Crise financière et crise mondiale : rien n’est joué !


On sait que les banques de dépôt peuvent être victimes d’une panique.  On a inventé les banques centrales pour y faire face. Si les déposants demandent en masse leur remboursement, il suffit de se tourner vers la banque centrale  qui assure la liquidité du marché.  Au bout d’un certain temps la confiance revient, les déposants remettent  en banque leurs liquidités, les banques remboursent les avances  que leur avait consenti la banque centrale.  Tout cela marche très bien.  D’un point de vue comptable l’opération s’analyse comme une substitution de dettes au passif du bilan.  Le compte d’exploitation n’est pas touché sinon par les frais encourus pour le secours de la banque centrale.


Quelle est maintenant la banque de dernier ressort pour les banques d’affaires ?  Les déposants ne sont pas un problème.  La question de la  liquidité se pose lorsque des investissements ne rendent pas exactement ce qu’ils devraient  et que les emprunts  souscrits pour financer  les placements ne peuvent plus être remboursés.    La banque concernée doit se refinancer.  Comment peut-elle le faire ? Elle peut augmenter son capital, s’il y a des volontaires ; elle peut se faire absorber par une autre banque, si elle en trouve une ; elle peut emprunter à d’autres banques si quelqu’un  veut  du papier proposé. Si  la réputation de la banque est atteinte et que la spéculation joue contre elle   toutes les voies de recours se bouchent. Il ne reste plus que la faillite.
A moins que la banque centrale accepte de prendre le papier commercial d’une valeur équivoque pour refinancer la banque atteinte.  Mais on est alors dans une situation très différente d’une banque de dépôt. La fin de la panique  ne fera rien revenir vers la banque aidée.  D’un point de vue comptable  on n’a pas substitué des lignes dans le passif mais on a pris en charge des pertes.  Ce n’est pas à la banque centrale de financer des pertes et lui faire jouer ce rôle ne pouvait être que très provisoire.


Après la faillite acceptée de Bear Stearns, c’est près de 100 banques qui ont suivi aux Etats-Unis malgré les injections massives de la banque centrale qui se gavait de papier de plus en plus douteux.
Cette situation ne pouvait plus durer.


C’est pour cela que  l’Etat donc le contribuable devait être mis à contribution.  Comme l’avait déjà montré l’affaire du Crédit Lyonnais avec la création du CDR pour « cantonner les actifs pourris » et sauvegarder la partie banque de dépôt.


Le Federal Reserve Board avait été créée après la crise de 1909 pour servir de banque de dernier ressort à l’échelle des Etats-Unis. Il était illusoire de croire que ses injections massives permettraient de sauver un système financier mondialisé se livrant massivement à des opérations spéculatives et négociant des produits hyper complexes dans le contexte mouvant des changes flottants, même si le cœur du système était à Wall Street.  


C’est le contribuable américain qui devra le faire mais il ne suffira pas : les pertes seront absorbées  plus généralement par l’économie-monde.


Tout cela porte leçon :
-    Il n’y a pas de banque de dernier ressort pour les banques d’affaires.
-    Une banque de dernier ressort mondiale n’aurait eu aucun rôle utile (Pas de Mondial Reserve Board !).
-    Le contrôle de l’activité des banques d’affaire et des sociétés d’assurances  ne peut être le fait des banques centrales mais directement de l’Etat
-    Mais il n’y a pas d’Etat mondial
-    Il y a donc un trou dans le système économique mondial.
-    C’est par ce trou que la crise s’est engouffrée
-    La solution « nationale » américaine  permettra d’éviter un effondrement du système financier mais ne suffira pas à fortifier  la situation économique globale.
-    En dépit des mesures prises actuellement le mistigri va continuer à courir le monde via « l’économie réelle ». Les pertes vont être diffusées partout par mille canaux (changes, inflations, faillites, …).
-    Le monde va donc voir s’aggraver le retournement du cycle.
-    Toute la question est de savoir s’il va y avoir des blocages nationaux avec retour à des pratiques protectionnistes.   
-    On constatera alors l’extrême nocivité du système incontrôlable des changes flottants. On risque de voir se propager des mesures d’isolement monétaire et d’inconvertibilité des monnaies.
-    Et là, sans nouveau Bretton-Woods et sans remise en cause des changes flottants,  on risque bien une crise de type 1929 !


Rien n’est joué. 

Didier Dufau

PS : Le dessin, excellent, est de Chappatte pour le Temps (Genève)

Commentaire
DD's Gravatar L'effondrement de l'Islande est une des manifestations de la nocivité des changes flottants. C'est une monnaie qui vient de perdre pratiquement toute valeur. Le pays est désormais totalement paralysé et devant une crise de type Argentine 98.
# Posté par DD | 09/10/08 10:31
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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