Le cycle immobilier dans le cycle général : une force fondamentale.

Nous sommes, au cercle des économistes e-toile, favorables à l'idée que les cycles existent et que leur observation est critique pour une bonne administration des affaires du monde. 

Depuis les années 70 les théories du cycle ont été pratiquement abandonnées. Puisque Keynes avait donné la solution pour éviter les récessions, l'idée s'est installée que les crises résiduelles étaient toujours dues  à des chocs externes.

C'est ainsi que la crise de 1974 est devenue la crise du pétrole, celle de 92 la crise de la guerre en Irak, celle du début des années 2000 la conséquences des attentats contre les tours jumelles de New York etc.  

La réalité est toute autre. La simple observation montre qu'il existe depuis au moins deux cent ans un cycle des affaires de 8-10 ans, avec une récession plus grave tous les 18-20 ans, une crise grave succédant à une récession molle.

Pour s'en tenir aux dernières décennies :

1973-1974    : crise grave

1982-1983    : crise molle

1992-1993    : crise grave

2000-2002    : crise molle

2008-2010    : crise grave.

On se souvient que ce schéma avait été nié par le FMI (Kenneth Rogoff) qui avait décrété à la fin des années 90 que les crises économiques étaient de plus en plus faibles, stimulant l'idée qui s'était répandue comme une trainée de poudre que nos économies ne risquaient plus les cycles et qu'une croissance permanente était à venir. On voit ce qu'il en est.

Le caractère cyclique de l'activité permet d'anticiper les récessions sans avoir à entrer dans les détails techniques. Les signes avant coureur sont faciles à percevoir. Nous n'avons eu aucun mérite à annoncer dès la fin 2006 que la bascule de coinjoncture aurait lieu en 2008 avec un pic de la récession en 2009-2010 et qu'elle serait sévère.

Les économistes qui expliquent qu'ils ne pouvaient pas savoir ce qui se tramait au sein même des banques et du système financier et s'exonèrent ainsi de leur inconscience de la crise montante sont des nigauds.La crise actuelle n'est pas fondamentalement un crise des comportements bancaires. C'est une phase classique du cycle décennal, dans sa version dure, mais aggravée par des défauts structuraux du système monétaire international et des réactions inappropriées des banques centrales, notamment de la FED.

L'avantage de la crise est qu'elle stimule à nouveau les réflexions sur le cycle. Nous signalons ici une étude récente qui recoupe parfaitement nos propres analyses.  Rappelons qu'une des explications de la sur-gravité du cycle tous les deux crises que nous avons donnée depuis que nous écrivons publiquement sur ce sujet (1997) est le cycle du bâtiment (ou de l'immobilier comme on voudra). 

1974 marque un coup d'arrêt brutal du marché immobilier : pour la, première fois les gens s'interrogent sur la possibilité d'une baisse prolongée des prix, inconcevable jusque là depuis la guerre. 1992 est principalement une crise de l'immobilier d'entreprise qui était devenu totalement fou. Sur la fin on achetait un immeuble le matin pour le revendre avec plus value le soir même ! La crise actuelle a une dimension immobilière évidente.

L'article de Fred E. Foldvary, The Business Cycle: A Geo-Austrian synthesis,http://www.foldvary.net/works/geoaus.html, donnera à ceux que cela intéresse un coup de projecteur intéressant sur cette question. On y trouve une description très précise du cycle de 18 ans (deux fois le cycle de 8-10 ans) qui caractérise bien ce qui se passe depuis deux cent ans dans le domaine de la construction. L'expression "quand le bâtiment va tout va" n'est pas née par hasard.

Ce cycle peut être contrarié ou aggravé par les politiques gouvernementales ou celles des banques centrales. L'école autrichienne depuis les années 20 et la grande inflation, est particulièrement sensible aux défaillances des banques centrales.  D'autres pourront mettre l'accent sur les débordements des gouvernements : les subprimes sont d'essence politique !

Mais il est là, le cycle immobilier. Fondamentalement.

Il faut éviter naturellement d'en conclure que les politiques n'ont pas d'importance et que les institutions économiques sont indifférentes. Les erreurs de politique économique sont fréquentes et certaines institutions sont dramatiques. L'organisation soviétique de l'agriculture ou les changes flottants sont des exemples typiques d'institutions qui ne marchent pas et ne marcheront jamais !

C'est bien le rôle des économistes de partir des faits et d'en tenir compte. Oui ils ont bien vocation à prévenir des risques de récession. Oui ils ont bien à dénoncer les politiques dangereuses. Oui ils ont bien à éclairer l'opinion sur le danger de certaines institutions créées par idéologie ou par ignorance et qui ont une influence néfaste.

Nous croyons être dans notre rôle en attirant l'attention constamment sur la réalité du cycle et sur la nécessité d'accepter cette réalité et d'en tenir compte. Chacun voit que l'on ne le fait pas et qu'on se contente de la recherche de boucs émissaires faciles dans un débordement de moraline tapageuse.

Nous croyons être dans notre rôle en avertissant les Français que "l'énarchie compassionnelle" qui nous gouverne depuis 1974 a étouffé le pays par le niveau de ses dépenses publiques et de ses impôts.  Chacun voit que le "vive l'impôt" reste le mot d'ordre à gauche et "vive les taxes" le mot d'ordre à droite.Alors que la dépense publique dépasse la valeur ajoutée des entreprises et que même en prenant tout le revenu des Français on n'arriverait pas à payer nos dépenses et à rembourser nos dettes !

Nous croyons être dans notre rôle en condamnant inlassablement  le non-système que sont les changes flottants, une aberration qui a coûté des points de croissance pendant quarante ans et nous a fait passé des trente glorieuses à on ne sait trop quoi.

De meilleures politiques et de meilleures institutions n'empêcheront pas les forces souterraines à la base des cycles de s'exercer. L'intelligence est de s'adapter et d'en limiter les effets néfastes.  Et de faire en sorte qu'on n'aboutisse pas  à 1929 ni à...2010.

Nous sommes ou inconscients ou outrecuidants mais nous croyons que c'est possible.

 

Didier Dufau pour le Cerle des économistes e-toile.

Commentaire
adi's Gravatar 1973: forte hausse des prix du pétrole.
1975: récession économique.
1979: 2ème révolution en Iran, donc 2ème choc pétrolier.
1981-1982: récession économique.
1986: contre choc pétrolier.(redéfinition des quotas, quelle chance pour mentir sur ses réserves!!)
Fin des années 1980: forte croissance.
1991: fin de l'URSS, très gros producteur, panique sur les marchés, hausse du brut de 10$.
1993: récession économique.
fin des années 1990:baisse du prix du pétrole et forte croissance économique par la suite.Je salue les 35 heures que je défendrai toute ma vie et même les 30 heures (les gains de productivité ça se partagent mais quand on parle de partage c'est qu'on est forcément pour la récession!) mais la forte croissance de ces années 2000 n'a rien avoir avec ça.
A partir de 2005/2006: hausse continue du baril.
2007/2008: récession économique.
Je préfère 100000 fois plus ce cycle.
Je considère que nous avons acquis beaucoup d'expérience en matière monétaire pour régler les petites crises liées à la finance. Merci 1929.
L'énergie, et le pétrole, n'est rien d'autre qu'un substitut très efficace au travail humain. Je dirai même qu'elle a remplacé nos bons vieux esclaves. Avons nous grandi dans notre façon d'agir ou bien l'abolition de l'esclavage résulte-il de l'évolution des techniques avec la maîtrise de l'énergie?
Donc quand le coût de l'énergie augmente au final c'est le coût du travail qui augmente. Or aujourd'hui nous sommes tous des entrepreneurs (rythme de vie intense) qui possédons énormément d'esclaves. Si leur coût augmente de façon rapide et imprévisible que peut-il bien se passé?
J'y réfléchit!
# Posté par adi | 03/02/10 10:53
SD's Gravatar @ ADI

Il n'y a pas de cycle autonome du pétrole. La consommation d'énergie suit naturellement la courbe de la production et de la consommation. Elle est donc corrélée mais non explicative contrairement au cycle du bâtiment qui lui suit une courbe personnelle pratiquement immuable.

La crise du pétrole de 74 est avant tout une crise du dollar : la baisse du dollar (il descend à 3.75 F) après son décrochage de l'or laisse les producteurs fort mécontents ; la guerre israélienne leur donne l'occasion d'essayer de refaire le terrain perdu. La crise du dollar provient elle même du passage aux changes flottants et du retournement du cycle de 8-10 ans aggravés par le retournement du cycle du bâtiment.

De même la crise de 93 n'a rien à voir avec le pétrole bien que la guerre en Irak ait entraîné diverses paniques. Elle commence aux Etats Unis en 91 où elle sera de moyenne importance puis atteint la Grande Bretagne avec une terrible violence en 92 ; la France s'arrête en 93. Les changes flottants et le système de la double pyramide de crédits ont entraîné une spirale de déficits et d'argent facile encore aggravée par la politique de la FED après l'incident boursier de 89 (la crise dite des ordinateurs). La spéculation est au plus haut sur l'immobilier d'entreprise dont la bulle en explosant va faire imploser les banques qui alimentent la spéculation. Rien à voir avec le pétrole.

S'il est vrai que l'attitude des producteurs de pétrole et les spéculations financières sur le pétrole peuvent avoir des conséquences macroéconomiques, le marché du pétrole et ses évolution n'a pas d'effet marqué sur le cycle, cycle qui existait...avant qu'on utilise le pétrole.

En revanche d'accord sur le fait que nous vivons dans une économie basée sur la disponibilité d'une énergie bon marché. Son renchérissement toucherait le trend pas le cycle.

Sylvain
# Posté par SD | 03/02/10 22:44
adi's Gravatar Le PROBLEME vient-il de l'énergie, des changes flottants, de la finance, des 35 heures.....
Il suffit d'attendre et voir qui aura raison.
Nous serons tous fixé dans la décennie!
# Posté par adi | 04/02/10 11:15
adi's Gravatar Bien attendu le mot pétrole est un raccourci pour désigner l'ensemble de l'énergie et aussi l'organisation du commerce international.
# Posté par adi | 04/02/10 11:20
DD's Gravatar Pou raisonner en économie il faut prendre un fil et le tirer pour voir où il mène.

Les 35 heures sont une affaire purement française qui ne joue en rien sur la conjoncture mondiale. Appliquée dans ses dispositions les plus favorables au plus haut de la conjoncture internationale, alors que partout l'emploi grimpait à toute vitesse, la mesure a un peu accéléré le mouvement mais le gros des contraintes légales a été planifié pour 2000 et les années suivantes, alors que la conjoncture s'est retournée. Le résultat : un chômage structurel et une quasi stagnation pendant ce qui aurait du être la phase haute de l'emploi entre 2005 et 2008. L'extension au secteur public a désorganisé les hôpitaux, creusé les déficits, alors que les avantages fiscaux accordés, très forts, (le dégrèvement partiel des charges sociales sur les emplois au SMIC, est une mesure au coût exorbitant) ont été transférés directement sur la dette. La réduction de la dette va nécessairement peser longtemps sur l'emploi.

Les 35 heures imposées autoritairement d'en haut ont donc été une sinistre erreur entièrement prévisible et d'ailleurs parfaitement prévue. On ne sait pas répartir le travail. Alfred Sauvy l'a magistralement démontré il y a déjà plusieurs décennies avec son analogie du doigt de gant : lorsqu'on rétrécit un doigt on rétrécit tout le gant. Si on aggrave un goulot d'étranglement par une mesure malthusienne c'est l'ensemble de l'économie qui freine. Le travail de qualité est rare. L'offre de travailleurs est toujours décalée qualitativement par rapport aux besoins. Quand on réduit une ressource rare par une mesure globale on freine l'ensemble du système.

Les grandes entreprises ont bénéficié d'un effet d'aubaine entre 97 et 99 et ont commencé à démanteler leur structure de production à partir de 2001, en ne gardant en France que les activités très rentables. Comme le gouvernement Jospin a rendu très coûteux ce démantèlement, elles l'ont fait sans esprit de retour. Ce qui explique que la reprise de l'emploi a été si faible et avec une si faible hausse des rémunérations à partir de 2005.

Comme les contraintes pèsent toujours faute d'avoir eu le courage de vraiment démanteler l'étau des trente cinq heures et du blocages des licenciements collectifs par des procédures totalement folles, l'emploi qui se perd actuellement le sera pour toujours.

Et l'endettement reste toujours aggravé par les diverses exonérations accordées à la fin des années 90. Le piège se referme totalement maintenant.

L'indicateur parfait de ce désastre est l'évolution de l'investissement. On investit peu en France depuis 1974 et presque plus depuis 1993. La hausse continue des prélèvements de Giscard à Chirac a asséché l'argent disponible pour le commerce et l'industrie. Le LBO a été la voie choisie pour faire des affaires...plombées à la base par des emprunts dangereux remboursés sur la bête.

La dépense publique dépasse aujourd'hui la valeur ajoutée du secteur privée toute branche confondue.

L'envie d'investir dans un pays où on travaille peu, où les licenciements sont si difficiles et toujours contentieux, se concentre et ne permet plus de créer le nombre d'emplois nécessaire pour occuper tous les Français.

On a cru que le papy boom libérerait des postes plus vite que la déconstruction économique du pays. Raté. Il n'a fait que creuser les déficits un peu plus.

Le malthusianisme est une peste. Nous nous sommes roulés la dedans avec délectation. On y ajoute maintenant le malthusianisme écologique (de droite avant guerre, de gauche aujourd'hui).

Le résultat prévisible est effroyable. Comme la natalité a été exceptionnellement bonne (on a au moins évité le malthusianisme démographique) pour diverses raisons, la hausse de la population a masqué le fait central : le revenu par tête a baissé dans des secteurs entiers de l'économie en même temps qu'explosaient les emplois précaires et bizarres (stages etc.) et que près de 1.500.000 personnes s'installaient dans des vies entièrement assistées en se contentant de ce qu'on leur donnait.

Non, décidément non, on ne peut pas glorifier les 35 heures. Comme le diabète, cela ne tue pas tout de suite mais cela aggrave tout et à la fin des fins il y a des amputations.

Ce qu'on va surtout voir dans les années qui viennent ce sont les amputations !

Ne mettons pas sur le même plan les défectuosités du système mondial des changes flottants, la question des approvisionnements en énergie fossile, et les 35 heures nationales.

Même si la France s' est mise en situation d'être particulièrement touchée par les difficultés dans ces trois domaines.
Le Français est né malin. Tout le monde sait cela.

DD
# Posté par DD | 04/02/10 21:59
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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