Qu'est-ce qu'une "transaction financière" ?
Voilà que les Etats-Moloch veulent exploiter la crise pour trouver d'autres ressources fiscales. Après avoir taxé la consommation, la production, le travail, les échanges, les revenus, le capital, la valeur ajoutée, le produit du capital, les plus values, ils viennent de découvrir une nouvelle source de recettes miracles : les transactions financières.
Le mot est compliqué. Transaction : qu'est-ce que cela veut bien dire ? Et ce qualificatif de "financier", il n'est pas simple non plus.
En droit une transaction est un arrangement entre les parties à un conflit qui acceptent de céder sur leurs exigences pour éviter l'aléa et les frais de la Justice. Le Quillet donne une bonne définition de la transaction : "contrat par lequel les parties terminent une contestation".
Le mot finance lui, identifie la somme d'argent qu'il fallait verser au Trésor Royal pour acheter une charge. On disait : "acheter une charge pour le prix de la finance". Dans un système de vénalité des charges, il y avait nécessairement un Surintendant des finances. Pardi !
Il faut toujours se méfier quand l'Etat emploie des mots qui ne sont manifestement pas pris dans le sens du dictionnaire, surtout pour lever des impôts nouveaux.
On peut difficilement envisager que nos princes imaginent taxer les transactions juridiques entre l'Etat et les bénéficiaires de charges vénales disparues depuis 1789.
Alors de quoi s'agit-il ?
C'est d'autant plus important de le savoir qu'on accorde au futur impôt des vertus magiques : un prélèvement ridicule mais tellement productif que la faim dans le monde cesserait aussitôt, que le Sud pourrait rattraper le Nord, que les questions de réchauffement de la planète en seraient totalement réglées, que les relations monétaires internationales seraient aussitôt "régulées" et la prospérité mondiale retrouvée. Véritable couteau suisse de la survie bienheureuse du monde et de la justice distributive généralisée, solution facile et immédiate de toutes les difficultés sociales et écologiques, panacée contre les rhumes bancaires, on se languit de bien comprendre cette imposition des déjà fameuses mais toujours fumeuses "transactions financières" qui ne seraient ni production, ni vente, ni consommation, ni revenu, ni capital, ni plus value.
En lisant bien les textes on trouve quelques éléments. On va taxer le change des devises. Vous disposez de 100 Euros. Vous voulez transformer ces cent euros en monnaie marocaine. On va vous taxer sur cette transformation. Vous vous êtes donc enrichi dans cette métamorphose ? Non. Le coût de transformation existe. Il est assez élevé. L'Etat, toujours goulu, se sert au passage. Le service rendu crée une valeur ajoutée qui est taxée. Le revenu des intermédiaires est aussi taxé. Bref le change vous appauvrit et nourrit l'Etat. Ici et maintenant. Et on se propose d'aggraver ce coût par une taxe nouvelle, non plus assise sur la valeur ajoutée par les intermédiaires mais sur le mouvement lui même dont l'assiette est vingt fois plus importante.
Voilà qui est concret. Aussitôt la réflexion peut partir sur des bases solides.
Première question : pourquoi faut-il taxer un change de monnaie qui n'a pour but que de pouvoir acheter quelque chose mais dans une autre zone monétaire ? S'agit-il de privilégier les achats fait dans la zone monétaire de son pays de résidence ? D'une mesure protectionniste ? En quoi une mesure protectionniste pourrait-elle fournir les moyens magiques sus évoqués ?
Pourquoi dois-je payer une nuit d'hôtel surtaxé au Maroc et pas en Allemagne ? On va changer le monde avec ça ? Vraiment ? Des taxes j'en ai déjà payé au Maroc : à l'aéroport, à l'hôtel lui même où chaque nuitée exige de payer sa taxe de séjour. On va ajouter une taxe nouvelle pour sauver le Maroc de la pauvreté au moment où je vais changer ma monnaie avant de payer ? Et le miracle va s'accomplir ? Surtout que tous les immigrés marocains qui envoient une partie de leur salaire au pays vont être taxés. Cette redistribution du Nord vers le sud était donc si injuste qu'on la surtaxe ? Et comment le produit de cette taxe va-t-il rétablir l'équilibre Nord Sud si on pénalise les transferts qui y contribuent actuellement ?
Décidemment, vous direz-vous, cela ne tient pas debout. On a déjà grâce à J. Chirac prélevé une taxe spéciale sur chaque passage en avion sans que la face du Monde en soit foncièrement changée. Pourquoi à ce compte là ne pas ajouter un péage à l'entrée de l'aéroport de départ et à l'entrée de l'aéroport d'arrivée ? Et une taxe à l'entrée et à la sortie de la porte de l'hôtel ? Une toute petite taxe : par exemple 1 cent. Vous vous rendez compte des sommes incroyables que cela ferait si on l'applique à tous les hôtels et à tous les voyageurs ? Vous direz : ce serait encore plus rentable si on payait la taxe à chaque fois qu'on fait un pas, mais hors de sa zone monétaire naturellement...
Décidemment on y voit plus clair : l'impôt souhaité est un péage sur les mouvements de fonds. Oui mais hors de sa zone monétaire.
Il faut dire que si on étend la taxe à sa zone monétaire de résidence, la nouvelle taxation devient étrange. Vous virez de l'argent à un de vos enfants : taxe sur le virement . On vous paie votre salaire : taxe sur le versement. Vous achetez un produit : taxe sur le mouvement physique (l'achat du bien) et sur le mouvement d'argent associé (le paiement). En dissociant l'aspect monétaire et économique d'un même acte, on double la base fiscale. Finaud, non ?
- "Mais si vous avez besoin d'argent, chers Etats, pourquoi n'augmentez- vous pas les impôts existants ?"
- "Vous n'y pensez pas ! On est au maximum tolérable. Songez qu'en France non seulement l'Etat dépense plus que la valeur ajoutée de la population mais qu'en plus il a endetté tout le monde chaque année depuis 1974. Un ouvrier est l'occasion d'un prélèvement de 60%, un employé de 65%, un cadre de 70%, un cadre supérieur de 75 à 80%. Avec l'ISF on atteint allégrement les 100% malgré la "bouclier fiscal". Comment voulez vous qu'on ose encore aggraver les choses ?"
- "Mais c'est bien ce que vous allez faire !"
- "Oui mais en douce. Les idiots vont croire que les "transactions financières" ce n'est pas eux mais les "financiers", des zombies quoi et moralement condamnables en plus. Tout va se passer à la source sans qu'ils ne s'en aperçoivent. Elle est là la magie : on taxe deux fois la même chose et personne ne s'en rend compte".
- "Vous êtes cyniques, pervers et hypocrites !".
- "Oui, bien sur. Comme d'habitude. Et alors ? Imaginez qu'on soit honnête et qu'on mette tous les prélèvements sur la TVA : on aurait un taux de 110%-120% ! Et comment on ferait-on pour sauver le monde, la nature, le système bancaire, la justice sociale, l'équilibre Nord Sud, tout en payant nos fonctionnaires et nos associations ?"
- " Je ne sais pas : un grand emprunt, par exemple" !
- "Alors vous, comme cynique...".
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Merci de votre question. Nous avons essayé d'y répondre dans notre dernier article.
DD