Taxons ! Taxons encore ! Taxons toujours !
Nous voici donc avec la perspective d’une taxe nouvelle : la taxe sur les transactions financières.
A voir Nicolas Sarkozy hier soir, il était content. Il était content parce que la taxe carbone s’était imposée en France et que peut être on pourrait l’imposer aux frontières. Il était content parce que la taxe sur les transactions financières était désormais acquise à l’échelon international. Il était content parce que les deux taxes permettront de réduire l’endettement des Etats (voici donc la fameuse voie de sortie de l’endettement). Il était aussi content parce que les indemnités des accidents du travail allaient être supprimées. Une mesure de simple justice a-t-il affirmé. M. Nicolas Sarkozy nage dans le bonheur quand il nage dans les taxes.
Devons-nous partager ce bonheur ?
L’Etat français dépense plus que la valeur ajoutée des entreprises qui sont sous sa coupe. Prendrait-il toute la valeur ajoutée qu’il ne financerait toujours pas ses dépenses ! La crise financière et les moyens beaucoup trop couteux qui ont été mi en place pour y faire face ont aggravé la situation dans des proportions qui désormais semblent échapper à tout contrôle.
On nage dans les paradoxes.
On signale qu’il faut réduire le « mille feuilles » administratif qu’est la France avec ses étages multiples et redondants. Et on ne cesse de multiplier les étages à l’extérieur de la France. Déjà par la voix de Lamy, entre autres, on réclame une hausse rapide et massive des ressources propres de l’Union européenne. Avec Chirac on avait eu la taxe sur les voyages en avion. Maintenant voici la taxe sur les mouvements financiers vers l’étranger.
Remarquons que cette taxe n’aurait eu exactement aucun effet sur les subprimes et leur commerce. Ces opérations de titrisation n’ont donné lieu à aucuns allers et retours spéculatifs. Les titres ont simplement été diffusés et ils l’auraient été même avec une taxe sur les transactions financières de 0.05%.
La taxe Tobin est une technique radicale pour pallier aux inconvénients d’un système monétaire de change flottant. Et comme le dit Nicolas Sarkozy lui-même le G.20 de Pittsburg ne s’est pas occupé de monnaie ! En même temps qu’on s’agitait contre les « boni », on a détourné une technique monétaire pour régler des problèmes de « morale » financière. Ou alors on a rien compris.
Bientôt on nous expliquera qu’il faut une taxe sur les opérations financières intérieures. Si la spéculation est mauvaise entre pays elle l’est sûrement tout autant au sein d’un même bloc monétaire !
Faute de réfléchir à une organisation correcte du monde monétaire international, on développe en toute bonne conscience des politiques entièrement malthusiennes et qui portent atteinte aux libertés.
L’impôt sur les transactions financières pose un principe fiscal nouveau : vous n’êtes pas taxé sur votre revenu, ni sur votre capital, mais sur le déplacement de votre capital.
Les migrants qui renvoient de l’argent chez eux : taxé. Motif : a déplacé une partie de son patrimoine. Les résidents français qui travaillent en Suisse et reçoivent leur salaire en France : taxés. Rien que cela est une source d’inégalité devant l’impôt car ils paieront plus d’impôts sans que cette augmentation ait une cause réelle et sérieuse. Le retraité qui a choisi de s’installer loin de sa zone monétaire va être taxé pour récupérer sa rente. Retaxé quand il va faire son chèque aux impôts ou s’il paie une pension à son ex, s’il est divorcé. Retaxé s’il replace cet argent hors de son pays d’adoption. Retaxé quand, mort, son avoir sera rapatrié dans le pays de résidence de ses ayant- droits. A quel titre ? Selon quelle justification morale ? Pourquoi une telle différence avec quelqu’un qui serait resté peinard dans son pays de naissance ? L’arbitraire est total. L’iniquité évidente.
Le tourisme va être taxé. L’ensemble du commerce international va être taxé. Vous avez acheté à l’étranger : taxe. Vous êtes remboursés à la suite d’une erreur de livraison : retaxe.
On dira : c’est une toute petite taxe. Ce qu’on cherche à pénaliser c’est la spéculation. Oui, mais faute d’un vrai ciblage on taxe tout le monde, y compris les échanges de biens et de services réels.
Et comment cibler la spéculation ? Comme nous l’avons déjà écrit ici, un entrepreneur qui anticipe l’évolution d’un marché spécule. Il va peut-être rechercher de l’argent sur un marché X pour investir dans un marché Y. Deux taxes sur les transactions financières. Et s’il rapatrie son profit, encore une taxe. Et s’il rembourse ses emprunts encore une taxe. Et s’il place l’épargne qu’il a réussi à conserver dans un pays étranger encore une taxe. Et le rendement de son placement sera encore taxé quand il le rapatriera. Et si finalement, il dépense son épargne en achetant des produits qui ont transité internationalement, encore une taxe. Toutes ces taxes sont cumulatives.
Que veut-on ? Qu’il se contente de faire des transactions réelles et financières dans sa zone monétaire ? C’est aller complètement à l’envers de l’histoire et des nécessités.
L’arbitrage entre places financières est certainement une tâche dont l’intérêt peut se discuter. Mais pourquoi devrait-on interdire qu’une différence de cours entre marchés soit gommée par une opération financière ? L’or en dollar à New York est moins cher que l’or en Euro à Paris compte tenu du change en cours. Pourquoi vous interdire d’acheter là où c’est peu cher pour vendre là où c’est cher ? L’opération est-elle malsaine ? Assurer l’homogénéité des marchés est-il un crime ? C’est une spéculation mais elle est relativement sans danger. Sauf peut être si le cours des devises est très fluctuant. Mais qui a voulu un système de changes flottants ?
Ne serait-il pas plus sage de d’abord s’assurer que les devises ne flottent pas ? Car alors l’arbitrage devient pratiquement routinier et sans danger. Et s’il est sans danger, pourquoi le taxer spécifiquement plus que toute autre transaction commerciale ?
Une fois que la taxe sera instituée, elle sera pérennisée. Plus question de revenir en arrière. Surtout si elle finance des bureaucraties internationales et si on a fait des réformes qui rendent sans objet la taxe elle sera toujours maintenue. C’est une règle qui ne souffre d’aucune exception.
Une fois qu’elle sera instituée, elle sera aggravée, car on n’a jamais vu une taxe qui ne soit pas régulièrement augmentée pour faire face à la rapacité des prédateurs publics.
Résumons-nous : partout on nous affirme que les subprimes sont la cause de la crise. Et en permanence on prend des mesures qui n’ont strictement rien à voir avec les subprimes ! Les hedge funds ? Pas dans le coup. Le bonus des traders des salles de marché ? Pas dans le coup des subprimes. L’arbitrage international ? Rien à voir avec les subprimes. Le secret bancaire ? Rien à voir avec les subprimes.
Une taxe sur les transactions financières aurait elle eu un impact sur les subprimes ? Pas le moins du monde.
Nous voici donc dans une rafale de décisions qui n’ont exactement aucun rapport avec ce qu’on nous dit être la cause de la crise. Comprendra qui voudra !
Mais toutes ces mesures mettent en cause les libertés. Et le principe d’une taxe sur le simple déplacement de son épargne est en lui-même totalement absurde. Et le principe d’une taxation financière sur le déplacement de l’image financière d’une transaction réelle, qui est déjà taxée, est totalement abusif.
De Juncker avait expliqué il y a un an qu’il ne fallait pas que la crise serve uniquement à régler par la bande des réclamations qui n’ont strictement aucun rapport avec elle. C’est exactement ce que l’on a fait !
Erreur de diagnostic, si celui qui est affiché est bien celui auquel on croit, car sinon ce serait simplement mensonge. Mesures sans rapport avec le diagnostic. Freinage et malthusianisme. Dépenses étatiques gargantuesques là où des mesures ad hoc auraient pu être infiniment moins couteuses. Création monétaire quasiment illimitée dont on ne sait plus comment se débarrasser et qui menace à nouveau tout l’édifice.
Irresponsabilité générale : car les vraies causes, celles qui expliquent les déficits astronomiques américains et les excédents correspondant en Chine ou au Japon, ne sont pas traitées.
Avec la taxe carbone aux frontières, si elle est admise, on entrera dans une phase nouvelle de restriction aux échanges et de protectionnisme. Sans avoir touché le moins du monde au dumping monétaire du principal pollueur industriel, la Chine.
Tout le cela est simplement grotesque. Surtout quand on sait que la réforme en temps voulu du tragique système monétaire international basé sur des changes flottants aurait suffi à prévenir la crise qui nous ruine et à éviter pratiquement toutes les mesures coercitives et anti économiques qui sont en train de se mettre en place.
L’étude de la crise de 1929 montre une espèce de folie générale où les erreurs se cumulent aux erreurs : pas de diagnostic, alors on tape au hasard et on finit par aggraver tout. Nous sommes exactement dans la même géhenne intellectuelle et politique.
On taxe ; on empêche ; on déstabilise ; on freine ; on appuie en même temps sur le frein et l’accélérateur ; les décisions prises n’ont pas de cohérence ; le non dit l’emporte sur le discours public ; l’agitation l’emporte sur l’action ; la communication l’emporte sur l’information. On taxe.
Il n’y a pas besoin d’être intelligent pour taxer. Il suffit d’un prétexte.
Et on reste à la merci d’un accident monétaire qui mettrait à bas tout l’édifice cette fois ci sans aucun moyen de relance !
Sylvain Dieudonné pour le Cercle des économistes E-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Je reste fasciné par la prescience de vos articles. Une fois de plus je remarque la date de cet article : deux ans déjà !
La taxe carbone a été abandonnée. Mais la taxe sur les transactions financières est encore agitée par N. Sarkozy.
L'incident monétaire est arrivé : c'est la crise de l'Euro et la peur de l'éclatement qui depuis un an et demi fait tout éclater.
Et tout le monde découvre avec deux ans de retard que les états n'ont en effet plus de ressources pour faire face.
Il faut que vous publiez Messieurs. Rien qu'avec la répétition de vos bonnes prévisions la cohérence de votre discours est devenue inattaquable.