Le Mea Culpa de Martin Wolf

Pendant plusieurs années, pendant notre période Forum, nous avons assez systématiquement critiqué les positions prises par Martin Wolf, le journaliste financier vedette du Financial Times.

Nous avons donné sur ce site un exemple des critiques que nous lui faisions sur le site même FT.Com.  Voir "Panic will be the rule and depression the only result".

Notre contentieux : Martin Wolf croyait dur comme fer à la finance, sa liberté, sa capacité d’être guidée par la main invisible et par l’absence totale de régulation des banquiers centraux.

C’est un homme qui croyait dur comme fer que les marchés seuls savaient et qu’ils devaient faire la leçon aux gouvernements par la spéculation.  

Il était partisan de  l’idée sotte et totalement idéologique  qui s’est développée depuis l’émergence des changes flottants, à savoir qu' il faut et il suffit que les banques centrales soient indépendantes et ne s’occupent que de régler l’inflation pour que tout soit le mieux possible dans le meilleur des mondes.

Les marchés feront le reste.  Tout obstacle aux marchés ne serait donc qu’une rupture d’optimisation  dans l’allocation des ressources.  Les prix étant restés bas pendant une longue période,  les bulles n’avaient pas d’importance : elles reflétaient la bonne santé générale et il ne fallait surtout pas s’en occuper.

La carrière de Martin Wolf a suivi l’envolée de la finance « libre, arrogante  et dominatrice » jusqu’à lui valoir un édito au journal le Monde !

 Dès 1999 nous avons insisté sur le fait que la bulle financière était catastrophique et ne se traduisait pas sur les prix de détail du seul fait de l’ouverture totale à la Chine et à l’Inde.  Cette compétition inédite avec un pays aux ressources humaines sans limite, pesait nécessairement sur les prix.  

Nous indiquions que l’inflation des moyens de paiements se reportait ailleurs : essentiellement sur la masse des crédits et sur le prix des biens durables (bourses, immobilier, matières premières, etc.).  Nous avons toujours considérée que la définition de l’inflation comme montée des seuls prix de détail était trompeuse.  Nous considérions également que cette situation était désastreuse  en ce sens qu’elle freinait les investissements utiles dans les industries européennes produisant des biens de consommation  et reportait l’épargne  sur la seule spéculation. Le mouvement était auto-entretenu.

A la décharge de Martin Wolf, il faut bien admettre qu’à partir du moment où on a libéré tous les mouvements de capitaux et laissé  les changes flotter, c'est-à-dire qu’on a institutionnalisé le fait que l’Etat et les autorités économiques et financières  n’ont plus à se préoccuper du niveau de leur devise sur le marché des changes,  et qu’on ne régule plus les échanges de marchandises, il ne reste plus qu’à se consacrer aux pris de détail. Si les prix sont stables, c’est que la monnaie conserve sa valeur. Si les autres monnaies varient, c’est de leur faute et on n’y peut rien !

Analysant le rapport  du MIT 2007 sur la stratégie monétaire et le rapport de la Hoover Institution en 2009 : comment on a déraillé (getting off track) , Martin Wolf fait amende honorable. « Most of us, I was one, thought we had found the Holy Grail. Now we know it was a mirage”.  “la plupart d’entre nous et j’en suis avaient cru trouver le Saint Graal. Nous savons maintenant que c’était un mirage ».

C’était surtout une erreur de jugement à caractère pleinement idéologique  et un sentiment intéressé (la finance anglaise croyait tenir le marché surtout depuis la loi SOX qui avait vu les américains commencer à durcir les conditions des jeux spéculatifs).  Lorsque  l’intérêt et l’idéologie s’en mêle  et qu’on tient la colonne dans le vent dans le journal symbolique de la nouvelle tendance, il faut une crise mondiale plus sévère que toutes celles que nous avons connues  pour ouvrir les yeux.   Il ajoute, horresco referens, que si le monde des grands argentiers n’arrive pas à piloter un système entièrement fondé sur la « fiat money », sur le papier monnaie émis par des institutions d’émissions qui ne comptent que sur leurs propres analyses, il faudrait en revenir… à l’étalon or. 

Tout cela fait sourire. Mais donne tout de même une clef : Martin Wolf admet que les changes flottants sont associées à la finance libre, que la crise est d’essence principalement monétaire et  que s’il n’est pas possible d’éviter de nouvelles crises aussi dures,   il faudra bien que le monde : « embrace what I still consider  to be the absurdity of gold ».  

Mais oui Martin ! C’est exactement cela et tu as parfaitement raison de te sentir pécheur.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile

 

Commentaire
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