Le PIB, le Pauvre Indicateur Biaisé de la conjoncture

Par convention on déclare une économie en récession lorsque le PIB a décliné deux mois de suite. Depuis la guerre de 40 la France n'a connu qu'une seule récession ainsi définie, en 1993. L'ennui, c'est que cet indicateur est le pire lorsqu'il s'agit de connaître l'état de la conjoncture. Pourquoi ?

D'abord parce qu'il comporte toute la « production » du secteur public qui est calculée en fonction du coût des agents qui croit constamment. Si vous augmentez les fonctionnaires, le PIB s'accroit. Une charge devient un produit grâce au miracle de la statistique. Or la production du secteur public est particulièrement forte en France (autour de 25% contre environ 20% en moyenne dans l'union Européenne). En augmentant de 6% les coûts du secteur public en 1993, le gouvernement avait ainsi donné 1, 5% de croissance en plus au PIB alors que globalement il avait baissé. C'est dire combien la récession avait été forte dans le secteur marchand !

La seconde raison est purement technique : la valeur publiée du PIB est pendant au moins deux ans constituée de composants estimés et non pas constatés. On commence à avoir une vision relativement correcte du PIB pratiquement un an après la fin de l'année concernée. Et cela bouge encore pendant près d'un an. Compte tenu des erreurs ou incertitudes d'estimation on attache une valeur excessive aux chiffres de croissance ou de décroissance donnés trimestriellement. Elles sont fausses d'au moins 1%.

On comprendra que discuter d'un demi-point de PIB n'a dès lors pas grand sens. Quand on sait que la Banque de France annonce 0.1% de croissance du PIB au dernier trimestre, on voit que tout cela est de la poésie, pas de l'économie.

Il existe un excellent indice pour suivre la conjoncture en temps réel, un indice facile à calculer et qui ne trompe absolument jamais. C'est la proportion d'entreprises ayant reçu des commandes en croissance dans le secteur de la mécanique dans le mois précédent. Dans la phase haute de conjoncture l'indice monte jusqu'à 85% ; il baisse autour de 40% lors des récessions. Il suffit de tenir compte de 20.000 entreprises pour avoir une tendance fiable, soit les résultats d'une demi-douzaine de grossistes du secteur. L'informatique permettrait d'avoir les chiffres le 5 du mois suivant.

Nous l'utilisons depuis 20 ans avec 2000 entreprises, avec une fiabilité absolue. En 1997 nous avions annoncé la reprise alors que tout le monde politique parlait avec Rifkin de la « fin du travail » (Rocard) et de l'ineptie d'attendre « le Godot de l'emploi » (Seguin) et que le gouvernement Jospin justifiait les 35 heures par l'inertie structurelle du marché de l'emploi. Cet indice permet donc de savoir ce qui se passe là où l'erreur collective est de règle. On perçoit dans les médias la récession comme la reprise avec près d'un an de retard.

Notre indice a commencé à baisser fin 2006 et il est passé sous les 50% en juillet 2008. Nous sommes donc en récession et affirmer le contraire est une grossière contrevérité. Il est vrai que l'action psychologique fait partie de la panoplie anti-récession. Les propos de Mme Lagarde et de M. Fillon ne dérogent pas à la règle.

L'intensité de la crise apparaîtra à fin décembre : on verra alors si on descend sous les 40% chiffre qui serait le signe d'une crise de forte amplitude.

Commentaire
Gloups's Gravatar A noter l;'article récent de Robin dans le Figaro ridiculisant les propos de Mme Lagarde expliquant qu'il n'y aurait pas de récession en 2008 puisque le mois d'octobre était un poil en croissance.

Il est classique qu'un des moyens de la politique pour lutter contre la récession est de la nier. Dans le cas de la France il y a tant d'évaluations provisoires dans les chiffres du PIB qu'il vaut mieux attendre quelques mois. Avec 25% du PIB public il suffit d'augmenter de 4% les fonctionnaires pour éviter de faire apparaître une récession de 1%. (CF 1993 : +6% sur les rémunérations des fonctionnaires).
# Posté par Gloups | 21/11/08 20:28
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