Les échanges commerciaux = un vingtième des mvts financiers internationaux. Et alors ?

Nous sommes de ceux, au Cercle des économistes e-toile,  qui ne chargeons jamais trop la barque des journalistes. Ils ont des obligations : faire vivre le journal ; intéresser le lecteur. L’économie, c’est plutôt lourdingue  et la clientèle  est peu à même de comprendre exactement de quoi on parle sur la majorité des sujets économiques, les questions monétaires  surtout internationales représentant le pire dans ce domaine. Non seulement les lecteurs et les journalistes ont du mal à y comprendre quelque chose mais c’est un des trous noirs de l’enseignement de la science économique.   


Les journalistes font rarement avancer le « schmilblick » mais révèlent des attitudes et en ce sens ils sont irremplaçables.


Prenons l’article de JP Robin dans le Figaro de ce lundi.  Il montre de façon amusante que les chiffres économiques ont remplacé les chiffres astronomiques  pour les exa et les tera. On crée autant d’information tous les deux jours que le monde en avait créé  depuis l’origine de la terre.   Pour la monnaie et les déficits c’est encore pire.  
Les devises échangées quotidiennement représentent vingt fois la valeur des échanges commerciaux l


C’est un chiffre qui fait frémir et beaucoup de politiques aiment à le répéter avec des multiplicateurs variables :  5, 10, 15, 20, voire 100 fois plus.  On vous glisse ce chiffre sur l’air du « vous vous rendez compte Madame Michu ».  Mais on se garde bien de l’exploiter réellement. Quelle est donc la signification de ce ratio ?


Pour une monnaie le ratio traditionnel est de rapprocher la masse monétaire et le PIB pour obtenir la vitesse de rotation de la monnaie. C’est un outil qu’aime bien les banques centrales qui croient un peu à la théorie quantitative de la monnaie qui laisse entendre que l’inflation va être générée par un écart entre les vitesse relatives d’évolution de la masse monétaire, du PIB et de la vitesse de rotation.  En vérité ces ratios sont extrêmement difficiles à manier.


D’abord le PIB est connu très tard et on utilise pratiquement en permanence des estimations-projections. Pour celui qui consulte les statistiques la surprise est de voir les chiffres du PIB d’un exercice  bouger encore trois ans plus tard.
La masse monétaire est une notion tout aussi complexe même si elle est beaucoup plus facile et rapide à connaître.  Si on considère que la monnaie est une marchandise comme les autres, ces variations de valeur font donc partie du PIB et l’équation de vient passablement compliquée.


L’inflation pour sa part est définie uniquement avec le prix des biens de consommations et sur des bases ouvertement politiques (compte tenu des effets de bords sociaux des indices).  Certains comme la BCE utilise l’agrégeât M3 dont la statistique a été abandonnée par la FED pour …manque d’intérêt !


Autant dire que la vitesse de circulation de la monnaie est un ratio si difficile à analyser qu’il ne sert à pratiquement rien.

 
Rapprocher les flux de trésorerie et les flux de marchandises  a encore moins de sens. Dans une sphère monétaire donnée on ne se donne même pas la peine d’établir ces chiffres.
Le seul intérêt de comparer ces deux flux est de porter un jugement sur le fonctionnement du marché des changes.


Le taux de change dépendra d’abord des contrats financiers et très accessoirement des transactions commerciales.  Or la majorité des raisonnements sur l’intérêt des dévaluations  porte sur leur rôle comme  incitation à exporter.  Et on oublie royalement l’effet sur les contrats financiers qui sont 20 fois plus importants. Ce qui explique des incohérences de commentaires étonnantes comme lorsque le dollar s’envole en  même temps que les déficits commerciaux  comme à la fin du siècle dernier.


Les changes flottants tiennent un rôle gigantesque dans ces contradictions et paradoxes.  La peur a plus d’importance sur un taux de change que les perspectives commerciales bilatérales. Demander à la Suisse actuellement ou au Japon. Les comportements bancaires prennent la place principale : les CDS se sont mis à pousser comme des champignons 10 puis 20 fois plus vite que le commerce mondial  au début de ce siècle.  


La variabilité des changes compriment les transactions commerciales mais enflent les transactions financières.  On essaie de profiter de tout, tout en se protégeant au mieux d’une erreur de calcul.  L’épargne est mondialisée mais avec des monnaies dont la valeur change à chaque instant. Il faut donc bouger à chaque instant.


Les politiques des banques centrales sont le plus souvent dépassées par ces mouvements browniens.  On en vient à s’en désintéresser et on ne voit pas se créer des bulles phénoménales.


L’empilement des dettes mondiales est assis sur des sables mouvants faits de millions de micro ajustements et de brusques mouvements moutonniers qui en général n’ont rien à voir au moins à court terme avec la situation des  échanges.  On dirait un énorme steak bougeant sur un fond d’asticots.


Les passerelles du commerce mondiale avec les changes flottants ne sont pas seulement en caoutchouc (amplifiant toutes les déstabilisations) mais une multitude de mains les  secouent  de toute  leur force parfois du même côté.  Leur force conjuguée est 20 fois plus forte que celle des moteurs des camions. Comment s’étonner que les lourds transports du commerce mondial finissent périodiquement par tomber dans le gouffre.


Le système est ainsi fait que les mouvements de la passerelle ne sont la responsabilité de personne.  Nul ne viendra jamais au secours des pilotes de camions en danger. Parce que les mouvements  de la passerelle aussi dangereux soient-ils, sont considérés comme normaux !   Y toucher serait même coupable !


JP Robin aurait du conclure aux dangers des changes flottants dans un système de mouvements financiers libres.  Il ne le fait pas. Il ne tire pas les graves leçons dans la perspective du G.20 des chiffres qu’il cite.


Dommage. Une prochaine fois peut-être, si le tabou qui entoure les changes flottants venait à s’effilocher sous le poids des nécessités..

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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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