Témoignage : une vision allemande de la crise.

Nous continuons ici de présenter des témoignages européens sur la crise. Ce sont les positions personnelles des auteurs.

 

Voici la vision de Karl Peiper.

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Une vision allemande de la crise.

 

Il n’y a pas de doctrine proprement allemande sur cette récession  mais les vues suivantes sont souvent entendues  dans les milieux économiques et financiers.

L’idée  majeure est qu’il aurait suffi de sauver Lehman-Brothers pour éviter de mettre en branle le sauve-qui-peut généralisé.  Au moment où Angela Merkel est réélue en Allemagne, on se souvient de son hostilité initiale à des plans de relance exc essifs et à un laxisme monétaire trop grand de la part de la Banque centrale Européenne.  

Pour ses conseillers on était dans une crise classique du type 1993 qui ne méritait pas une frénésie de dépenses et de création monétaire.  Les banques allemandes se sont trouvées en porte à faux uniquement à partir de la chute de Lehman qui a aussitôt provoqué une restriction quasi-totale  des refinancements et a bloqué la transformation des dépôts en crédits à plus ou moins long terme.  La  gravité de la crise serait alors due uniquement aux faiblesses d’analyse de M. Paulson et les Etats auraient surjoué  la réaction.  

Pour ces commentateurs  la crise est une crise de liquidité classique qui aurait pu être traitée avec moins de contradictions et  d’emphase et surtout en évitant un endettement aussi massif dont plus personne ne sait comment se débarrasser.  Le premier pas aurait été de dévaluer massivement le dollar et révaluer fortement le Yuan.

Le corollaire de cette position est que la Chine et les créanciers en dollar auraient perdu une grosse part de leurs avoirs, mais ces avoirs étant fictifs, ils devront  de toute façon disparaître.

Les Etats Unis auraient certes trouvé un avantage mais la principale économie du monde serait redevenue un moteur de croissance  sur une base assainie : l’exportation et non la consommation à crédit.   

La Chine   aurait souffert plus que ce que l’on a constaté. Mais elle aussi aurait du se transformer en pole de croissance interne au lieu de compter uniquement sur un Yuan dévalué. L’Allemagne s’y serait retrouvée en fournissant aussi bien les Etats unis que la Chine en outils et en produits avancés.  

Au total la crise aurait été plus violente mais la sortie de crise plus précoce, plus assurée et plus dynamique.  

L’Allemagne est de toute façon habituée  à perdre une partie des avoirs de change et aurait rétabli sa situation assez vite par les exportations de son Mittelstand.

Le choc aurait été rude. Mais on aurait été  débarrassé des dettes excessives.  L’activité aurait reprise  sur une base assainie.  

Beaucoup de commentateurs allemands sont réservés vis-à-vis de la pratique  qui a finalement triomphé,  et qui était d’ouvrir les vannes du crédit public et de la création monétaire pratiquement sans limite  afin de transférer un maximum de la dette des banques vers des structures de défaisance ou vers l’Etat,  évitant au maximum d’acter des pertes sur créances,  tout en lançant des plans de relance monstrueux  alimentés par des déficits publics de même proportion.  Le résultat est que la masse de dettes qui était déjà si grande qu’elle ne permettait plus un fonctionnement normal de l’économie  a encore augmenté et que plus personne ne sait comment s’en débarrasser ni même comment servir les intérêts autrement que par la création monétaire, puisque l’économie réelle a bien régressé malgré les plans de relance.  

Le versement des remboursements et des intérêts d’une dette alourdie par une économie rétrécie est une impossibilité.  On va donc vers de nouveaux rebondissements de la crise   pour se sortir de cette contradiction.  La crise réelle de l’endettement  n’aurait été que ralentie et retardée.  Elle finira par ressurgir provoquant des crises  jusqu’à ce que le taux d’endettement global devienne supportable.  Comme la source des déséquilibres internationaux n’a pas été touchée,  les mêmes causes  de déficits et d’excédents croisés agissent encore et viendront aggraver la situation.   La seule inconnue est de savoir selon quel mécanisme et quel tempo les dettes excessives seront purgées.

Aucun des économistes qui ont  ouvert de leur autorité  la double vague de dettes publiques  et de déversement monétaire, associée à une absence totale de réforme  du système monétaire international,  n’a la moindre  idée de la manière de sortir de la situation d’endettement cumulatif ainsi créée.  Il faut dire qu’on se trouve dans une situation totalement inédite.  Jamais le monde n’avait connu une telle conjonction de dettes publiques et un tel flot de création monétaire.

Pour beaucoup d e spécialistes allemands la politique « de consensus » a débouché sur l’inconnu et   même  si on parle aujourd’hui de fin de la récession on est loin de la fin de l’histoire et certainement pas encore au stade où la science économique pourra juger de l’efficacité réelle des politiques suivies.

Karl Peiper  (témoignage personnel)

 

 

Commentaire
DD's Gravatar La zone euro a dégagé un excédent commercial de 12,6 milliards d’euros au mois de juillet 2009, ce qui constitue un plus haut depuis juillet 2002.

Ce qui veut dire qu'elle peut supporter une certaine réévaluation de sa monnaie par rapport au dollar. En revanche il faut que le Yuan monte aussi et dans une proportion plus forte.

La pression sur le dollar peut tourner mal. Le carry trade actuel est hyper malsain.

Nous l'avons écrit dès septembre 2008. Un retour aux changes fixes et un réajustement des monnaies auraient beaucoup simplifier la sortie de crise.

Le cercle est assez largement d'accord avec cette vision allemande.
# Posté par DD | 06/10/09 08:48
DUTRIEUX Philippe's Gravatar Il est vrai que la zone euro peut supporter une certaine réévaluation de sa monnaie par rapport au dollar mais dans une certaine limite et il arrivera bien un moment où cela deviendra intenable...
Comme je ne vois aucun des principaux acteurs de ce maelstrom monétaire (Chinamérique) prêts à faire un pas dans la bonne direction : changes fixes et réajustement des monnaies,
permettez moi d'être sceptique sur l'issue de cette épreuve de force mettant en jeux les tenants de l'orthodoxie budgétaire et monétaire et les autres...
Les prémices du crack monétaire à venir permettront-t-ils enfin un prise de conscience ou faudra-t-il attendre la survenue de celui ci ?
Je penche plutôt pour la deuxième solution...
# Posté par DUTRIEUX Philippe | 06/10/09 11:58
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