La notion de « banque de paiements »

Parmi les réformes demandées depuis longtemps par des économistes de renom qui ont fait le lien entre récession et système bancaire, on trouve la création de véritables banques de paiements, sociétés de services et non de crédits,  gérant des dépôts comme des dépôts inaliénables et non comme des prêts plus ou moins occultes à la banque.

La première raison est morale : forcer les citoyens captifs à utiliser une banque  pour effectuer des paiements, recevoir des salaires, des recettes, des honoraires, sans leur dire expressément qu’en fait les dépôts sont des prêts à la banque qui en fera ce que bon lui semble, alors qu’ils peuvent ne pas avoir envie de prêter et qu’on ne leur demande pas leur avis, est un piège  indigne contraire à l’esprit des contrats et à la règle démocratique. Si un particulier ou une entreprise veut prêter de l’argent, ils doivent pouvoir le faire explicitement et non implicitement en déposant de l’argent en banque.

La seconde est économique : le dépôt étant en vérité un prêt ; lorsqu’une banque est en difficulté les dépôts sont menacés. Il en résulte, depuis l’origine de la banque, des paniques incontrôlables qui provoquent des crises de liquidité dans tout le système bancaire et des faillites en chaine.  Pour éviter cette menace il suffit de rendre sa véritable nature au dépôt : l’argent n’est pas celui de la banque.  Elle n’a pas à l’utiliser pour son compte. En cas de crise, aucune ruée sur les comptes bancaires n’est plus à craindre.

L’actualité récente a montré la nocivité de ces paniques qui ont mis par terre par exemple Northern Rock  au Royaume uni et une vingtaine de banques aux Etats-Unis en attendant mieux. Pour parer le risque de panique les autorités sont obligées soit, comme aux Etats unis, avec le FDIC, de garantir les dépôts de façon fort coûteuse, soit comme en Europe de renflouer toutes les banques menacées pour éviter la spoliation du déposant. Comme la masse des dépôts est considérable, les sommes à engager sont effroyables. Les banques centrales, inventées pour pallier ce genre de difficultés, n’y sont jamais parvenu. A chaque fois ce sont les états qui ont du prendre le relais.

Si les dépôts étaient gérés par des banques de paiements rien de tel ne surviendrait. Les salariés recevraient leurs rémunérations sans crainte, les commerçants leurs recettes, les retraités leurs pensions. En situation de crise on ferait ainsi diminuer l’angoisse générale de plusieurs magnitudes. Les banques ne pourraient pas couvrir leurs erreurs avec les dépôts ni les utiliser par exemple pour spéculer pour compte propre. Les deux affaires de la Société générale et des Caisses d’épargne ont démontré le caractère pour le moins choquant de banques dévoyant l’épargne liquide de tout petits épargnants pour se livrer à des opérations ultra risquées sur les marchés spéculatifs. Procédé choquant mais actuellement absolument légal !

Comment marcherait le système de crédit dans une telle configuration ? Les banques seraient obligées de travailler soit avec leur capital soit avec des ressources empruntées. Selon leur préférence pour la liquidité  ou leur goût du risque, les épargnants qui désireraient faire travailler leur épargne souscriraiennt les formules de prêts aux banques ou aux entreprises qui les intéressent. La séparation des banques d’affaires et des banques de crédit permettrait de clarifier le risque pris selon les formules.

Les banques ne pourront plus compter sur le retour sous forme de dépôt dans leurs comptes des prêts qu’elles octroient pour alimenter leur trésorerie. Elles passeront par des marchés financiers à court, moyen et long terme qui peuvent être régulés et surveillés.  On veillera à ce qu’aucune banque ne devienne un moloch « too big to fail ».

Bien sûr une partie de la masse monétaire stagnera dans les comptes de dépôts. Il y a débat pour savoir si elle sera réellement supérieure à celle qui  est actuellement thésaurisée. D’ores et déjà la majorité des agents économiques ne laisse pas ses liquidités oisives. Le fait d’avoir à souscrire explicitement une formule de placement n’est pas un vrai frein surtout avec l’extension d’internet qui rend le coût de telles opérations extrêmement bas.

Bien sûr les banques de paiements feront explicitement payer leurs services. Mais il vaut mieux un service payé clairement qu’une fausse gratuité  qui est en fait un cadeau incontrôlable aux banques. Et tout le monde voit bien que les grosses banques de dépôts taxent pratiquement toutes les opérations bancaires : toutes sauf le chèque qui est de moins en moins utilisé !  

Bien sûr il faudra mieux rémunérer la ressource des banques qui ne sera plus captive et devra donc être attirée.

Mais les avantages sont clairs :
C’est la fin de la « banque universelle » qui voit des banques de dépôts énormes et oligopolistiques truster une part excessive de la gestion de l’argent et faire remonter vers leurs dirigeants une part démesurée du revenu national.  Chaque banque de crédits est sur un pied d’égalité avec les autres. La taille du réseau d’agences ne joue plus. Il devient facile d’éviter la constitution de molochs incontrôlables qui font peser un risque systémique sur la collectivité.

C’est le retour à la faillite bancaire. Si une banque prend trop de risques par rapport à son capital, elle fera faillite et avec elle ses actionnaires et ses prêteurs. Elle n’aura pas à être systématiquement sauvée.

Car les crises bancaires continueront à se produire. Tout prêt est une aventure et le cycle des investissements et des crédits n’a aucune raison de cesser. Mais les emballements seront tout de même plus contraints que dans un système où les prêts ouvrent de nouveaux dépôts  et sans médiation externe alimentent de nouveaux prêts.

Le marché interbancaire sera profondément modifié. Le rôle de la banque centrale sera d’assurer la liquidité des marchés en cas de crise financière comme maintenant. Mais il sera beaucoup plus facile de contrôler le bilan des banques pour prévenir les emballements et l’action sera bien plus efficace : les banques face à une défiance de l’épargnant n’auront que la banque centrale comme solution !

La création de banques de paiements et la restructuration du système bancaire en strates spécialisées et clairement identifiées (banques de crédits, banques d’affaire, gestion de fortune, courtiers) serait la manière de sortir de la crise actuelle la tête haute avec un système financier rénové et remis à sa vraie place.

On ne doit pas céder à la tentation de ne rien toucher et de se mettre la tête dans le sable. La dictature de l’existant doit être vaincue en s’aidant du levier de la crise. Evidemment, il faut réfléchir un peu plutôt que de s’agiter bêtement autour des bonus et des normes comptables.

Mais bon !

Commentaire
Sarton du Jonchay's Gravatar Comment peut-on contester le bien fondé de ces propositions ? Sont-elles à l'étude dans les institutions de régulation bancaire et monétaire ?
Le recyclage des dépôts des banques de paiement n'est pas un problème. Il suffit qu'ils soient empruntés au jour le jour par les banques de crédit et garantis par des credit default swaps vendus par les banques d'affaire aux banques de paiement. Le défaut d'une banque de crédit est ainsi couvert par une institution indépendante dans l'appréciation de la solvabilité des banques de crédit. Si une banque de crédit fait défaut, une banque d'affaire rembourse tous les dépôts qu'elle a empruntés.
Une banque de paiements ne peut prêter en vertu de l'obligation de couverture du risque bancaire qu'à une banque de crédit dont le risque de contrepartie coûte moins cher que taux du marché monétaire. Le déposant reçoit une quote-part de la rémunération de sa liquidité défalquée du coût du risque bancaire et des coûts de gestion de son compte et de ses paiements.
La part de la masse monétaire non recyclée dans les crédits sera tout simplement celle qui ne trouve pas d'emprunteurs solvables. La solvabilité des emprunteurs n'est pas décrétée par la banque centrale par évaluée sur le marché du risque animée par les banques d'affaires et de gestion de l'épargne. La liquidité des emprunteurs n'est pas décrétée par la banque centrale mais évaluée sur le marché du crédit par les banques de crédit. La banque centrale prête aux banques de crédit comme les banques de paiements : avec couverture systématique du risque de contrepartie par les banques d'affaires (= banque de risque = banque de gestion). La banque centrale ne court aucun risque sur ses prêts et les faillites des banques de crédit sont financées par les banques de risque rémunérées pour cela. Les banques de crédit dont le risque est trop cher sur le marché du risque s'abstiennent d'emprunter à la banque centrale par impossibilité de recycler une ressource qui leur revient trop cher. La banque centrale se préoccupe exclusivement de gérer le volume de la liquidité sur le marché monétaire-interbancaire qui préserve la stabilité de tous les prix sans inflation ni déflation.
Un schéma aussi simple est-il hors de portée de nos régulateurs et de la finance moderne ?
http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/9/12/Les-vrai...
# Posté par Sarton du Jonchay | 13/09/09 20:22
DD's Gravatar Le Financial Times d'aujourd'hui révèle que le FDIC, le fonds qui permet d'indemniser les déposants en cas de faillite de banques manquent cruellement de ressources et qu'il va falloir au gouvernement fédéral rechercher d'urgence de nouveaux milliards de dollars.

On voit sur cette exemple tout l'intérêt d'un système de banques de paiements qui ne seraient pas dans le risque de mettre en faillite ses déposants.

Le FDIC est une solution fort coûteuse et si elle est financée par la planche à billets, la confiance dans la monnaie finira par être totalement ébranlée.

Il suffit de se baisser pour voir les méfaits du système actuel et la pertinence des solutions proposées. Mais pas un commentaire dans la Presse. Naturellement !
# Posté par DD | 19/09/09 23:46
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