Un an après la chute de Lehman Brothers un économiste lit : le Monde
Nous reprenons ici la petite chronique de Sylvain Dieudonné sur la manière dont la presse rend compte de la récession, un an après la chute de Lehman-Brothers.
Mais puisque nous allons évoquer le journal le Monde, c’est l’occasion de décerner un « e-toile » d’honneur à Pierre Antoine-Delhommais pour son papier dans l’édition du journal datée du dimanche 20-lundi 21 septembre. Il exprime deux thèses que nous défendons depuis des lustres : la crise de 1929 n’a en réalité pas fait l’objet d’un consensus sur ses causes ; la crise actuelle n’est pas nécessairement la crise des « subprimes ». Nous ne savons pas s’il nous lit mais si oui, nous en sommes très heureux et si non, nous sommes contents de ne pas être totalement seul à exprimer des vues qui sont pourtant élémentaires. Encore un effort PAD : il reste à mettre en cause les changes flottants !
PA Delhommais et J.P. Robin, son alter ego au Figaro, sont pratiquement les seuls journalistes économiques dont on puisse lire les billets sans être effondré de rire ou de tristesse.
En parcourant le journal le Monde du 23 septembre 2009
Par Sylvain Dieudonné
Ce numéro est particulièrement intéressant puisqu’il comprend le supplément économique et qu’il traite de l’anniversaire de la crise.
1. Le journal pose une bonne question à quelques personnalités : « s’il n’y avait qu’une et une seule leçon à tirer de la crise, laquelle retiendrez-vous » ? Notre réponse au Cercle des Economistes E-toile aurait sans doute été unanime : il faut en finir avec les changes flottants source de touts les maux.
- La crise alimentaire est toujours là répond un responsable de la FAO. Oublions la finance et occupons nous du milliard de personnes qui ont faim. Il est vrai que la monnaie est le « sang des peuples ». Une mauvaise monnaie signifie des situations tragiques. Bien d’accord. Mais on attend la « seule mesure ».
- Réduire le marché à sa réalité d’outil dit un président de groupe de conseils. Le genre même de propos qui en eux-mêmes ne veulent rien dire. Surtout quand on ajoute qu’il faut « remettre en route l’histoire ». Blablabla !
- Patrick Pelata, de Renault, signale que le goût de l’argent frais n’était pas dans la culture de son entreprise. Vive le cash et le dynamisme. Tout cela ne nous éclaire pas vraiment. Mais ne fait de mal à personne.
- Thomas Philippon, lauréat du prix du meilleur jeune économiste 2009, indique qu’il faut démocratiser la finance. Après avoir affirmé, fort justement, que les mastodontes bancaires bénéficient d’une impunité de fait qui n’a fait que se renforcer, il indique qu’il faut mettre fin à cela mais pas un mot sur la méthode et aucune indication de moyens.
- Daniel Cohn Bendit veut sortir du cycle croissance, crédit, endettement. Il reprend en si bémol majeur la thèse altermondialiste comme quoi le crédit à besoin de la croissance et que l’endettement nous mène à la catastrophe. Il n’ose pas dire qu’il faut entrer dans la décroissance (il perdrait tout crédit politique avant les municipales) et se contente de phrases type de la langue de bois gauchiste : mutation profonde de nos modes de vie. Déjà en 68 il était contre la société de consommation et effectivement les dix ans suivants avaient été très difficile pour le pouvoir d’achat. Ce qui est bizarre c’est qu’il demande de sortir d’un « système irrationnel » alors même qu’il va dans le sens demandé !
- Jean Claude Trichet dit une chose importante : le monde ne peut échapper à des réformes profondes. L’ennui c’est qu’il ne dit pas lesquelles. Un point intéressant : qui vise-t-il en affirmant qu’il ne faudra tenir compte « d’aucun privilège » ? Le Dollar ?
- Vincent Peillon va chercher Jaurès, Marx et Debord. On est sauvé.
- Jean Arthuis appelle à l’usage d’une prime d’assurance pour les banques. Que sont les CDS sinon des primes d’assurances souscrites par les banques ? On a vu que la prime d’assurance n’a de sens que si l’endettement n’est pas tel que même AIG ne peut pas fournir la garantie.
- Oxfam rappelle comme la FAO qu’il faut agir sur les causes des injustices mondiales. C’est bien. L’ennui c’est que tout le monde croyait que la croissance élevée des pays pauvres des années 2005-2007 était excellentes à cette fin. Et krach ! Les bons sentiments ne suffisent pas.
- Une femme (enfin !), la présidente du fonds d’investissement AXA, pense qu’on a transformé des risques visibles en risques invisibles. Qui « on » ? AXA fut une des sociétés d’assurances les plus engagées dans le prêt de titres aux spéculateurs, l’assurance des crédits et l’intégration des subprimes dans les portefeuilles des épargnants. Un mot de regret ? Non : le coupable c’est la titrisation. Comme c’est facile !
Pour l’essentiel on voit que les réponses ne sont qu’un tissu de banalités colorées par le camp politique pour les politiciens ou par la prudence consensuelle pour les autres. Aucun intérêt !
2. Le journal s’honore aussi d’un article du à un économiste italien pêché on ne sait où (un certain Tito Boeri) qui va débiter toutes les sottises habituelles avec une bonne inconscience béate qui fait mal à lire.
- « La crise était imprévisible ». Bienvenu au Club aux milles membres de la corporation des économistes qui n’ayant rien prévu considèrent que c’est absolument normal et ne doit pas leur être compté à charge ni les empêcher de pérorer.
- « Les économistes n’ont pas réalisé que les risques se concentraient au sein de quelques géants financiers ». Ici, on cumule deux erreurs : c’est l’endettement global, très facile à voir qui était le problème ; il a été permis notamment parce qu’on a diffusé le risque un peu partout entre banques et hors des banques !
- « Les économistes n’ont pas pris la peine d’étudier les produits financiers innovants et les financiers n’ont pas considéré les risques macro-économiques de leurs produits ». Cela fait des lustres que le secteur bancaire et financier est une sorte de trou noir de la science économique, c’est vrai. Mais il n’y avait pas besoin de connaître intimement le domaine des subprimes pour prévoir la crise : il suffisait de regarder l’évolution de l’endettement global et des déséquilibres de balances de paiement. Et certains économistes de banque ont fait la théorie des produits dérivés (en France celui de Natixis, n’insistons pas !) aux Etats unis ceux de la FED : ils n’y voyaient que des avantages ; Seule la BRI a sonné l’alerte. Il suffisait d’écouter. Même en Italie c’était possible.
- « Les économistes doivent retourner au livre et garder le silence ». Comme cela ils cesseront de se disperser sur le net ou dans des articles de commentaires de journaux. On veut bien pour Krugman ou Stiglitz qui se contentent de prendre des postures et soignent leur image. Sinon quel monde de taiseux que les économistes ! Nous le répétons souvent : ils n’aident pas beaucoup les journalistes et se contentent de gérer prudemment leur carrière en ne disant rien ou si peu. Et en ne prenant aucun risque. Il vaudrait mieux que certains économistes en poste lisent un peu plus les analyses du WEB. Les nôtres bien sûr mais tant d’autres qui donnent une information bien mieux documentée et analysée que la presse quotidienne.
Récemment un journaliste disait fort justement que le rôle de la presse n’était plus l’expertise car l’expertise était sur le WEB pas dans les journaux. Le rôle de la presse est (après la survie et la captation par un moyen ou un autre de l’intérêt de lecteurs prêts à payer) de mettre en valeur les expertises éventuellement en les mettant en concurrence. C’était très bien vu. Mais ce n’est pas ce qui est fait : la presse aussi cherche la tranquillité. Aucun article envoyé entre décembre 2006 et juillet 2008 annonçant la crise n’a jamais été retenu.
Au total ce « point de vue » cumule toutes les erreurs et les sottises possibles. Un vrai aimant à erreurs et raisonnements vaseux. L’Italie aurait surement mieux à nous proposer que ce tissu d’inepties.
Lire la presse reste une épreuve dans le domaine de l’économie. En dépit de l’indigence souvent marquée de beaucoup d’économistes détenant des postes officiels dans l’enseignement et le conseil aux dirigeants publics ou privés, les responsables de la presse ont les moyens de faire mieux notamment en allant chercher des analyses qui, tout en restant fortement articulées et raisonnées, n’entrent pas dans le train-train des sénateurs de l’information économique plan plan.
Sylvain Dieudonné
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Article publié le 15 Octobre 2008
Par Brice Pedroletti
Source : LE MONDE
Taille de l'article : 677 mots
Extrait :
Chute des prix, importants rabais, baisse des transactions, abandon de nouveaux projets le secteur du logement est en crise. Connus en Chine comme les mois « d'or » et « d'argent » pour le secteur immobilier, septembre et octobre font défaut cette année selon Huang, 33 ans, directeur à Pékin d'une agence de la chaîne WoAïWoJia (qui signifie « j'aime ma maison ») : « Ça va mal, très mal ! On n'a même pas réalisé le tiers du chiffre d'affaires de 2007. On n'a vendu que deux appartements en octobre. On ne sait pas où se cachent les clients », assure-t-il au téléphone.
cela veut dire que dès août septembre en Chine l'immobilier était déjà au point mort. Lehman n'était pas encore en faillite. Et il ne s'agissait pas du marché subprimes aux Etats Unis ! Un petit fait comme cela en dit souvent plus que les commentaires.
DD