Deux agents-secrets du fisc. Seconde partie : le cycle économique

Nous avons vu que la croissance provoquait, du fait du caractère globalement progressif de notre système fiscal,  une tendance permanente à l’augmentation de la pression fiscale.   Le PIB double à peu près tous les 20 ans ; On voit que l’effet fiscal de la progressivité est rapidement très important.  Que celui qui a un doute prenne le barème de l’IR, double son salaire et constate le changement dans le montant de son imposition !

Ce phénomène est aggravé par l’existence du cycle de 8-10 ans (sur la question du cycle  voir nos billets spécialisés). Pendant la phase de croissance rapide l’effet de progressivité est accéléré fortement. Par exemple une croissance de 4% du PIB  entraîne une hausse de…  7 à 8% de l’IR. Il suffit de consulter les statistiques fiscales de 1999 et 2000 pour vérifier l’ampleur du mécanisme.

Mais lorsque la croissance s’arrête et pire encore quand une récession frappe, comme en 1993, les recettes baissent aussi plus vite que le PIB.  La progressivité joue dans l’autre sens.  Tout s’équilibre, direz-vous.  Et bien non.  L’Etat et les collectivités locales dépensant en moyenne 25% de plus que les recettes,  le retournement a des effets graves sur les déficits publics et l’endettement.  Que fait l’Etat : toutes les dépenses ont été « votées ». Il y a un « cliquet » à la baisse.  On augmente donc les impôts. On se souvient du coup de massue fiscale de Juppé en 95, deux ans après le déclenchement de la crise de 93. Il fut tellement fort qu’il provoqua une mini récession en 96.  DSK, après la chute du gouvernement augmenta à nouveau et sans nécessité les impôts. Le résultat : l’apparition d’une « cagnotte » fantastique dès que la conjoncture se rétablit.  

La peur du « mur fiscal »  à la veille des élections contribuera à accorder des « baisses d’impôts ».  En fait on remboursera une partie des excédents de recettes dus à la croissance et à la bonne conjoncture.  

Le scénario avait été exactement le même après la crise de 1974 et celle de 1984. Le septennat de Giscard aura été un « septennat fiscal »  avec entre autres l’apparition et la généralisation de la TVA qui gonflera monstrueusement les recettes de l’Etat et alimentera une hausse corrélative et vertigineuse  des dépenses.  Michel Rocard, après la récession de 84, augmentera à nouveau les impôts avec l’ISF et la CSG, au moment de la phase de croissance. L’Etat est à nouveau gorgé de recettes et dépense tout.

Vient alors la récession de 93. Balladur ne fait rien et laisse filer les déficits et on a vu qu’Alain Juppé allait laisser son nom au pire massacre fiscal de l’histoire de France qui en a pourtant connu pas mal.

Dans la période Chiraquienne,  on décrète très vite une « pause » dans la baisse des impôts.  L’expression est amusante.  Il n’ya pas eu de baisse d’impôts dans la période Raffarin et il n’y aura pas de pause fiscale : le taux de prélèvement qui avait baissé dans la période électorale, remonte aussitôt à ses plus hauts niveaux.  On a vu qu’il a continué à  grimper sous Sarkozy en dépit de tout ce qui se chante sur « les cadeaux fiscaux ».  

Nous entrons désormais en récession ou au moins en fort ralentissement. Les finances publiques vont à nouveau connaître les très lourds déficits.  Le gouvernement Fillon a déjà créé 8 nouveaux impôts. Gageons qu’il ne va pas s’arrêter en route.   A la reprise de la croissance  on touchera à nouveau les 45% de taux de prélèvement !

Comprendre que la croissance ne doit pas servir à augmenter mécaniquement la pression fiscale et tenir compte du cycle pour régulariser les dépenses publiques telle est  la condition sine qua non d’un retour de la France dans le concert des nations prospères et des Etats bien gérés.  Vous en avez entendu parler dans la presse ou dans les discours politiques. Non ? Jamais ?

Et bien oui. Ces questions fondamentales ne sont JAMAIS abordées dans l’arène médiatico-politique et encore moins dans les analyses des économistes officiels.

Chut !!!!!!!!!!!!!!!!!!



Commentaire
Micromegas's Gravatar On ne peux pas plus pertinent.
J'écoute ce matin France Inter. On cite d'abord Madame Lagarde qui annonce que "la reprise est imminente" et qui nie tout risque sur la croissance au delà de ce qui est connu. Elle a manifestement tort. Et la radio invite les présidents des deux présidents de commission des finances au Sénat et à l'Assemblée nationale. Ils crient encore : plus d'impôts vite ! Si on les entend la pression fiscale qui est déjà au plus haut va être encore aggravée. Si on se rappelle que les parlements avaient à l'origine comme rôle de freiner le goût des rois pour la dépense publique, on notera la déviation totale de l'institution qui bêle "vive l'impôt" à tout bout de champ.
Sans être économiste il me semble qu'il n'est pas sain en début de réession de l'aggraver par un poids fiscal supérieur. Un gouvernement qui ment ; un Parlement qui veut aggraver la crise. On est bien !
# Posté par Micromegas | 17/07/08 09:25
DD's Gravatar Vous avez parfaitement raison. C'est tout le drame de la France depuis 74. La politique économique NIE le cycle et donc au lieu de jouer à contre cycle AGGRAVE l'effet du cycle. Chirac se lance en 74 dans une relance keynésienne qui échoue ; Giscard fait monter le taux de pression fiscale à un niveau jamais vu jusque là. Le Programme commun de la Gauche fiche par terre l'économie au moment de la récession du début des années 80. Rocard monte la pression fiscale un cran plus haut. Juppé aggrave la récession de 93 par un coup de matraque fiscal inouï et provoque une mini récession en 96. Jospin ne voit pas la reprise de 97 et casse l'économie française avec les 35 heures. Chirac s'endort au moment de la reprise de 2005 au lieu de faire baisser vite et fort la dépense publique. Et voilà que la classe politique se révolte contre les réformes nécessaires au cri de vite des impôts en plus là où il faudrait commencer à baisser la pression fiscale.

Ce qui est consternant, c'est que les erreurs sont SYTEMATIQUES et CONTINUELLES.
# Posté par DD | 17/07/08 09:33
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