L'Ipad va-t-il changer le monde ?
Il est rarissime que nous traitions sur ce blog des questions qui relèvent de la micro économie et des productions commerciales. Néanmoins l'énorme campagne publicitaire qui est en cours au tour de l'Ipad, la tablette de la société Apple, l'hypertrophie des qualificatifs qui entourent sa sortie et la prétention affichée par ses évangélistes que l'appareil va changer le monde méritent quelques commentaires.
Il se trouve que nous avons été confronté dans notre vie professionnelle depuis le début des années 80 à la série interrompue des innovations informatiques qui devaient stupéfier le monde et que nous avons vu tous les projets de tablettes...tourner au fiasco général.
La question qui est posée : pourquoi l'Ipad serait-il différent et en quoi ses chances sont-elles réelles ?
le fond de l'affaire est aussi vieux que l'informatique : comment peut-on dialoguer avec la machine sans passer par le clavier ? Dès le début des années 70 et de l'informatique "en temps réel" avec écran et clavier, la question se pose. Les salariés équipés ne veulent pas "être des secrétaires". Sauf les dactylos spécialisées, personne ne sait taper à la machine. On verra même de grands groupes inventer une prime spéciale pour encourager les employés et les cadres à utiliser leur clavier. Lors que l'on passe à l'informatique grand public à la fin des années 70 et surtout au début des années 80 avec le lancement du PC, la question est reposée avec insistance.
On règlera partiellement la question avec les interfaces graphiques ( le Mac puis Windows) mais on rêve d'autre chose. La conduite vocale de l'ordinateur est mythifiée mais ne réussira jamais. Arrive alors les ordinateurs transportables puis portables avec leur caractère nomade. On les appelle Laptop aux Etats Unis parce qu'en effet on ne peut pas les utiliser à deux mains comme un livre : il faut les poser sur les genoux ou sur une table. Déjà on commence à évoquer la possibilité de supprimer le clavier. Les premières "tablettes" informatiques apparaissent à la fin des années 80 (nous avons commercialisé une "plate" de Convergent technologies à cette époque) et l'idée est constamment reprise dans les années 90. Les "flops" se succèdent.
La technologie "touchscreen" redonne du tonus à l'idée, en même temps que le succès des petits appareils genre Palm Pilot anime une nouvelle voie de faire de l'informatique personnelle. Les voies convergent avec l'arrivée du téléphone portable. Il devient terminal internet en même temps que téléphone. Il passe au graphique, utilise les technologies "touchscreen". L'i-pod d'Apple fait époque.
Mais l'écran du téléphone portable est petit. La consultation de page WEB, de photos ou de film n'est pas confortable. La lecture de livres impossible.
Simultanément un autre grand succès transforme le marché des ordinateurs : le petit ordinateur portable ultra léger. Il permet de faire l'essentiel : naviguer sur le Web, gérer ses sites de communications personnelles (Face book, Twitter, Messagerie), stocker images et musiques. D'ores et déjà les promoteurs de concepts ont imaginé qu'il s'agirait d' un e-book : un dispositif permettant de lire des livres de façon interactive. Mais ce n'est pas l'emploi qu'en feront les utilisateurs.
Avec l'i-pad l'idée renait que la fusion entre la filière informatique (devenue légère et court vêtue) et la filière téléphonique (devenue lourdement informatique) va permettre enfin le développement d'un outil révolutionnaire qui va "engendre un nouveau monde".
En fait l'Ipad est un ultraportable sans clavier, donc qui peut se tenir comme un livre.
Assis dans un fauteuil ou demi couché dans son lit, on pourra alors utiliser son appareil comme un livre sans avoir à le poser l'appareil sur les genoux. Conduite au doigt (et peut être plus tard à l'oeil), la machine permettra confortablement de faire tout ce qu'on veut sauf écrire facilement et rapidement ...avec ses doigts.
Comme toujours en matière d'ordinateur, on cherche ce que sera la "killer app" qui lancera la machine, c'est à dire le programme qui par ses spécificités engendrera des emplois inédits clairement appréciés par les consommateurs et qui imposera l'achat du nouveau matériel. C'est rarement celui qu'on a prévu au départ qui s'impose. Quelle sera donc la "killer app" ? Les évangélistes ressortent tout l'argumentaire des machines qui ont connu l'échec précédemment. Les argumentaires sont déjà disponibles et ne demandent que de faibles retouches.
L'Ipad sera le domaine nouveau et exclusif de la lecture intelligente des livres électroniques. Le livre électronique est une merveille : il ne coûte pas cher. Il contient des liens qui permettent des approfondissements faciles. Il est multimédia. On peut inclure non seulement des photos comme dans un livre papier mais aussi des vidéos. Il devient donc confortable d'utiliser un instrument de détente et de savoir d'une richesse inégalable pour un prix très raisonnable. L'Ipad serait une super liseuse. Les humoristes dans des conversations privées évoquent l'avantage de l'Ipad pour l'emploi numéro 1 d'Internet, la consultation enfin confortable de vidéos légères. Les chemins de la culture sont impénétrables...
L'Ipad pourrait aussi être un support privilégié de la "réalité augmentée". On connait le principe : vous passez devant un tableau, un monument, une boutique et aussitôt votre machine vous livre le "push" (l'information complémentaire qui a été rendue disponible à cet endroit). La marche à pied dans un musée ou dans la rue ou au marché pour peu qu'on ait branché son Ipad et mis ses oreillettes deviendra aussitôt une source d'informations locales merveilleusement ciblées. Les plus grisés imaginent les applications les plus étonnantes : à l'église vous auriez immédiatement le dernier sermon prononcé, en plus de l'histoire du lieu ; devant la boulangerie la voie suave de votre conjoint vous rappellerait qu'il faut acheter le pain. A la gare l'application SNCF de billetterie serait aussitôt disponible, évitant la queue aux bornes. Les plus cyniques envisagent la généralisation de la publicité non sollicitée. Le panneau publicitaire traditionnel serait remplacé par des bornes de "push". Vous passez devant la borne et "Dim Dim Dim" ou "on se lève tous pour ..." ou "Du Bo, Du Bon Dubonnet".
L'ennui pour l'Ipad est que la réalité augmentée est aussi vue comme la "Killer app" des nouveaux téléphones terminaux, tout de même plus facile à mettre dans sa poche qu'un Ipad.
Pour assure le succès de l'Ipad il ne faut pas qu'une Killer App. Le succès de l'Ipod a montré qu'il fallait des centaines d'applications plus saugrenues les unes que les autres. On a donc fait en sorte que les applications de l'Ipod soient transportées sur Ipad. Et on cherche à monter des ligues avec des émetteurs d'informations. L'avenir de la presse passerait donc par l'Ipad. Le kiosquier disparaîtrait au profit du journal électronique facile à consulter sur sa tablette avec tous les effets multimédias possibles, l'instantanéité des mises à jours etc. Les éditeurs se demandent s'ils ne vont pas se faire encore plumer par les fournisseurs de tuyaux et de pommes d'arrosage... Ils ont quelques raisons de s'inquiéter.
La difficulté, c'est que tout cela sera disponible sur le téléphone mais aussi sur l'ultraportable.
Alors révolution globale permettant le saut souvent imaginé mais jamais réalisé vers une information individualisée, nomade, communicantes, multimédia, électronique, riche, reléguant le papier et le livre au rang des accessoires ? Ou produit de niche apportant dans certains cas un plus pour certains utilisateurs et certaines utilisations (ce qui serait un "bide" pour les promoteurs de l'Ipad) ?
L'histoire le dira. Nous, nous avons l'impression que le marketing est un peu en avance sur le produit.
A suivre !
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
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