Paul Krugman invente le keynésianisme ascensionnel "no limit"

Personne n'a très bien compris ce qui a valu à Paul Krugman son prix Nobel ou ce qui en tient lieu, faute d'une œuvre théorique particulièrement remarquable.

Les mauvaises langues disent que sa longue critique de George Bush dans le NYT est la seule justification de cette distinction qui parait d'autant plus étrange que, malgré son flot de critiques acerbes,  P. Krugman est de ces experts médiatiques qui n'ont pas vu venir la crise et qui ont le plus grand mal à en faire l'analyse.

Le résultat est une course de rattrapage qui conduit à la surenchère dans le keynésianisme débridé,  désormais vis à vis de l'Administration Obama elle-même (horresco referens !). 

Voici donc que notre auteur compare la situation de 2010 à celle de 1938  et propose pour en sortir qu'on ne refasse pas les erreurs du passé et qu'on n'hésite pas à s'endetter aux hauteurs astronomiques qui permirent de financer la guerre de 40. En temps de paix !

Alors que la situation de l'endettement des Etats-Unis, dont plus personne ne sait dire s'il se situe au dessus de 400% ou de 600% du PIB, est littéralement du jamais vu en temps de paix, il faudrait encore surenchérir.  Finançons par la planche à billets la paix comme nous avons financé la guerre et tout ira mieux. "La crise peut être vaincue", dit notre auteur. Au prix d'un aventurisme qu'il faudrait admirer.

Paul Krugman ne comprend pas ce qui est arrivé au monde en général et aux Etats-Unis en particulier. Il raisonne comme si l'économie avait été soumise à un choc externe si violent (dont on se garde bien de proposer un scénario)  qu'il devait conduire à la dépression et qu'il suffit d'éviter les grandes erreurs de 29 pour conjurer le malheur. 

La Doxa depuis les années 60 est que la crise de 29 en elle même, n'était pas dramatique et qu'il eut suffi de prendre les bonnes décisions pour éviter les tourments de la dépression. Milton Friedman avait pointé les erreurs de la FED qui avait contracté l'offre de monnaie, accélérant le "credit crunch" : depuis Greenspan on lâche les vannes monétaires à tout va à chaque ralentissement. Keynes avait souligné que la trappe monétaire rendait cette politique de toute façon inefficace : l'investissement public devait venir en support de la "demande globale".  

On a donc laissé filer les déficits publics et conçu des "plans de relance".

Divers économistes ont souligné les erreurs du New Deal mais aussi que la récession de 1938 avaient été partiellement provoquée par l'arrêt du soutien de la conjoncture. On entend donc des voix soutenant que les plans de relance seront nécessaires tant que la récession ne sera pas vaincue.

Mais personne n'avait proposé d'entrer en temps de paix  dans une économie de guerre avec ses endettements pharamineux.  

Le gros défaut de bien des économistes universitaires est de toujours lire l'actualité avec l'œil dans le rétroviseur (c'est très rassurant). Bien sûr il faut retenir les leçons de l'histoire.

Mais il faut aussi regarder les réalités du moment.

Nous sommes de facto depuis 1971, de jure depuis 1973, dans un système de changes flottants et d'ouverture totale des mouvements de capitaux à court et à long terme qui est totalement différent de ce qu'on a connu précédemment et qui implique d'une part de comprendre les mécanismes propres de ce système et aussi la manière dont il remet en cause les pratiques et les idées précédentes.

Il n'y a aucune base qui permette de justifier l'efficacité du keynésianisme en système de changes flottants. Au contraire depuis 1974 on sait que cela ne marche pas comme avant. Alors un keynésianisme fou sera-t-il la solution ? Il faudrait au moins entrer dans le détail. Citer la guerre de 40 ne suffit pas.

La crise actuelle est la crise d'un endettement colossal et mondial alimenté par le mécanisme de la double pyramide de crédits et permis par les changes flottants et le rôle du dollar comme monnaie de réserve.

Evoquer la relance massive de l'endettement à des niveaux de guerre sans attaquer au fond les difficultés du système monétaire et ses conséquences est indéfendable.  Quand on n'a rien compris on ne lance pas dans des suggestions folles sur la seule foi d'une comparaison historique biaiseuse.

Car elle est biaiseuse. Si Krugman avait la patience d'étudier les cycles économiques décennaux, il s'apercevrait que la crise de 1938 est mondiale et qu'elle a frappé partout, chacun s'attachant à donner une explication "nationale" parfaitement controuvée. Krugman relève des mesures spécifiquement américaines comme Alfred Sauvy avait pointé du doigts quelques mesures irréfléchies du Front Populaire (et notamment les 40 heures). Les deux visions sont trop courtes.

On ne peut pas comparer la situation de 1938, pratiquement dix ans après le déclenchement de la crise, et celle de 2010, deux ans après le début de la récession. Le tout à 80 ans de distance !

Oublions la théorie économique. Visiblement P. Krugman a voulu encourager Obama à prendre  des mesures fortes de relance. Elles sont certainement nécessaires. Mais elles sont loin d'être suffisantes et P. Krugman commet l'erreur, générale chez les économistes qui tiennent le haut du pavé aux Etats Unis, de ne pas regarder avec assez de précision la question du système monétaire international.

Et il n'est pas sûr qu'il soit très pédagogique de proposer des bonnes mesures avec de mauvaises raisons.   

Lewis Holden pour le Cercle des Economistes E-toile

Commentaire
Alain Prodint's Gravatar Bonjour,

votre présentation des idées de Krugman est honnête et pertinente.

Paul Krugman est un économiste influent de par sa position de chroniqueur dans le New York Times. Il s'est exprimé à plusieurs reprises contre les taux de change fixes (en 1979, au début des années 90...). Il serait bon dans un article de s'attaquer au vif du sujet et de montrer pourquoi ses théories sont incomplètes et bancales. Si Krugman croit encore dans le keynésianisme classique, c'est qu'il n'a pas compris (analysé?!) toute l'étendue dévastatrice des changes flottants.

Bonne continuation!
# Posté par Alain Prodint | 15/09/10 14:30
DD's Gravatar Ce que confirme notre ami Lewis est la perplexité des économistes américains qui sont désormais en panne de diagnostic et de propositions. Rien n'a marché comme ils le pensaient. Certains, comme Krugman, assujettis à une tâche de commentaire régulier dans la presse, partent dans la cinquième dimension. D'autres se taisent.

Bref c'est pas le Pérou ! L'ennui est que le monde entier considère aujourd'hui qu'il n'y a d'économiste sérieux que d'homme passé par un PHd aux States. Exemple : l'Insead dont le prof d'économie a une très belle voix qui lui permet de chanter le répertoire devant les élèves ravis, mais qui véhiculent une espèce de vulgate américano-centrée totalement décalée des faits.

Le décalage commence maintenant à faire tâche et à mettre mal à l'aise les élèves.
# Posté par DD | 17/09/10 09:50
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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