Une notion controuvée : le prêt « toxique" !
Une grande partie des discussions qui ont lieu depuis le début de la crise ouverte, à la mi-septembre 2008, porte sur l’élimination des actifs «toxiques » des banques qui les empêcheraient de faire normalement leur travail.
Cantonner ces actifs dans des structures ad hoc serait la clef de toute solution rapide. Le plan Paulson avait cette ambition. On a vu qu’il n’a pas marché, l’argent étant redéployé vers le renforcement du capital des banques. On voit renaître cette préoccupation avec le plan Geithner, le successeur de Paulson , qui est extrêmement complexe et connaît les mêmes difficultés. Pourquoi ?
La crise est due à un surendettement global massif. Les dettes ont fini par atteindre aux Etats-Unis près de 400% du PIB et on est très au dessus de 300% en Europe. Ne parlons pas de l’Islande !
C’est cette montagne de dettes qui s’est effondrée dans un grand coup de tonnerre.
Il faut bien comprendre ce que cela représente, 400% d’encours d’endettement ! Imaginons que la durée moyenne globale des prêts soit de 4 ans : cela veut dire qu’il faut rembourser un principal de 100% du PIB chaque année, auquel il faut ajouter les intérêts. C’est clairement impossible ! Un pays ou le monde entier ne peut pas consacrer tout son revenu à rembourser des emprunts. Si la durée moyenne est de 16 ans, on voit qu’il faut tout de même consacrer le quart du PIB aux remboursements et le cumul des intérêts devient terrifiant.
On notera que la nature de la dette est sans importance dans l’affaire : qu’elle soit publique ou privée, qu’elle porte sur telle ou telle catégorie d’actifs n’a strictement aucune importance.
En un mot, à ces niveaux d’endettement tous les prêts sont toxiques pour la simple raison qu’ils ne peuvent plus espérer être tous remboursés !
Nous étions arrivés à cette situation où pour chaque transaction commerciale intérieure on constatait dix transactions financières et pour chaque mouvement de marchandises international cent mouvements de capitaux. Croire que tout cela était durable était évidemment une fantasmagorie.
Il fallait que quelque chose craque. L’amorce de la crise est passée par le blocage des crédits hypothécaires. C’est assez normal : ce sont les prêts les plus longs et ils ont fini par être financés par des soldes de trésorerie de SICAV monétaire ! Mais en fait tous les prêts, qui sont des espoirs de remboursements sur des produits futurs, étaient en danger et l’ensemble des circuits économique menacés de congestion immédiate et intense, une fois que l’évidence de l’impossibilité du surendettement aurait gagné l’opinion publique.
C’est une des raisons de l’affaissement immédiat et radical de tous les circuits économiques et pas seulement de la filière des subprimes (qui est arrêtée de jure depuis juillet 2007 mais l’était de facto dès la fin 2006).
Démondialisation, déleveraging, dégonflement des bilans des banques, tout cela va ensemble.
L’épargne s’est repliée en urgence vers la liquidité, ruinant les bourses et ajoutant une crise d’illiquidité à une crise de solvabilité des banques.
La réponse des Etats a été de sauver les banques pour ne pas en plus ruiner les déposants. Les banques centrales et les Etats ont repris une partie de la dette à cet effet. Mais globalement on ne voit pas que cela change l’image générale de la crise.
La spéculation dont le jeu faisait ou défaisait les cours des matières premières s’est largement arrêtée, la crainte de pertes immenses faisant fondre les ressources des hedge-funds à grande vitesse. L’achat à crédit s’est effondré touchant les produits les plus chers, avec un quasi arrêt de la vente de voitures, d’immeubles, d’équipements divers. La peur de manquer a fermé les portefeuilles pour les dépenses non indispensables.
La bougie économique s’est consumée par les deux bouts.
Tous les encours de prêts « sains » correspondant à une activité économique régulière sont désormais devenus « toxiques ».
On voit que la notion de cantonnement d’actifs toxiques à ces échelles n’a pas grand sens, que la reprise des encours de prêts de banques par la banque centrale ou l’Etat a des limites et que la dynamique de la «crise » est encore là pour un moment.
Il n’y a pas de solution simple.
Il faudra bien en passer par des pertes massives sur les prêts aventurés. Elles ont d’ailleurs largement eu lieu. La restructuration de la dette en supprimant les prêts à clauses « pochette surprise », en allongeant les termes et en réduisant les intérêts à presque rien aurait apporté son bénéfice. Elle est rendue extrêmement difficile par l’existence d’un système de changes flottants et le caractère international des engagements financiers. Faute d’intelligence de la situation et de levier politique, la question est traitée par prétérition.
Mais surtout il faut redonner un horizon économique aux producteurs et aux consommateurs. Ils sont aujourd’hui congelés. Tous les circuits financiers et économiques internationaux sont à l’arrêt. Les déformations de trafics commerciaux imposées par le gonflement des mouvements de capitaux à des sommets intenables et aggravées par des changes en folie, sont caduques.
Plus personne ne sait qui est qui et où l’on va. Les plans de relance nationaux ne fonctionnent pas parce que personne ne sait à quelle nouvelle structuration des échanges internationaux ils vont conduire ni s’ils ne vont pas créer à nouveau des déséquilibres intolérables de balances des paiements.
On est bien loin des subprimes, des normes comptables, des agences de notation, des bonus et des stocks options. On est bien loin du G.20 et des mesures qu’il s’apprête à prendre.
Le plut tôt les gouvernants auront abandonné l’idée que nous vivons une crise des subprimes aggravée par la dérive des contrats mathématiques complexes mal jugés par les agences de notations, alimentés par la cupidité et trahis par la comptabilité, le plus tôt on sortira de l’aveuglement. Et le plus vite on pourra mettre de côté des fausses mesures qui sont autant de coups d’épée dans l’eau.
Si le monde avait pu être sauvé en mettant en réserve les 7% de prêts du marché immobilier international qui était aventurés, ce qui est la mesure de toxicité offerte par les experts du secteur, il le serait déjà ! Il n’y a plus de subprimes ; les agences de notation font désormais plus qu’attention ; les 200.000 salariés des banques qui travaillaient dans le secteur des prêts adossés sont sur le carreau et les gouvernements ont tous autorisé des changements de méthodes comptables pour certains prêts. Les hedge funds ont pris une raclée mémorable qui va les calmer un certain temps.
Pourquoi diable dans ces conditions le G.20 se réunit-il ?
Tout cela est un théâtre d’ombres. Il est plus que temps de revenir aux réalités.
Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Si, il existe une solution simple que vous nous donnez vous-même à longueur de blog : prendre ses responsabilités !
Un actif toxique est un actif sans responsable : un emprunteur non tenu de rembourser, un prêteur non tenu de savoir à qui il prête, un assureur non tenu de définir le risque couvert, un courtier non tenu de justifier les éléments du prix, un régulateur non tenu de sanctionner le mensonge, un notateur non tenu de dire ce qu’il note, un comptable non tenu à la sincérité, un citoyen non tenu d’adhérer aux lois du vivre ensemble…
Il est extraordinaire d'observer les Américains tourner autour du pot et le monde tourner autour des Américains. Les actifs toxiques qui empoisonnent les bilans bancaires sont des contrats qui n'engagent pas ceux qui y sont inscrits, qui engagent des parties qui ne respecteront jamais leurs engagements ou qui ne savent pas qu'elles sont engagées ! Ces contrats sont nuls en droit positif et n'auraient jamais dûs être comptabilisés.
La discussion sur le traitement de ces contrats est proprement surréaliste. Ils n'ont pas de valeur parce qu'ils ne sont pas des valeurs. Il n'y a pas d'engagement réel dans ces contrats. Ils ne sont que modèles mathématiques sans substance. Maintenant que la réalité nous en produit l'évidence, il faut simplement les "décomptabiliser" et passer en perte comptable leur contrevaleur.
Toutes les banques qui de ce fait n'ont plus de fonds propres sont à mettre en liquidation. Comme il n'est pas question d'amputer la valeur des dépôts ni celle des prêts interbancaires sous peine de faire disparaître les monnaies, les banques doivent être déclarées nationalisées. Les actionnaires perdent leurs droits et les dirigeants leur contrat de travail et leurs mandats. Les Etats peuvent les réembaucher comme administrateurs provisoires aux ordres de la justice qui arbitre la répartition des pertes.
Si nous étions encore en régime capitaliste libéral, cette solution aurait été appliquée sans discussion. Nous sommes désormais sous le régime du nominalisme monétaire. La valeur n'est plus la satisfaction d'un besoin réel exprimé par tout un chacun. C'est la déclaration de ceux qui ont le pouvoir de battre monnaie : les Etats, les banques centrales et les banques et institutions financières. Pour ne léser aucun "intérêt financier", il suffit d'émettre des crédits autant que de besoin pour susciter toute la liquidité que l'épargnant ne fournit plus. Il n'est plus nécessaire de reconnaître la non-valeur des actifs toxiques.
Le poison est noyé dans un flot de liquidités. Et personne n'est responsable de rien. Et les dettes s'accumulent qui ne seront jamais remboursées.
Comme vous l'avez répété, le mal vient de loin. Des changes flottants et de l'absence d'étalon monétaire international. Quelle monnaie voulons-nous ?
http://sdujonchay.neufblog.com/Textes/JusticeMonet...
Bien à vous.
Jolie formule.
On oublie trop que la monnaie est le témoignage de droits acquis contreparties d'une prestation ou d'une vente d'actif que l'on mélange allègrement avec des droits que l'on peut exercer ici et maintenant mais qui sont fondés sur une promesse de remboursement.
La légitimité de ces droits est entièrement dans le processus qui les accorde. Et actuellement elle est nulle, voire négative. Des déficits collectifs indéfiniment poursuivis, des irresponsables à tous les coins de rue, des crises à répétition et le contribuable au bout du chemin.
On est bien d'accord.
Et si on s'en foutait de la dette, et de cette finance à laquelle toujours on doit? Les gens n'en ont pas marre de travailler dans tous ces emplois d'abrutis pour une finance malsaine dans un monde de plus en plus dégoûtant et surpeuplé dont ils n'ont, pour la plupart, rien à cirer?
Effectivement on doit pouvoir ne rien devoir à personne et vivre en pur esprit.