Jean Claude Trichet, prisonnier d'un système et des traités.

Il fallait bien qu'il sorte du silence et se présente devant les foules apeurées : la spéculation attaquait la Grèce donc l'Euro. L'Euro, c'est lui, Jean Claude Trichet, l'homme qui a reçu le prix "de la carpette anglaise" pour s'être présenté comme n'étant pas français lors de son intronisation à la tête de la BCE. Cette fois il lui  fallait affirmer qu'il n'était pas grec non plus.

L'interview sera exactement la même que les précédentes. Tout alla bien jusqu'au question sur les devises et les cours de change. On vit alors le dos se vouter un peu, les yeux se rapprocher, les mains se joindre, la bouche devenir un peu torve. On imagina que les fesses se serraient aussi. Il fallait y aller : il y alla.

Il asséna avec énergie que M. Geithner avait affirmé que le dollar devait être une monnaie forte, que cela lui allait très bien et qu'il n'en dirait pas plus. On l'interrogea sous plusieurs angles. Rien n'y fit. Après avoir répété avec force "vous avez entendu ce que j'ai dit, j'ai été très net", il se contenta de ne rien dire du tout, comme d'habitude. Après tout les silences font partie de la musique et sont souvent indiqués sur les partitions. Il y en a plein dans la partition de la BCE, des silences.

Que voudriez-vous qu'il réponde ? La BCE n'a qu'un seul objectif : maintenir la hausse du niveau des prix pas trop loin de 2%. Le reste ? Ce n'est pas son problème. Revoir SVP le traité de Maastricht.  Le traité institutionnalise une vision anglo-saxonne, friedmanienne, de la monnaie.  Les mouvements de capitaux sont libres. Les devises flottent en fonction des pulsions des opérateurs. Les banques centrales, indépendantes des pouvoirs, veillent à maintenir le niveau des prix dans une dérive limitée,  un point c'est tout. Et c'est François Mitterrand, l'homme de la rupture avec le capitalisme, qui a fait voter cela aux Français...


L'Europe comme d'habitude a mis la charrue avant les bœufs et bien sûr, les bœufs marchent sur la charrue et la cabossent. Alors les meilleurs voix, comme celle de M. Balladur dans un grand article, se font entendre pour exiger que ce qui n'avait pas été fait il y a 20 ans doit être fait maintenant.  Il faut former un gouvernement économique européen.


Mais alors, M. Trichet aurait tort ? Il a expliqué dans sa conférence de presse que le gouvernement économique existait : c'était le traité de Maastricht pour la charte et l'Eurogroup pour l'application de la charte.  Il suffisait que l'Eurogroup impose à la Grèce et aux autres le respect des engagements pris par les états pour que tout aille bien.


La politique économique des états repose sur trois pieds : la monnaie, les changes et le budget. Depuis Maastricht, la monnaie est dans la main de la BCE, le budget reste dans celle des états pourvu qu'ils respectent la charte (3% et 60% du PIB pour les déficits publics et l'endettement respectivement). Les changes sont à l'abandon. C'est un terrain vague. Un "res nullius". Une zone de non droit.  


La France vient de perdre un énorme marché : leur projet de centrale nucléaire à Abu Dhabi coûtait 35 milliards de dollars contre 20 pour celui des Coréens. Ces derniers ont profité de la crise pour dévaluer de façon fantastique leur monnaie. Ils n'ont pas considéré que les changes étaient une vache sacrée. Résultats : la perte de dizaines de milliards pour la France. Un exemple parmi mille autres.


La politique doit nécessairement avoir comme objectif principal le plein emploi et la croissance. Chaque état est comptable devant son peuple  de ses résultats sur ces deux sujets majeurs. Faire la leçon à la Grèce ou à la Lettonie ou à l'Islande et leur demander de sombrer dans la déflation, une solution théoriquement efficace mais socialement inacceptable est une erreur majeure.


La première urgence est de revenir à un système où les Etats sont responsables de leurs changes et de leurs balances extérieures. C'est la conditions sine qua non du retour à un minimum de stabilité dans le monde. S'il faut pour cela brider la course folle des capitaux flottants, cela n'a aucune importance.


Pour l'Europe, le seconde urgence est de faire un choix définitif. Si on considère que la BCE gère une monnaie commune alors il faut bien une instance responsable de la prospérité et de l'emploi en Europe qui jouera sur les budgets, les changes et l'inflation pour atteindre ses objectifs principaux. Pourquoi sur les changes s'ils sont fixes ? Parce que les changes doivent être fixes mais ajustables en fonction des nécessités.  Cela a très bien marché pendant les "trente glorieuses". Soit on défait l'Euro et on restaure la souveraineté monétaire de chacune des composantes de l'Euroland. La transition risque d'être catastrophique. Elle le sera tout autant si la spéculation actuelle réussit à casser l'Euro.


En tout état de cause il faut flanquer à la poubelle l'idée que les changes n'ont pas d'importance et que la finance doit être libre dans un système totalement déséquilibré et fou de changes flottants et de spéculation tout azimut.


Si l'Europe renforce son union alors elle doit peser de tout son poids pour une réforme préalable  du système monétaire international. Le levier : un système de taxes qui sanctionnerait les dévaluations génératrices de déséquilibres extérieurs. Jusqu'à ce que tout le monde comprenne qu'il faut en revenir à des échanges internationaux équilibrés et donc à une gestion collective d'un espace de changes fixes mais ajustables.
En revanche faire de la relance de l'Europe fédérale alors que des peuples européens commencent à vomir la potion de la déflation, c'est de la pure folie.


La politique européenne ne peut se dispenser d'avoir une pensée économique et une vision du système international des changes.  Affaiblir le politique sans aucune vision des structures  économiques nécessaire est plus qu'un contresens, c'est une faute.  La pensée doit précéder l'action après avoir féconder les organisations.



Sylvain Dieudonné pour le Cercle des économistes e-toile.

Commentaire
Masson's Gravatar Lorsque Angela Merkel a pris le pouvoir en Allemagne, son pays se portait aussi mal que la France. Elle a pris uneseule mesure de redressement: hausse de 2 points de la TVA. Elle n'appelait pas çà TVA social mais c'était tout comme puisqu'elle a baisser les charges sociales aux entreprises.

Aujourd'hui l'Alle magne se porte bien, La France est de plus en plus malade.

Je préconise un traitement de choc :
passer la TVA à 22% dont 5% serait TVA sociale, passer la TVA à 5.50% à 8%....dont 4% en TVA sociale... MAIS, la partie TVA sociale doit ETRE DEDUCTIBLE des charges URSSAF tranche A.

Déductibilité très importante car le produit français TTC ne change pas,

Conséquence attendues :
- les groupes français freinent leurs délocalisations car s'ils importent ils supportent la hausse de TVA
- les groupes chinois réfléchissent à recréer des usines de montage en France pour avoir des charges sociales
- le prix ht des produits français baisse: on peut espérer un rééquilibre de la la balance export
- les producteurs fruits et légumes français, voiyent freiner la concurrence espagnole et italienne.

Le problème en France c'est qu'à l'ENA on apprend à parler et à être convaincu de ce que l'on dit. On n'apprend pas à écouter.
J'ai rencontrer le préfet de l'Allier pour lui exposer mes arguments, il m'a dit que lui même pensait comme moi,- moi je pense qu'il a du faire l'ENA.

Bernard Masson
# Posté par Masson | 26/05/10 12:07
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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