Guy Sorman et le discours purement idéologique
On est toujours un peu gêné dans ces colonnes d'évoquer les articles de Guy Sorman qui a une bouille si sympathique. Puisque nous avons entrepris de donner en ce début d'année 2011 une image de l'opinion économique à travers les débats dans les médias, nous sommes bien obligés de commenter sa dernière livraison dans le Figaro du 6 janvier 2011 qui témoigne d'un des péchés mignons français : le discours purement idéologique.
Il va de soi que Guy Sorman n'est pas seul responsable de ce tropisme idéologique. C'est parce que le discours idéologique socialiste est très fort en France qu'une expression contraire s'exprime dans le camp du libéralisme, expression dont notre auteur s'est fait la spécialité et qui lui vaut sa carrière nationale et internationale .
Nous avons critiqué à quelques reprises les discours idéologiques de gauche, avec leur prétention à une bonne compréhension des mécanismes économiques., en fait totalement déviés par les a priori. Nous ne pouvons que critiquer les discours idéo
logiques de droite lorsqu'ils prétendent également à un discours économique sensé.
La thèse générale de notre auteur, qui ne surprendra personne, est que le capitalisme se nourrit de crises, qu'il est vain de tenter d'y faire face, et qu'il suffit d'attendre pour voir tout se remettre en place tout seul. Les Etats qui ont cru devoir intervenir sont finalement ceux qui sortent le moins bien du trou d'air. L'action des états est au mieux une gesticulation, au pire une nuisance. On passe du "laisser faire, laisser passer" au "laisser faire, laisser casser".
Inutile donc d'essayer de prévoir quoi que ce soit. "Prévoir n'est pas le point fort de la science économique". Il est vrai qu'il n'a rien prévu ni rien vu venir. L'auteur théorise ses propres lacunes.
Pour se faire il commet un première erreur : "tout évènement local peut désormais provoquer un ralentissement global". Guy Sorman prend indirectement à son compte l'explication de la crise par un évènement fortuit qui se serait propagé par une sorte d'effet papillon à travers le monde. Il confirme son analyse en précisant : "toute innovation est risquée et aucune innovation n'est assurée du succès". Les financiers américains ont innové. Cela n'a pas marché. Cela a provoqué une crise qui s'est propagée. C'est dans l'ordre des choses et après quelques ajustements le système est si résistant qu'il repart de plus belle.
Des chaudrons de Goldman Sachs and co seraient sortis de mauvaises idées. On y a cru un temps et maintenant on sait qu'elles sont mauvaises et on est passé à autre chose. "les banques sont spontanément devenues prudentes parce que tel est leur intérêt". Il y avait naguère les"Mao-spontex", on a aujourd'hui les "Libéro-spontex".
L'économiste n'a aucun rôle. Il regarde passer les trains. Il ne prévoit rien. Il ne réfléchit à rien. Il contemple les flux et reflux de la marée en s'extasiant.
Qu'il y ait des "systèmes", que ceux-ci aient un rôle plus ou moins bénéfique, qu'ils changent avec des effets heureux ou pervers, rien de tout cela n'a d'importance. Nous sommes passés d'un régime d'étalon or à un système de monnaies administratives théoriquement reliées à l'or puis à un système de monnaies administratives dont les changes sont laissées à la libre circulation des capitaux et aux marchés. Ces systèmes sont fondamentalement différents et provoquent des comportements ou déclenchent des mécanismes radicalement différents.
Inutile selon Sorman de se pencher sur ces détails.
Le capitalisme est un bloc indifférent à ses sous systèmes. Il est bon par nature et résistant par construction. Circulez il n'y a rien à voir !
On est aux antipodes de nos propres analyses. Les échecs ont toujours deux composantes :
- une composante systémique : selon le système le comportement des agents n'est pas le même. Les mauvais systèmes provoquent les mauvais résultats. Pour avoir pendant trente ans réorganisé des entreprises je crois pouvoir affirmer qu'il n'y a jamais de difficultés qui n'aient pour origine au moins en partie une mauvaise organisation et un mauvais corpus de concepts et d'attitudes. Il suffit de regarder l'histoire du système soviétique pour vérifier qu'un mauvais système global a toujours eu et partout des résultats désastreux.
- une composante politique : des erreurs sont faites et qu'il faut payer "cash"
Examiner inlassablement et en détail les systèmes bancals et les politiques erronées est une part absolument indispensable de la critique économique. Globaliser le capitalisme comme le fait Guy Sorman sans s'inquiéter de son contenu, c'est-à-dire de ses différentes structures et des politiques qui y sont menées, est une fuite dans le néant. Ce néant de réflexion détaillée a été la première cause de son incapacité de prévoir la crise. Réciproquement, une analyse attentive des structures et des mécanismes permet de prévoir les crises, ce site en est la preuve.
Guy Sorman croit qu'il est encore nécessaire de monter une défense globale du capitalisme. Oui "l'innovation, les profits et l'échange restent les seuls moteurs connus du développement". Qui, à part quelques officines recyclées du communisme, et quelques régimes autoritaires fermés, croient autre chose ? Ce débat a été tranché par la chute de l'URSS. Et les reliques de ces idéologies mortes n'ont aucune importance, même si, malheureusement en France, elles conservent sinon une influence, du moins des leviers d'expression.
La question aujourd'hui est "quel capitalisme ? ", pas "capitalisme ou socialisme ?".
Et les variantes d'organisation sont importantes.
"Les technocrates à l'affût de nouveaux pouvoirs promettaient une nouvelle économie sous contrôle". Il faut certainement dénoncer certaines formes d'emprise technocratique sur la politique des états. Nous ne cessons de critiquer l"énarchisme compassionnel" qui anime nos élites dirigeantes depuis 1974. Mais face à l'effondrement du système bancaire puis de l'économie dans son ensemble on a vu les "technocrates" employer des pouvoirs qu'ils n'étaient pas censés avoir pour tenter d'éviter la catastrophe. Si les banques centrales et les états n'étaient pas intervenus pour sauver les banques que ce serait-il passé ? Guy Sorman peut critiquer les plans de relance. Mais une fuite généralisée des dépôts hors des banques aurait entraîné la faillite généralisée du système bancaire et la perte de l'épargne mondiale. Nous avons subi la plus grande crise économique depuis 1929. Elle aurait été pire sans aucune intervention des "structures technocratiques", élues ou non élues.
Quand un sous système est victime d'une organisation et de politiques erronées, ses crises ont des conséquences . Se dispenser de comprendre les défauts ; ne rien dire sur les solutions à court terme ni sur les réformes de structure à y apporter est une démission pure et simple.
Cette démission est inacceptable. Nous sommes entrés depuis 1973 par des choix structurels erronés en matière de monnaie et de change dans un système qui génère des crises constamment plus graves. Il faut comprendre le mécanisme des erreurs et effectuer les réparations indispensables.
Guy Sorman voit bien que le prix à payer de la crise est d'abord le chômage. Il invite donc à s'interroger sur cette question avec l'assertion suivante : " La croissance sans emploi devient chez nous une norme regrettable essentiellement parce qu'une partie de la population n'est pas qualifiée pour des emplois complexes".
Il reprend une erreur commune : L'emploi serait une dimension de la formation. Plus on aura d'ingénieurs hyper pointus mieux on se portera. Ce sont les états qui sont responsables du chômage (pas le capitalisme) car c'est à eux d'assurer la formation, globale des individus. Dans une génération, tout sera parfait si on fait les efforts nécessaires. Et nous voilà parti sur un délire sur les nano technologies et sur le reverse engineering qui feront sourire les spécialistes.
Pour avoir pratiqué le "reverse engineering", je me permettrais d'indiquer à Guy Sorman, qui aime le mot sans comprendre la chose, que ce concept date du début des années 80 et est mis en pratique depuis 30 ans ! Cette notion de micro économie n'a aucun effet en macro économie.
D'autre part si la formation a un intérêt économique certain, il n'est qu'indirect. On peut avoir, comme à Cuba, un système éducatif intense avec un niveau de vie ridicule et une stagnation dans la misère de longue durée. Dans nos pays occidentaux ont voit aujourd'hui que des diplômes supérieurs ne sont pas la garantie d'une entrée sereine dans la vie professionnelle. Encore moins dans les pays en rattrapage économique qui ont suivi le modèle occidental et qui se trouvent avec une pléthore de diplômés supérieurs dont ils ne savent pas quoi faire faute des structures économiques pour les utiliser.
Le vendeur de journaux en bas de chez moi est un ivoirien ayant fait Normale supérieure ! La plupart des médecins africains ayant appris leur métier en Europe ne retournent pas en Afrique. On forme des ingénieurs maghrébins en France et on leur interdit d'y exercer. Ils font des carrières souvent minables dans leur pays et se noient dans le ressentiment . C'est particulièrement sensible au Maroc. Il ne se passe pas un jour sans un article dans la presse sur le spleen des diplômés chinois de l'éducation supérieure qui est encore pire que celui de nos doctorants.
L'emploi se crée dans les entreprises; Pas d'entreprises, pas d'emplois. Pas de compétitivité, pas d'emploi. Le téléphone portable a créé beaucoup d'emplois en France. Pour l'essentiel il s'agit d'emplois de vendeurs non qualifiés. Le luxe français a créé des dizaines de milliers d'emplois à l'étranger. Pour leur très grande majorité, il s'est agi d'emplois non qualifiés. Nespresso est un formidable succès. Il a créé en France quasiment exclusivement des emplois non qualifiés.
Le chômage des personnels n'ayant pas un diplôme de technicien supérieur ou d'ingénieur n'est en aucune façon une fatalité. Les exemples donnés montrent bien que ces emplois non qualifiés ont été créés grâce à la mondialisation. La technique vient d'ailleurs. Les conceptions aussi. En France on a mis en musique la commercialisation.
Le chômage a une composante conjoncturelle extrêmement forte. Si Guy Sorman voulait bien se pencher sur les théories du cycle il verrait que l'emploi ne se remet d'une crise qu'assez tard en fin de cycle. L'emploi n'a repris et encore timidement après le choc de 74 qu'à partir de 78. Après le choc de 93 il faudra attendre 1997 et encore personne ne s'en est aperçu pendant presqu'un an.
La reprise sera créatrice d'emplois , si elle se maintient, à partir de 2012 et 2013.
Il a également une composante structurelle. Si le trend de croissance se ralentit les taux de chômage structurels augmentent. Le trend de croissance s'est ralenti à cause du passage aux changes flottants en 1973 et provoque un chômage structurel plus important en Occident.
Les politiques locales ont évidemment un poids considérable sur l'emploi. La haine de l'entrepreneur et du profit si caractéristique de la France, l'étouffement entrepreneurial par l'impôt et la réglementation qui s'y manifeste depuis si longtemps, des politiques démagogiques comme les coups de pouce au Smic, les cadres contraignants comme les 35 heures, ont évidemment un effet sur le sur-chômage structurel français.
On ne peut donc pas parler d'emploi sans regarder les systèmes et les politiques. Il faut un bon système global et pour chaque région et chaque pays de meilleures politiques. L'analyse qualitative des sous-systèmes est cruciale. On ne peut en rester à une apologie globale du capitalisme et à une dérision pour le reste.
Guy Sorman conclut par un petit problème qui le gratte quelque part. "Le système monétaire international ne risque-t-il pas de faire chavirer le capitalisme ?" Le risque est plus qu'avéré puisque justement il a fait chavirer non pas le capitalisme (toujours cette vision macroscopique inutilisable) mais le système financier international sauvé par la création monétaire sauvage et la fiscalité d'Etat. Et à quel coût social et économique !
A cette question mal posée mais fondamentale, il fait une réponse minuscule : les marchés ont fait baisser l'Euro donc tout va bien. L'Euro et le dollar n'ont pas cesser de faire le yoyo. Pas un yoyo de faible ampleur : des variations du simple au double ! Et très rapides. Il est plus bas aujourd'hui il sera plus haut demain. Des programmes informatiques génèrent à peu près 80% des ordres sur les marchés de devises en fonction de leurs algorithmes propres qui n'ont généralement rien à voir avec la réalité économique sous jacente.
Il ne faut pas tenter de réagir à des questions structurelles avec des éléments purement conjoncturels.
Nous conclurons que Guy Sorman en refusant l'analyse détaillée des sous systèmes et en prétendant subliminalement qu'ils sont tous équivalents et forcément bons en mode capitaliste, produit un discours purement idéologique coupé des réalités et des analyses dont la pertinence peut être mise en cause.
Nous préférons pour notre part examiner en détail les systèmes et les politiques et apprécier leurs forces et leurs faiblesses. Le combat idéologique a peut être un sens en France où le marxisme reste ancrée dans certains milieux intellectuels et politiques. Cette pertinence est purement politique.
Si on s'en tient à l'économie : observons , prévoyons, suggérons les réformes ponctuelles ou globales nécessaires.
Et notons que ce travail n'est pas fait dans les médias français qui sont une sorte du miroir de la nullité de la réflexion économique théorique et pragmatique en France.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
On y lit quand même que "La “croissance sans l’emploi” devient une norme regrettable dans ces région essentiellement parce qu’une partie de la population n’est pas qualifiée pour des emplois complexes [...]. Il n’existe pas de solution à court terme [...]. Il reste donc à élever le niveau et la spécialisation de l’éducation, ce qui, à condition de commencer de suite, exigera une génération avant de produire des effets mesurables."
J'attends de voir quelle est cette spécialisation de l'éducation qu'il faut rechercher pour assurer notre salut, et penser qu'on peut attendre (calmement ?) une génération avant de mesurer le moindre résultat me laisse pantois ! Bref Guy Sorman ne convaincra que les croyants acquis à sa cause, les autres n'y verront qu'un discours sans solutions claires.
Guy Sorman est effectivement un idéologue de droite, de formation semble-t-il plutôt littéraire ou philosophique que scientifique (le passage sur le reverse engineering fait sourire), et donc non formé vraisemblablement à l'application d'une approche systémique correcte.
A l'opposé d'un Paul Fabra par exemple, dont les analyses me semblent autrement pertinentes (sans parler de l'auteur de ce blog).
Guy Sorman
une chanson à couronner les rois à courroies
adeptes de la mondialisation heureuse
"en passant par l'antichmbre"
en voici le refrain:
wonderful word sors m'en un beau car je m'ennuie
waterloo word mon passeport est tout jauni
l'aubergine devient dragon
le dragon feu!
t'es mort!
effet papillon!
le monde en est tributaire
à cette libre chiure
sur le parebrise étatique
il faut un nom poétique
en voici un
GUEULE-DE-MORT
C'est pourtant facile à comprendre. Il y a de plus en plus de revenus et de moins en moins de salaires. Autrement dit, la part de population ouvrière occupée à entretenir toutes les autres couches et classes sociales, à commencer par les enfants, mais aussi, et ça c'est une tout autre hsitoire, tous les « acteurs », clowns, comiques, animateurs, soldats et policiers, médecins et curés, banquiers et managers, etc, diminue au moins relativement, sinon de manière absolue. Messieurs les maniaques des courbes, à vos calculettes ! Dîtes-nous tous ! Si vous en êtes capables ! Parce que pour l'instant, à part le lancer de chiffres à la figure et le rabâchage d'idées reçues, je n'entends que des Sorman une bien bonne, qu'ils se calment !
Il y a des Inquiétudes exotiques qui s'inquiètent du bon air suisse, belge, anglais, etc. Si la levée d'impôt tourne à la psychose, il doit y avoir de solides raisons à cela, non ? Ou est-ce, comme la religion à présent, un fait de civilisation, de nature obsessionnelle ? Et comme il n'est pas question de diminuer le temps de travail et de confier à tous, le soin et le choix des besoins, en matière de culture, d'éducation et de loisir, reste l'état populaire ! Pas cher ! So ! Gut ! Moi faire grossen impression, en construisant autobahnen à 32 voies! Hitler rigole ! Il a déjà pris un billet aller-retour, Berlin Moscou, en classe middlemen. Voilà le résultat attendu de l'économie capitaliste ! Non pas un fantasme, mais bel et bien vécu ! Mais rien de tout ça, paraît-il, ne va se produire, car les malins courent les rues, heureux comme avec un iphone, esclaves affranchis de la liberté.
Sorman a au moins raison sur un point. Accepter le capitalisme de quelque façon que ce soit, y compris à la manière marxiste occidentale, implique le fatalisme. Et ce qui va avec le fanatisme!!!
Franchement, les pôôvres chômeurs normaliens, ça n'existe qu'en bas de chez vous.