Les belles histoires de George Pauget (président de la FBF) sur Europe 1
L'interview de George Pauget sur Europe 1, haut dirigeant du Crédit agricole et président de la Fédération bancaire française, ce jour, 6 novembre 2009, est l'exemple frappant des conséquences d'un mauvais diagnostic de la crise sur le dialogue entre journalistes et banquiers. Et sur la désinformation du grand public qui en résulte.
On sait que la banque est en France complètement cartellisée depuis Pétain. L'Association professionnelle des banques était l'organisme chargé de piloter le faisceau de l'organisation oligopolistique bancaire française sous la tutelle bienveillante de l'Etat Français. Il manquait les mutuelles : on a donc créé la Fédération bancaire française qui regroupe tout le monde. Ces organisations, en totale consanguinité de ses dirigeants avec l'Etat (on l'a encore vu avec les dernières nominations à la tête du groupe Caisse d'épargne-banque populaire), tiennent l'Etat et le législateur dans une main de fer obtenant après tout ce qu'elles veulent.
Lors de la crise récente, elles n'eurent aucune difficulté à se faire cautionner et subventionner à des hauteurs vertigineuses (plusieurs centaines de milliards d'euros), alors que l'ensemble du secteur bancaire était de facto en faillite.
Les réponses de George Pauget illustrent parfaitement comment un tel mastodonte est capable de traverser les pires crises sans se considérer le moins du monde responsable et en renforçant ses prérogatives.
La crise ? Les banques américaines ! Les banques françaises furent d'une sagesse exemplaire et d'ailleurs si elles sont revenues si vite à de bons résultats c'est qu'elles étaient très sainement gérées...
Qu'ont fait les banques américaines ? Elles ont pris des risques sur les marchés très rentables. Les banques françaises ne sont pas comme celà. Les activités de marché ne représentent que 8% de l'activité du Crédit Agricole et entre 10 et 20% des autres. Car les banques sont désormais d'énormes mécannos avec des divisions multiples et différenciées. La gangrène ne pouvait toucher qu'une part minime de l'activité bancaire.
Avons-nous des responsabilités dans les prêts à risque aux collectivités locales ? Pas du tout. Les directeurs financiers des collectivités locales étaient des spécialistes. Nous n'étions que des intermédiaires vers les solutions qu'ils ont choisies et qu'ils pensaient les meilleures pour leurs mandants. Le casino ne force personne à jouer et à perdre !
Si la question lui avait été posée de la gestion de fortune catastrophique pour la clientèle (à qui on a fourgué du Madoff et du subprimes sans aucun scrupule, et à qui on a fait avaler dans les comptes sous mandat des masses d'actions du secteur bancaire juste avant leur effondrement) il aurait sans doute rétorqué que les clients étaient rois et que c'est eux qui voulaient de la performance ! Même pour les comptes sous mandat !
En revanche sur le changement de rémunérations des traders, M .Pauget se lâche : bien sûr il fallait faire une réforme; d'ailleurs nous l'avons fait les premiers ; cela ne changera pas tout, mais comme c'est bien ! On se rappelle que l'autre grand acteur du changement de statut des rémunérations des traders était Baudoin Prot, président de l'AFB. AFB et FBF, main dans la main, crient au charron sur les traders et chantent leur merveilleux courage de mettre fin à des situations qu'ils considéraient avant la crise comme "de chantage" vis à vis d'eux.
On voit tout l'inconvénient d'avoir donné une explication "comportementale" à la crise d'une extrême gravité que nous subissons. Si la crise est comportementale il suffit de dénoncer les moutons noirs (les banques américaines) et de mettre des muselières aux boucs émissaires (les traders). Et Hop ! Passez muscade !
Ce que M. Pauget ne dit pas, c'est l'énorme gonflement des crédits y compris en France, qui fait que le secteur bancaire gère désormais des encours de crédits qui représentent près de trois fois le PIB ! Ce M. Pauget ne dit pas, ce sont les énormes profits de monopole permis par la constitution d'institutions monumentales de banque-assurance incrustées dans l'Etat, ce qui permet au prix de conflits d'intérêts majestueux, d'extraire de la clientèle des gains astronomiques. Ce que M. Pauget ne dit pas, c'est quasiment la refrancisation presque complète du secteur financier, les organismes étrangers étant ramenés à des activités marginales.
En un mot le secteur oligopolistique franco-français des banques a réussi à se constituer en énorme cancer dans la société française, bloquant l'activité des banques étrangères et donc la concurrence, utilisant toutes les facettes de métiers accolés dans d'immense cartels horizontaux et verticaux, et servant exclusivement les intérêts de ses directions générales, qui concentrent des parts extravagantes de la création de richesses en France.
Dès qu'il y a un problème : vite l'Etat ! Jamais on n'a vu de façon plus cynique la privatisation des profits et la collectivisation des pertes. Jamais une crise n'a été autant exploitée pour renforcer les défauts pourtant patents du système. En se jetant sur l'os misérable qu'est la réforme de la rémunération des traders, qui redonne du poids aux directions des banques contre leurs professionnels de haut rang, les banques font coup double : elles évitent toute réforme de fond ; elles se donnent le beau rôle.
L'ennui, c'est que la crise n'est pas comportementale. Elle est structurelle. Le gonflement de la masse des dettes à des niveaux insoutenables par rapport au PIB explique à la fois :
* la perte de rentabilité marginale des nouveaux crédits puis l'effondrement des valeurs de portefeuilles de dettes
* la violence de la perte de liquidité du marché interbancaire
* l'importance disproportionnée des gains bancaires et donc des rémunérations du secteur (contrairement à ce qu'affirme George Pauget, ces gains ne sont pas liés à la prise de risque mais au gonglement exorbitant des activités bancaires avec le financement d'une dette d'Etat qui croit de façon exagérée au seul profit des banquiers, et à l'excès de crédit dans des domaines comme l'immobilier et le crédit à la consommation qui peuvent faire prélever aux banques une part excessive du PIB au détriment des autres activités).
Rappelons tout de même que malgré les progrès de la productivité dans la banque de paiement grâce à une informatisation forcenée et au renvoi sur le client de la majorité des actes, le secteur bancaire français a augmenté ses effectifs de 11% en 2007 et de 8% en 2008.
La vérité est qu'il faut dégonfler massivement la taille du secteur bancaire, le spécialiser et le décartelliser. Il y a eu trop d'émission de dettes en France, comme dans le reste du monde. La singularité de la situation française est que ce gonflement excessif a provoqué la faillite du système bancaire mais que le transfert des actifs excédentaires vers l'Etat et la BCE lui a permis non seulement de ne sentir que le vent du boulet mais aussi de ressortir plus monopolitistique et protégé que jamais.
L'interview de M. Pauget montre seulement l'impudence d'un secteur monopolistique privé entièrement cautionné par l'Etat et tenant l'Etat à sa pogne, l'absence de grille de lecture chez les interviewers, et les conséquences d'un faux diagnostic sur les débats en France.
L'anomalie, c'est que les journalistes ne veulent absolument pas faire droit à des analyses précises et extrêmement rigoureuses dès lors qu'elles sortent du champ d'une explication officielle aussi controuvée qu'elle soit.
Platitude et serviture vont toujours de paire.
Sylvain Dieudponné pour le Cercle des économistes E-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Alors AXA et BNPPARIBAS devraient former un groupe de banque assurance de premier choix. Le Crédit agricole devrait reprendre la Société générale et Groupama. Pendant que Deutche bank s'unirait à Allianz. Et pourquoi AIG ne fusionnerait-il pas avec Citibank qui aurait repris HSBC elle même absorbant RBS et Bank of America ? Les petits pays n'auraient plus aucune banque indépendante. Les entreprises n'auraient plus le choix pour aucune de leurs décisions financières. Les particuliers seraient entièrement tondus.
Un rêve de banquier. Une folie absolue.
C'est rare...
http://www.lesechos.fr/info/analyses/020212119022-...
Il a raison de rappeler que cette préoccupation de réformer réellement le secteur bancaire en interdisant les activités de marché aux banques de dépôts, se retrouve un peu partout, sauf en France.
La France aime l'économie incestueuse et les gros machins. Pourquoi pas la Banque Assurance de France, la BAF (ça c'est pour Bruxelles) qui centraliserait la totalité des opérations de banques et d'assurances en France, sur le modèle de la défunte Poste Télégraphe et Téléphone.
Il est vrai qu'on préfère les oligopoles bien coordonnés. Et les oligarques !
La crise révèle impitoyablement les attitudes.
Les Anglo-saxons ne font qu'en parler, sans en vouloir bien sûr, tout dirigés qu'ils sont par Wall Street et la City tandis que l'Europe continentale a l'air elle plus sérieusement entreprenante à ce sujet, tout en sachant que
sans un consensus mondial c'est la fuite des capitaux assurée dans le camp d'en face.
En effet, à quoi servirait il qu'un pays ou qu'une zone économique réforme seul son système financier ? Il se tirerai tout simplement une balle dans le pied.
Ne soyons pas dupes.
- tout prêt est toxique quand on ne peut plus espérer son remboursement
- le blabla de M. Pauget sur la solidité du système bancaire français était sans fondement sérieux. .
Le vrai problème n'était pas que des banques aient succombé aux subprimes mais que l'endettement global ait été aussi fort dans le monde, au point d'être irrécouvrable pour une très grosse partie.