela fait des lustres que nous décrivons les dangers que cette instabilité crée pour non seulement la croissance mais surtout pour le fonctionnement régulier des économies qui sont confrontées à deux phénomènes désastreux : la montée de la complexité et l’aggravation perpétuelle des déséquilibres, les solutions d’une crise étant la source de la suivante.
Quand les « trente glorieuses » se sont elles brutalement arrêtées ? Comme par hasard avec la crise de 73-74 qui était fondamentalement une crise due à la baisse excessive du dollar avec une inondation redoutable de création monétaire par le Trésor américain et la FED. On a fait semblant de prendre la conséquence (la hausse brutale des prix pétroliers) pour la cause ; et, l’inexpérience de la nouvelle situation aidant, le monde a connu la stagflation, puis une première crise de change des pays émergents, puis le krach de 1991-93, puis l’explosion de la bulle de 2000 et ses conséquences puis le krach actuel qui marque la fin du cycle démarré en 71.
La puissance géopolitique des Etats-Unis, le rôle de monnaie mondiale du dollar, l’influence presque dictatoriale d’économistes comme Milton Friedmann, ont permis à un système intenable sur la longue durée de prospérer, les Etats-Unis ayant été capable de faire supporter aux autres les crises successives, au prix d’une fragilisation constamment aggravée. Nous avions dénoncé comme superficiel l’article de Rogoff, économiste du FMI, lorsqu’il avait prétendu que les crises étaient constamment plus limitées. Ce n’était vrai qu’aux Etats-Unis et au prix de déséquilibres de plus en plus inquiétants. Dès 2006 nous avons indiqué que la crise à venir serait très grave parce que justement les Etats-Unis n’avaient plus le moyen d’en réchapper.
Les produits financiers compliqués ne sont qu’une conséquence des changes flottants, puisque toute opération internationale suppose une double spéculation : sur le bien lui-même et sur la monnaie. Un univers de ressources faciles s’est ouvert aux banques intermédiaires obligées qui ont profité de l’inondation monétaire générale et l’ont aggravé tout en croyant faire face aux défis de prévisions par la technique mathématique. C’est ce système là qui vient de s’écrouler. Mais rien ne sert de condamner les moyens de lutter contre la complexité si on n’agit pas sur la complexité elle-même.
Alors, oui, nous condamnons inlassablement les changes flottants, cause première de la fin des trente glorieuses et de l’effondrement systémique actuel. Et nous pensons qu’un Bretton Woods 2 n’a de sens que si le système des changes est réformé.
Qu’écrit Michel Rocard dans le JDD du 2 novembre : « La montée des produits dérivés résulte de la désorganisation de l’économie réelle qui elle-même découle de la décision de décrocher le dollar de l’or. Le commerce qui jusque là travaillait à change fixe, a été menacé par les changes flottants. Tout est devenu volatile, imprévisible. Il a fallu se couvrir, inventer les combines les plus tordues pour tenter de réguler la valeur des titres sur lesquels on travaille. A partir de là l’économie a été plus abstraite et plus fragile. La finance mondiale a fait supporter à l’ensemble de la société un taux de risque anormal ».
Tout cela est un peu approximatif : on confond les flux marchands et les flux de placement ; on ignore que les produits dérivés datent sous leur forme mathématique du début des années 90. Bref, on connait l’air mais pas trop les paroles.
Mais au moins l’intuition est bonne. La crise de 2008-20 ?? est bien le dernier soubresaut d’une désorganisation commencée en 71 et qui a vu des inondations monétaires successives se résorber par des crises successives dont la dernière est systémique et marque la fin de cette étape particulière de l’histoire économique.
La suite des propos de Michel Rocard est sans intérêt car il ne sait pas ce qu’il faut faire et ne peut que se livrer au petit jeu de la distribution des bons et des mauvais points politiques. Mais au moins il a compris que le système de change actuel était intenable et que la reconstruction d’un effort collectif pour harmoniser les monnaies et les politiques économiques était nécessaire. C’est bon à prendre.
L’absence d’un consensus sur les causes et donc sur les remèdes aggravera la crise actuelle. On ne se souvient pas qu’il y a eu des conférences au début des années 30 pour faire face aux désastres montants de la déflation. Et qu’elles n’ont pas permis de trouver une solution commune. Chaque pays a joué sa partition au détriment de l’ensemble, provoquant la dépression généralisée. On est loin d’avoir évité ce danger.
On le verra rapidement lors de la prochaine conférence. Si personne n’évoque la nécessaire stabilisation des changes avec coordination des politiques économiques, afin d’éviter la poursuite des déficits astronomiques des balances extérieures américaines et l’accumulation de ressources virtuelles et stériles dans des pays à trop forts excédents, il n’y aura pas d’espoir de sortir de la crise autrement que par la dépression.
Depuis plus d’un mois maintenant des monnaies nationales sombrent provoquant des dévaluations phénoménales et des hausses délirantes des taux d’intérêt. Le Brésil dévalue massivement entraînant l’Argentine dans un nouvel « hiver économique ». L’Islande, la Hongrie, la Serbie n’ont plus de monnaie ni de crédit. Le Japon ne sait plus à quel niveau de Yen se vouer. Les Chinois redoutent la perte de la valeur de leurs dollars accumulés dont ils n’ont pour le moment rien fait. Croire qu’il ne s’agit que d’une affaire de crédits immobiliers américains douteux vicieusement transférés au monde entier par Wall Street est réellement pitoyable.
La sortie de crise de ne sera pas un « new deal 2 » américain, ou une poussée majeure du socialisme rétablissement un meilleur équilibre entre revenus du capital et du travail. Ce ne sera pas non plus l’émergence d’une politique de « décroissance positive », un oxymoron qui n’a que la valeur des oxymorons. Une fois les pertes digérées, ce qui prendra plus que quelques mois, ce sera la patiente reconstruction d’un monde global stable où les déficits ne pourront se poursuivre indéfiniment sans action correctrice rapide et concertée.
Le monde qui émergera alors ne sera pas celui rêvé par Milton Friedman mort le 15 novembre 2005, juste avant la révélation de son erreur d'analyse en matière de change. On notera le silence abyssal de l’école de Chicago, censé propager sa pensée, depuis que la crise mondiale a commencé.
Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Pas un austère qui se marre, mais un gars qui, de temps à autre, rit librement.
Il fallait l'entendre, cette semaine, sur son époque Matignon.
Pour l'avoir écouté à un moment où nous étions ensemble à Sc Po, il expliquait : " la SEULE solution pour sortir de l'inacceptable capitalisme et de l'inacceptable communisme c'est ...l'autogestion à la Yougoslave". Je lui est rappelé cette phrase lors d'une rencontre impromptue dans un palace de Corse (on est de gauche mais pas ennemi des plaisirs). Il m'a répondu l'air rigolard : ils auraient du continuer !
Le PSU a été de la foutaise du début jusqu'à la fin.
Ensuite il n'y a plus eu que l'ambition. Démesurée. Il aura finalement réussi à être premier ministre au titre de "l'hypothèque à lever". Où il a commis une erreur monstrueuse : profiter de l'énorme croissance mondiale de la période pour dépenser à mort tout en créant un nouvel impôt, la CSG et un trou sous la ligne de flottaison : le RMI, dont toute la discussion sur le RSA a considéré qu'il était un grave échec. Résultat : lors du retournement de la conjoncture la France s'est trouvée prise au piège : déficit ; hausse vertigineuse des impôts etc. Toujours très content de lui Rocard se voit comme le "meilleur premier ministre de la 5ième".
Après on entre dans le "moucheducochisme". Il préface Rifkin qui annonce "la fin du travail" juste avant la plus formidable envolée de la création d'emploi en France (et dans le monde). Toujours le syndrome yougoslave...
Maintenant il commence à être vieux. Il se voit sans doute comme un "sage" mais variante "pas sage". Il ne se rend plus compte qu'il est désormais dans la partie "liabilities" du bilan même au PS : voir la déconfiture de son candidat à la présidence.
Personnellement, il m'a toujours fait rire !
C'est pourtant ce que de vient d'affirmer de façon tonitruante Alain Madelin dans un débat avec Sylvestre !