La crise financière de 33 avant JC

Nous ne résistons pas à l'envie de donner le texte de tacite racontant la crise financière de 33 avant JC.

Toute ressemblance avec la situation actuelle ne saurait être que fortuite. Mais tout de même.

 

"Cependant, un grand nombre d'accusateurs se déchaînèrent sur les gens qui accroissaient leur fortune par le prêt à intérêt, contrairement à une loi du dictateur César fixant les limites des créances et des propriétés en Italie, une loi qui, depuis longtemps, n'était plus respectée parce que l'on fait passer l'intérêt privé avant le bien public. L'usure fut de tout temps le fléau de cette ville, et une cause sans cesse renaissante de discordes et de séditions. Aussi, même dans des siècles où les mœurs étaient moins corrompues, on s'occupa de la combattre. D'abord, en effet, les Douze Tables avaient interdit d'exiger un intérêt supérieur à un douzième*, qui, auparavant, n'avait de bornes que la cupidité des riches ; puis, sur une proposition de loi déposée par les tribuns, on le réduisit à un demi-douzième ; finalement, les emprunts à intérêt furent interdits. De nombreux plébiscites tentèrent d'empêcher les infractions qui, tant de fois réprimées, se reproduisaient avec une merveilleuse adresse. Le préteur Gracchus, devant qui se faisaient les poursuites dont nous parlons ici, fut effrayé du grand nombre des accusés et consulta le sénat. Les sénateurs alarmés (car pas un ne se sentait irréprochable) demandèrent grâce au prince. Leur prière fut entendue, et dix-huit mois furent donnés à chacun pour régler ses affaires domestiques comme la loi l'exigeait.

"D'où pénurie de numéraire, du fait que toutes les créances furent mobilisées à la fois et parce que, en raison du grand nombre de condamnés et de la vente de leurs biens, l'argent monnayé était accumulé par le fisc ou le trésor public**. En outre, le sénat avait prescrit que chacun investît les deux tiers de l'argent, jusque-là placé à intérêt, en terres situées en Italie. Mais les créanciers réclamaient la totalité de ce qui leur était dû et il n'eût pas été honorable, de la part des débiteurs, de ne pas tenir leurs engagements. En vain ils courent, ils sollicitent ; le tribunal du préteur retentit bientôt de demandes. Les ventes et les achats, où l'on avait cru trouver un remède, augmentèrent le mal parce que les créanciers avaient employé tout leur argent à acheter des terres. L'abondance des biens à vendre ayant entraîné une baisse des prix, plus on était endetté plus on avait de mal à trouver acheteur et bien des gens voyaient leur fortune s'effondrer ; la ruine du patrimoine entraînait l'écroulement de la situation sociale et de la réputation, jusqu'au jour où Tibère mit à la disposition des banques une somme de cent millions de sesterces, avec la faculté de prêter sans intérêt pendant trois ans, si le débiteur fournissait à l'État en bien-fonds une caution du double. Ainsi le crédit se trouva rétabli et peu à peu il y eut même des particuliers pour prêter."
 
* Un douzième par mois, soit 100 % par an !
** Le produit de la vente des biens confisqués aux condamnés pour crime de lèse-majesté, principalement, était versé, après déduction de la récompense légale pour l'accusateur, soit au trésor particulier de l'empereur (fiscus), soit au trésor géré par le sénat (aerarium).
Tacite, Annales. Chapitre VI. XVI - XVII. Coll. Folio

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