G.20 : un pari très dangereux.
N’ironisons pas sur le « Kolossal Succès » de la réunion du G.20 à Londres et sur la parfaite orchestration de l’opération politico-médiatique qui l’a précédée avec ses opérations teasing (« les signes de reprises se multiplient ») et son faux suspense (« va-t-on vers un désaccord ?») et celles qui lui succèdent : « c’est merveilleux ils sont tous d’accord, tous gagnants et vont beaucoup plus loin que prévu ».
Nous savons depuis Munich que ces manifestations unanimes des politiques et de la presse sont à prendre avec précaution et après tout nous avons échappé au retour triomphal des participants sur un tapis de pétales de roses au milieu des foules enthousiastes.
Si tout ce barnum redonne un peu de confiance au monde, tant mieux.
Cela ne devrait pas nous détourner d’observer la réalité et de peser les perspectives.
La réalité c’est d’abord ce semestre qui d’octobre 2008 à mars 2009 aura été le pire de l’histoire récente de l’économie, dépassant en gravité les débuts de la crise de 1929. La conférence de Londres a bien fait de ne pas tirer la leçon du précédent « succès » du G.20 à Washington. Les chutes de PIB ont été générales et verticales. Certains secteurs économiques sont à l’arrêt presque total. Le commerce international n’a pas tenu et pour la première fois depuis la guerre de 1940 connaît la récession. On se fatiguerait à dénombrer les « premières » que cette crise nous force à vivre.
Tous ceux qui pensaient vivre une « crise des subprimes » ont été pris à revers. Ce sont tous les circuits internationaux de capitaux et de commerce qui ont sombré à la vitesse de l’éclair. Ce ne sont plus les banques occidentales qui sont en péril mais les Etats.
L’impuissance de la Fed et de la BCE est évidente. Ces deux institutions en sont aux manœuvres « non conventionnelles ». Le FED vient d’acheter directement des bons du trésor américain : la planche à billets est sollicitée sans artifice. La BCE a annoncé qu’elle s’y résoudrait s’il le faut. Et aucune des deux ne peut prendra à sa charge les malheurs du monde. Alors comme en 1970 on réactive les DTS : on crée de la monnaie administrative internationale basée sur rien d’autre que des déficits pour permettre aux pays dont le système bancaire a explosé ou va exploser de continuer à participer au concert du commerce international.
En même temps et c’est la seule surprise réelle de ce G.20 « on débloque 250 milliards de dollars en deux ans pour soutenir le commerce mondial ». Qui, comment ? Mystère pour le moment. Mais cela prouve bien que la réalité de la crise a été désormais intégrée : sans commerce mondial en croissance il est impossible de sortir de la crise.
Comme le souligne notre ami Sylvain, on prend bien soin de mettre en scène la démonétisation de l’or du FMI pour essayer de casser le thermomètre qu’est le prix de l’or. Et tous les investisseurs institutionnels et sous contrôle indirect des Etats ont investi en bourse pour donner le coup de chapeau nécessaire.
L’absence totale de réforme du système monétaire international, alors que l’évidence que l’instabilité des changes est devenue incontournable, a conduit à une répétition de la « solution » apportée à la suite des la crise financière de 1998. On sait qu’un forum de la stabilité financière (FSF pour les intimes) avait été institué en 1999 pour éviter les affaires type LTCM et les gonflements intenables de bulles « locales » comme celles qui étaient vu comme la source des difficultés asiatiques. On a vu que ce discret « machin » s’était révélé totalement inepte et avait laissé se développer toutes les bulles mille fois plus grosses mais américaines cette fois là. Nous eûmes Enron et quelques autres, l’éclatement de la bulle internet, le gonflement de la bulle des subprimes, puis celles des CDO et des CDS. Le silence du FSF et son incapacité à produire quelques résultats que ce soit ont été tonitruants.
Alors on crée un Conseil de stabilité financière (CSF), FSB (Financial Stability Board) pour les anglo-saxons, de composition élargi qui s’occupera des places off-shores et des intervenants ayant une importance systémique sur l’économie monde.
Il est toujours curieux de voir coexister un système de changes flottants qui crée et amplifie les instabilités monétaires et financières et des organismes administratifs chargés de stabiliser la finance.
La vérité est facile à discerner : on ne veut pas renoncer à la financiarisation de l’économie monde qui est en effet rendue indispensable, sous des formes rentables pour les banques mais dangereuses pour le reste des intervenants, par les changes flottants. Les mouvements de capitaux restent libres et comme maintenant représenteront toujours une centaine de fois les mouvements proprement commerciaux. Mais on ne veut plus que des intervenants importants puissent entraîner le monde dans des risques systémiques ingérables.
L’échec de 1999 n’a pas servi de leçon. On essaie encore une fois avec une solution administrative. On ne sait pas comment cela marchera et si cela aura la moindre importance pratique. Mais on se sera donné un lieu de réflexion loin des politiques et de l’opinion publique.
Entre financiers on devrait pouvoir s’arranger.
C’est exactement la même illusion qui avait conduit à croire que les banques centrales, et le club des banquiers gravitant autour des régulateurs, permettraient d’éviter les crises bancaires. La FED a été créée après la crise bancaire de 1907 : nous eûmes la crise bancaire de 1921 et la crise bancaire de 1929 ! On connaît la suite.
En attendant personne ne sait comment va pouvoir se redessiner la carte des échanges mondiaux. C’est la clé de l’énigme. Personne ne demande aux Etats-Unis de mettre fin à ses déficits abyssaux ni à la Chine de mettre fin à ses excédents symétriques. Il n’ya aura aucun effort coordonné des Etats pour rétablir des circuits économiques sains, seulement des relances nationales par la dépense publique.
On espère que le mouvement brownien des capitaux, alimenté par une création monétaire forcenée aussi bien des banques centrales que par le FMI, finira par trouver sa cible. Et on attend.
Jamais on aura fait autant confiance à la bienfaisance de la « main invisible financière ». Alors que jamais les preuves de son inexistence n’auront été plus grandes.
La science ne peut rien contre la foi.
Mais ce genre de pari pascalien fait peur quand il s’applique non pas à l’au-delà mais à notre monde concret en train de tourner à la vallée de larmes.
Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
L'art de la finance contemporaine est de jouer avec la foi. C'est sans fin et gagnant à tous les coups ; jamais perdant. La foi vient d'elle-même aidée par des paroles qui rassurent. Il suffit de bien parler et de promettre que le futur apportera la preuve de ce qui est dit. Alors on croit et cela produit de la valeur anticipée sur le futur. La valeur future s'échange sur le marché contre valeur présente en monnaie sonnante et trébuchante. Régulièrement, les marchés soldent les comptes. On compare la valeur promise à la valeur effectivement réalisée en richesses réelles. La conclusion est toujours la même : la valeur anticipée a dépassé la valeur réellement productible. Les marchés s'effondrent. Les portefeuilles perdent un gros pourcentage de leur valeur. Quelques institutions font faillite.
Qui perd ? Pas les bons financiers bien informés avant la masse et payés pour avoir raison quelques secondes avant les autres. Le payeur est le détenteur d'actifs monétaires : le salarié, le retraité, l'entrepreneur qui épargne pour financer ses investissements futurs, l'emprunteur qui ne se mettra pas en faillite.
Le problème de cette crise est que la mécanique est devenue transparente pour trop de monde. Les marchés financiers eux-mêmes savent que le discours de la foi est usé. La foi a donc disparu. Comment la restaurer ?
Créditons le G20 d'avoir reconnu que la foi ne peut plus être manipulée. Espérons que la suggestion du gouverneur de la Banque Centrale de Chine fera son chemin : créer un vrai instrument de réserve international. Justement un outil de foi qui permette de vendre sa confiance à un acheteur engagé à ne pas décevoir.
A part cela, vous avez parfaitement raison dans votre analyse.