"Nouveau monde, nouveau capitalisme" : un colloque pour rien ?


Le colloque nouveau monde nouveau capitalisme est le genre d’exercice que les gouvernants croient opportuns de faire pour faire l’important.  La tribune est plus importante que le discours.
Néanmoins, au fil des discours, on trouve matière à commentaires :


Commençons par le moins attendu, celui de M. François Fillon, Premier Ministre français.


1.    « Mesdames et messieurs, le G20 ne doit pas rester une lettre morte ».

Comment dire de la façon la plus nette qu’il menace de rester lettre morte ?  La conférence de Washington n’a servi à rien, n’a rien proposé et simplement ouvert sur de nouvelles réunions dont la préparation patine.  Cette conférence avait-elle un autre but que de dire aux Etats-Unis : cessez de bouder dans votre coin de façon méprisante ?

2.    « Ces efforts doivent déboucher, lors du sommet de Londres, sur des mesures concrètes : c’est-à-dire sur la soumission des activités de crédit aux réglementations définies à Bâle, c’est-à-dire sur la régulation des hedge funds systémiques, c’est-à-dire sur l’harmonisation des fonds propres des banques, sur l’encadrement de la titrisation, sur la lutte contre la procyclicité des normes comptables, sur la régulation des agences de notation et des pratiques de rémunération ».

On retrouve là le flot de banalités habituelles. La règlementation de Bâle n’a rien à faire avec la crise : tous les produits toxiques étaient hors bilan et hors bourse donc  hors régulation. Ce ne sont pas les Hedge Funds qui ont principalement créé les subprimes  et les ont diffusés au monde.  Les normes comptables peuvent tout sauf créer ou amplifier le cycle. Elles n’ont strictement rien à voir avec le marché hypothécaire américain, Freddy Mac et Fanny mae. 

En rester là et ne rien faire c’est pareil.

3.     « Enfin, il faut que cette réunion soit l’occasion d’engager un combat sans merci contre les paradis fiscaux qui accentuent l’enfer de tous les autres ».

Le pépin ici est de ne pas faire la distinction entre les pays à régime fiscal avantageux (c’est leur droit souverain) et les pays acceptant d’apporter de l’obscurité pour des manœuvres financières  dangereuses et hors règles.  L’important ici c’est de réguler financièrement ces centres pour éviter des pratiques dangereuses plutôt que de leur imposer une hausse des impôts.

4.    « Le prix du baril de pétrole ne peut plus seulement être indexé sur le simple jeu de l’offre et de la demande ! Il est de l’intérêt de tous de disposer d’une plus grande visibilité sur les prix pour échapper aux fluctuations erratiques que nous avons connues. »

Une de fois  de plus un gouvernant aspire à la STABILITE : stabilité des approvisionnements en quantité ; stabilité des prix, mais se refuse à regarder la source principale de variation : les changes flottants !   Si le dollar baisse de moitié  le coût du pétrole baisse,  s’il double il augmente. La spéculation se charge d’amplifier le tout.  Pas de stabilité les cours des matières internationales sans stabilité des changes !  Mais là, le bœuf pèse sur la langue d’une façon   invincible : ne pas passer pour un ringard !  


Passons à Tony Blair. Il n’avait rien de concret à dire. Il l’a fait très bien. 

Car c’est évidemment ne rien dire que d’affirmer que le capitalisme doit être au service de l’intérêt général  et qu’il faut corriger ses « excès » sans dire lesquels ni comment.  On insiste et c’est déjà bien sur l’importance du multilatéralisme, le refus du protectionnisme et la nécessité de changer.  Il faudrait s’inquiéter si ce n’était pas le cas. Mais cela ne donne ni une explication e la crise, ni une politique d’urgence, ni une voie de sortie, ni une architecture de fonctionnement ultérieure. 

Plusieurs fois le mot « EQUILIBRE » revient ainsi que la condamnation de la spéculation « stérile ». Répétons : qu’est-ce qui dans notre système actuel entraîne structurellement des déséquilibres et imposent une spéculation quotidienne ?   Vous avez pensé : les changes flottants ? Vous avez gagné.

L’intervention de Phelps n’a commencé à être intéressante que dans la conclusion, juste au moment où on lui a dit qu’il fallait faire vite. Dommage.  Qu’a dit le prix Nobel d’économie ?  Qu’il fallait séparer les différentes activités bancaires et durcir le système en empêchant certaines des dérives actuelles : les banques de dépôt ne peuvent pas faire la banque d’investissement ; le crédit long aux entreprises doit être  d’abord le fait de l’actionnaire ; les dépôts ne doivent pas être à la merci d’opérations spéculatives sur les changes ou les taux d’intérêt etc.

On en revient à la position de Maurice Allais  notre Nobel national considéré ici  comme  un  gourou sectaire et non comme un économiste.   A chaque longueur de crédit sa longueur de ressources et ses institutions propres. A chaque ampleur de risques ses ressources propres et ses institutions.  « Le capital risque devrait être multiplié par 5 ou 10 ».  Et pas assumé par des procédés bancaires classiques ou des maquillages dans des constructions financières incompréhensibles. 

A l’idée de Greenspan qui faisait des CDS un moyen de diffuser le risque donc de le réduire pour la globalité du système, Phelps oppose celle d’un système où chaque risque et connu et assumé comme tel.

Au passage il cautionne totalement ce que nous avons écrit à la fois sur la réforme du système bancaire et  l’obligation que nous voyons  de casser l’escroquerie dangereuse qu’est la « banque universelle ». 

Mme Johnson Sirleaf pour l’Afrique a été beaucoup plus intéressante que bien d’autres en rappelant que la régulation en Afrique cela veut dire accaparation par les mafias politiques et constitutions de monopoles publics  et que régulation dans le monde cela ne doit pas devenir «blocage des capitaux, car l’Afrique a un énorme besoin de capitaux.  

Elle ne veut de marchés fermés ni en matière agricole ni en matière financière.   Naturellement comme elle le reconnaît franchement : « Je ne sais pas ce qu’il faut faire ». Mais au moins elle sait ce qu’il ne faut pas faire et cela tranche avec certains discours franco-franchouillards.

Au total, on reste évidemment sur sa faim. Tout le monde a le sentiment de la fin d’une époque, d’une cassure du système, d’un désastre en cours, d’un risque pour l’avenir énorme. Chacun espère que les recettes définies après la crise de 29 marcheront  un jour : flots de monnaie gratuite  issue des banques centrales, plans de relances massifs.   

Une reprise spontanée avec quelques ravaudages de législation sur les agences de notation, la rémunération des banquiers, les Hedge funds et les paradis fiscaux  serait pour tous  le schéma idéal.

Il n’y a exactement aucune chance. La crise va s’approfondir et dériver vers des zones inconnues et probablement extrêmement malsaines.  Sans diagnostic réaliste  et sans thérapeutique adaptée, on continuera la glissade actuelle.

Rappelons notre proposition :

-    Mettre fin immédiatement au régime des changes flottants avec stabilisation immédiate sous la responsabilité des Etats et des mécanismes collectifs des balances des paiements. Cet élément de stabilisation permettra le retour au CALCUL ECONOMIQUE. Une économie qui a un horizon peut se diriger.  En avion lorsqu’on est en vrille et en train de tourbillonner en feuille morte la seule chose qui compte c’est de  retrouver de la stabilité et de la manœuvrabilité.  

-    Stabiliser les marchés de matières premières dans des contrats multilatéraux avec des agences internationales ad hoc.  Second élément de stabilité et d’évitement des politiques de pure spéculation.

-    Bloquer momentanément toutes les spéculations des HF en interdisant le short sur les monnaies les marché de bien : vient à l’appui des deux mesures précédentes

-    Restructurer les banques sur le modèle  par  longueur de crédit, par nature de risques et par objet.  Les gestionnaires de comptes de dépôts ne doivent être les banquiers de crédit qui  ne doivent pas être les placiers qui ne doivent pas être les financiers ou les capital risqueurs. Il faut INTERDIRE  la banque universelle.

Dans l’instant chacun recommencera à jouer son rôle et les politiques monétaires et keynésiennes retrouveront de l’allant.

Didier Dufau pour le Cercle des Economiste E-toile.
   

 
 
 





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