L'impossible retour aux accords de Bretton Woods (suite)
Suite de l'article précédent
En vérité le système était vicié à la base. Aucun mécanisme n’était prévu pour garantir que la politique monétaire américaine maintiendrait la valeur de la monnaie en or. Au contraire, le système instituait une « dissymétrie » (en clair : une inégalité structurelle en faveur des Etats-Unis) et le potentiel pour le renouvellement des doubles pyramides de crédits néfastes constatées en 1939.
L’arrivée de Kennedy et le lancement d’une politique dispendieuse aussi bien de course aux étoiles que d’interventions militaires tous azimuts, signifiaient une politique monétaire hyper inflationniste d’autant plus facile à financer qu’elle l’était dans la monnaie mondiale.
Jacques Rueff reprit sa plume pour signifier que le système était le même que celui de 29 et risquait de déboucher sur une crise du même type. Le professeur Triffin expliqua doctement toute la contradiction qu’il y avait à faire dépendre la croissance mondiale d’une monnaie nationale dont les comptes extérieurs devaient être obligatoirement déficitaires pour alimenter le commerce international en monnaie.
Les faits furent au rendez-vous. Le Gold exchange standard se mit à hoqueter dès le milieu des années 60. De Gaulle exigea au milieu des ricanements la fin du système et le retour aux disciplines de l’étalon-or. La guerre du Vietnam fit le reste. Lassée d’engranger des dollars qui alimentaient chez elle une inflation de moins en moins maîtrisable, la RFA mit fin au système de Bretton Woods et Nixon décréta l’inconvertibilité du dollar en or.
La crise majeure de 1974 suivit qui chamboula complètement l’économie monde. La France ne s’en est jamais remise. Un système par défaut, les changes flottants se mit en place, qui provoqua des crises de plus en plus importantes jusqu’à l’éclatement actuel.
On dira : d’accord, le système de Bretton Woods était inégalitaire et contenait ses contradictions internes, mais il a été tout de même responsable des trente glorieuses. Après tout nous acceptons ses inconvénients si on revit à nouveau trente années de croissance glorieuse.
Les circonstances ont joué dans les trente glorieuses : un changement de mentalité vis-à-vis de la dépense publique, une énergie renouvelée, le dynamisme de la reconstruction, le plan Marshall marquent l’immédiat après guerre. Ce fut une période d’inflation mais de plein emploi, de famine de dollars chaque pays en recherchant pour reprendre pied sur les marchés extérieurs. Pendant dix ans-quinze ans les défauts intrinsèques du système furent des avantages.
Ce n’est qu’à partir de 1963 que les tensions se manifestèrenent et s’aggravent constamment, au point qu’on finit par inventer les droits de tirages spéciaux, jusqu’à l’explosion finale et la crise de 74.
Le retour au Gold exchange standard en Dollar nous remettrait immédiatement dans la situation de la fin des années soixante.
En revanche la stabilité des changes et la responsabilisation des Etats vis-à-vis du taux de change de leur monnaie, malgré mille accrocs, avaient montré son avantage. Le plein emploi avait été assuré sachant que tous les pays tentaient d’aller au maximum de leurs capacités en se tenant à la limite du déraisonnable. Tous sauf les Etats Unis.
En l’absence de possibilité de revenir à un étalon-or ou au GES dollar, que peut-on faire ?
Créer un système de changes fixes sans monnaie prédominante. Chaque Etat redevient responsable du taux de change de sa monnaie vis-à-vis des autres, sauf à être écarté du commerce international. Les déficits et les excédents excessifs sont prohibés. Une unité monétaire internationale est créée basée sur un panier de valeurs à définir pouvant inclure l’or, le pétrole et ce qu’on voudra. Il est interdit d’inclure dans les réserves des banques centrales quelques devises que ce soit.
Le stock outil des devises pour chaque pays est géré par une instance différente de la banque d’émission. L’accumulation des devises étrangères n’a pour but que de faciliter les transactions et ne peut pas servir à créer de la monnaie locale. La compensation des soldes des balances de paiement se fait en monnaie internationale, le FMI retrouvant son rôle de régulateur. Les Etats unis sont à égalité de traitement que les autres et perdent leur droit de veto.
Le système global retrouve des responsables : les Etats et un gendarme le FMI. L’encadrement de la finance reprend son sens. Les opérations de « short » sur les monnaies sont interdites. Les mouvements de capitaux à court terme sont contrôlés autant que de besoin. Les entreprises retrouvent une boussole et une sécurité. Des plans d’action peuvent être définis qui ne sont pas à la merci de changements irresponsables de la valeur respective des monnaies ou de brusques coups de folies sur les marchés.
Dans cette affaire l’important est l’égalité des devoirs, la responsabilité des Etats, avec une régulation supranationale et la stabilité de changes fixes, ajustables uniquement avec l’accord général. L’idée centrale est celle d’un développement coordonné et général, sans déséquilibres majeurs, avec une pression vers le plein emploi.
Les changes flottants avec une monnaie nationale de fait devenue la monnaie internationale et une finance débridée ne peuvent pas permettre d’atteindre ces résultats. Cette triplette tragique doit être éliminée d’un coup.
Il faut utiliser la pédagogie de la récession avant qu’elle ne tourne à la dépression pour obtenir le changement nécessaire. On en est loin. La majorité des responsables n’osent pas aborder la question des changes flottants, seuls quelques pays attaquent le rôle du dollar et pas nécessairement les plus recommandables, et la régulation de la finance se résume à la lutte contre les paradis fiscaux et à des mesures locales presque sans intérêt.
Jusqu’ici les autruches ont toujours cru que le débondement de la production de dollars suffirait à faire sortir de la crise (1974, 1982, 1987-1992, 1998-2003, 2008-2009), avec un abandon des disciplines budgétaires. Il se peut que cela suffise encore une fois, même si on peut douter d’une sortie de récession spontanée et de la qualité de la situation mondiale avec un système bancal et des acteurs totalement étouffés par des déséquilibres monstrueux et des dettes publiques ingérables.
Mais ce qui est sûr c’est que cette reprise ne pourra JAMAIS devenir la base d’une croissance équilibrée et durable et que le pire surviendra peu après avec une violence cette fois-ci si dévastatrice qu’il vaut mieux ne pas y songer.
Il faut réformer le système monétaire international et mettre fin aux changes flottants.
En urgence.
Didier Dufau pour le cercle des Economistes E-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Il n'existe aucun commentaire pour ce message.
[ Ajouter un commentaire]