Les certitudes dans la crise mondiale (4) : il faut en finir avec les changes flottants.
Anatomie d'un désastreIl n’est pas sûr qu’une doctrine scientifiquement étayée, nourrie par les réflexions nombreuses des meilleurs savants donne naissance aux meilleures institutions.
Mais que penser d’un système qui n’a fait l’objet d’aucune confirmation théorique, dont personne en vérité n’ose même parler et qui s’est imposé in abstentia faute de pouvoir résoudre une difficulté politique ?
Il n’y a pas de doctrine des changes flottants. Un seul auteur, et c’était en 1969, a écrit que c’était éventuellement une bonne chose : Milton Friedman. Personne depuis n’a réellement traité de la question sinon pour faire remarquer tel ou tel défaut majeur.
L’étalon or a eu ses défenseurs. Il en d’ailleurs eu trop et cela a donné une orthodoxie particulièrement pesante. Le système de Bretton Woods a fait l’objet de réflexions nombreuses. C’est après une longue réflexion de deux années complètes que les alliés ont bâti le système : aucune improvisation dans l’affaire.
Le système des changes flottants, lui, s’est imposé faute d’accord international. Les Allemands ne voulaient plus importer l’inflation excessive générée par les Etats-Unis. Les Etats-Unis ne voulaient pas perdre leur stock d’or. Alors on a laissé flotter les rubans, et les monnaies.
C’était en 1971. Après presque quarante ans de ce merveilleux non système quels ont été les résultats ?
Dès 73-74 s’ouvre la crise la plus sévère de l’après guerre puis une phase nouvelle qui montre l’incapacité des dirigeants à penser la nouvelle situation : 6 années de « stagflation » ! Les trente glorieuses étaient finies.
La suite ? Une série de crises financières à répétition :
- Crise des dettes souveraines : on avait recyclé les pétro dollars sous forme de prêts à des gouvernements qui ne pouvaient plus rembourser, culminant avec la crise « téquila » au Mexique en 85.
- Récession aux Etats-Unis en 80-81 à la suite d’un coup de frein brutal et prolongé de M. Volcker, Président de la FED (celui qu’Obama vient de nommer à 81 ans président de son groupe de conseillers économique !).
- Crise gravissime des « Savings and loans » aux Etats-Unis : le système bancaire est à deux doigts de flancher. Il n’est sauvé que par une injection de plus de 500 milliards de dollars de fonds publics !
- Récession majeure de 91-93, après une frénésie spéculative sur le marché immobilier d’entreprise. La banque européenne est pratiquement exsangue et on passe de près à côté d’une catastrophe bancaire. Pour la première fois depuis la guerre le monde entier subit une récession sévère.
- Crise dite des pays émergents en 98 : en fait le dollar s’est mis à grimper brutalement, doublant en quelques mois. Tous les pays emprunteurs en dollar ne peuvent plus rembourser. Le chaos sur le marché des changes fait sauter l’économie de quelques pays comme la Thaïlande ou l’Argentine.
A cette occasion on s’aperçoit que de nouvelles institutions, les Hedge Funds, sont capables par les spéculations à effet de levier qu’ils pratiquent de faire sauter l’ensemble de la finance mondiale. L’affaire LTCM est étouffée à grands frais (il y avait plus de 1.000 milliards de dollars d’en cours !).
- Récession de 2001-2002 après une chute boursière digne des années 29. Le scandale Enron démontre que l’on a changé de système. Les entreprises sont désormais des soufflés gonflés par la spéculation folle.
- 2006 : explosion d’une nouvelle bulle aux Etats-Unis, celle des prêts immobiliers. En juillet 2007 le marché interbancaire se bloque. En septembre 2008 le système bancaire mondial explose en commençant par Wall Street.
Il n’y a pas besoin d’être grand économiste pour remarquer que le système des changes flottants n’a amené qu’une suite quasi ininterrompue de crises monétaires, financières et économiques. Par rapport à la période précédente le taux de croissance a été à peu près divisé par deux !
Si on relit les textes (très courts) de Milton Friedman sur la bonté des changes flottants, on trouve des assertions qui, pour le moins, n’ont pas été confirmées par la réalité. Les changes flottants devaient amener la STABILITE des changes et l’unification des taux d’intérêt. Les flux de trésorerie mondiaux iraient toujours vers les places où les intérêts seraient momentanément hauts, provoquant leur baisse. Ils quitteraient inversement les zones à bas taux d’intérêt, qui du coup monteraient à ces endroits là. Ce serait comme avec l’étalon or mais en mieux. Les capitaux iraient toujours vers l’optimum du moment. On aurait peu d’inflation et le plein emploi. Si un Etat s’avisait de créer trop de monnaie les taux d’intérêt baisseraient et tout filerait ailleurs réduisant à néant cet effort inopportun. Le paradis !
La réalité a montré exactement l’inverse. Les grandes monnaies n’ont cessé de faire le yoyo dans des proportions gigantesques. Le dollar descend d’abord à 3.75 Francs pour remonter à 10 un peu plus tard et redescendre à 4.00. L’Euro est un moment à 80 cents puis passe à 1.50 dollar. En fait de stabilité nous avons des coups d’accordéon gigantesques qui traumatisent le commerce international et l’économie de nombreux pays qui résistent plus ou moins bien à de telles variations.
En vérité les changes flottants transforment toute l’économie en immense casino avec des aléas à variables multiples. Le marché des changes devient comme celui des bourses : un marché non pas de flux, comme il le devrait, mais un marché de stock où ce sont les anticipations sur les variations de cours qui dominent. Il se met à ressembler à la bourse avec des variations immenses ne correspondant à rien d’autres qu’aux espoirs et paniques des spéculateurs.
On arrive à cette situation absurde où de ridicules conférences internationales méditent des baissent de droits que quelques % alors qu’une économie peut bénéficier du jour au lendemain d’une dévaluation de 50% !
Si encore le marché des changes était libre ! Pas du tout !
Le désordre monétaire pousse les agents à monnaie faible à utiliser le dollar pour tous leurs contrats et échanges. Le dollar trop capricieux cesse d’être une monnaie de réserve quand il devient encore plus qu’avant une monnaie de paiement international. L’émetteur de cette monnaie se considère-t-il une responsabilité sur cette émission ? Non. Il décrète que sa politique sera le « benign neglect ».
La Chine déjà très favorisée par les très bas coûts de sa main d’œuvre suit une stricte politique de dumping monétaire. Après 2002 elle bénéficie à la fois de ses coûts et d’une dévaluation de 50% par rapport à la monnaie européenne. A votre avis, est-ce que l’économie européenne a été en grande forme après cela ? Pour aggraver les choses les autorités de l’union Européenne supprime leur tarif extérieur commun. On croit rêver !
Le tourbillon finit par s’emballer et tout s’est effondré.
Penser ne serait-ce qu’une seconde que le système de facto de changes flottants n’est pour rien dans l’affaire serait un exemple nouveau de ce genre de folie qui saisit parfois l’humanité. Encore faudrait-il penser. Mais là c’est le silence.
PAS UN MOT JAMAIS SUR LES CHANGES FLOTTANTS. On ne comprend rien ; on ne peut rien. Alors on se tait.
Que faire quand la terrible réalité d’un système né de la rencontre fortuite de lâchetés diverses gâche la vie de l’humanité et que ceux qui doivent réfléchir et agir regardent ostensiblement ailleurs ? Ce n’est même pas un exemple de plus de la « tyrannie du statu quo ».
C’est une gravissime défaillance de l’intelligence et du courage.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
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