La faillite nous voilà !
Un des aspects de l'Euroland qui devient évident aujourd'hui, est qu'une banque centrale indépendante et exogène par rapport à un pays souverain lui fait perdre le privilège de ne jamais être mis en faillite.
Si les dettes souveraines sont appuyées sur une banque nationale, il est toujours possible de fournir au nominal l'argent des intérêts et le remboursement du principal. Ce qu'on appelle la monétisation de la dette a des inconvénients majeurs : on crée de l'inflation ; on ruine le créancier en le remboursant en monnaie dévaluée, mais doucement ; le change de la monnaie s'effondre ; les voisins peuvent prendre des contre mesures pour éviter une concurrence déloyale. Le crédit devient difficile. L'avantage est évidemment que tout est très facile pour les gouvernements : c'est la banque centrale qui fait tourner la planche à billets. Les ministres n'ont rien à faire d'autres que le train train habituel. Et il est inutile de tout bloquer, d'imposer des impôts nouveaux, de revenir sur des avantages acquis etc.
L'externalisation de la banque centrale rend impossible ces expédients. C'est comme si les emprunts étaient faits en monnaie étrangère. Il faut rembourser les dettes dans une monnaie dont on ne tient pas le robinet. On est tenu par les créanciers. Il faut soit faire défaut soit rembourser en se serrant la ceinture, si tant est que le dit serrage de ceinture ne casse pas définitivement la croissance.
On a conçu la banque centrale européenne comme le prêteur de dernier ressort des banques soumises à une crise de liquidité. On a strictement refusé le rôle de financier en dernier ressort des dettes souveraines. La BCE ne devait pas financer les états qui étaient tenus de conserver leurs dettes au dessous de 60% du PIB et leurs déficits budgétaires au dessous de 3%. C'était monter un barrage en papier contre le risque de défaut sur les dettes souveraines.
Le vice caché est que rien n'était stipulé pour les dettes des autres agents économiques. Or on a vu l'endettement des autres agents s'emballer à un niveau qui rendait la pyramide de crédits si fragile qu'elle ne pouvait que s'écrouler. Il est vrai que les mouvements de capitaux ayant été totalement libérés les agents étaient capables de ponctionner toute la liquidité mondiale sans trop se soucier des directives de la BCE. L'Europe devenait tributaire des politiques monétaires des autres.
Une des conditions du succès de l'Euroland était évidemment de limiter l'accès aux marchés financiers internationaux. Sinon on pouvait voir se gonfler un surdendettement privé qui lors de son implosion entraînerait aussitôt un dépassement de toutes les normes de papier mis en opposition aux déficits et à l'endettement publics.
Sauver les banques pour sauver l'épargne et l'économie, amortir la récession par des stabilisateurs budgétaires, relancer l'investissement, toutes ces mesures ne pouvaient que faire exploser les déficits et l'endettement souverain.
Endettement qui dans l'Euroland ne peut être monétisé statutairement. Donc le système revenait à admettre froidement des défauts sur la dette souveraine des états composant l'Euroland. La faillite nous voilà ! Les Etats Unis admettent parfaitement qu'un Etat puisse faire faillite. Ou une ville, ou un comté. La Fed n'intervient pas.
Pourquoi alors ne pas accepter la faillite de la Grèce tout en la conservant au sein de la zone Euro ? C'était la pure logique de Maastricht. Les détenteurs de la dette grecque auraient perdu sauf si des CDS leur permettaient de reporter sur d'autres le fardeau. Les montants n'avaient pas de niveau "systèmique", même à 200 milliards. Faite il y a un an cette opération d'apurement n'aurait d'ailleurs pas atteint ces montants. La Grèce soulagée d'un poids de dettes excessif n'auraient pas été sauvée d'une période d'adaptation lourde, ses déficits structurels étant devenus impossibles à financer par des emprunts externes.
L'autre solution était la sortie de la Grèce de la zone Euro. La première conséquence aurait été immédiatement un défaut complet sur la dette souveraine mais aussi sur toutes les autres dettes internationales de la Grèce. Il est peu probable que qui que ce soit se soit intéressé, à l'achat de Drachme pendant un certain temps. Donc la dévaluation du Drachme aurait été très forte. On aurait eu à peu près la situation de l'Argentine lors de la sortie de son currency board. Sauf qu'en dehors de son tourisme, la Grèce n'a pas grand chose à exporter, contrairement au "campo" argentin. Le système bancaire grec aurait été lessivé. Un contrôle des changes draconien aurait été mis en place. L'hypothèse de la faillite du Portugal voire de l'Espagne ou de l'Italie serait devenue une certitude. Le risque d'une panique générale se serait ajouté.
On peut comprendre qu'on n'ait pas voulu choisir entre le diable et Satan.
On a choisi entre 2008 et 2011 la voie du faux semblant et de la solution d'attente jusqu'à ce que l'absence de politique sérieuse soit devenue impossible.
La solution retenue hier par les pays de l'Euroland est en fait une faillite organisée de la Grèce, sans le dire pour ne pas faire jouer les CDS, avec pare feu pour éviter la contagion aux autres pays menacés. Elle est à la fois dans la logique du rôle de la banque centrale maastrichienne et un expédient.
Le malheur c'est qu'il reste dans le monde plusieurs millers de milliards de dettes irrécouvrables qu'il faudra bien nettoyer un jour ou l'autre. La Grèce comme les subprimes ne sont qu'un détail de la pyramide de dettes sans contrepartie réelle qui pèsent sur le monde.
La crise de la Grèce comme la crise de l'Euro ne sont que des vues sur la crise globale de l'endettement accumulé depuis 1971.
L'organisation de la zone euro et les statuts de sa banque centrale interdisent une des voies d'élimination de ce surendettement (la monétisation et un certain niveau d'inflation). Le système monétaire international des changes flottants interdit largement la solution d'une croissance concertée.
Le monde se met donc en place pour une réduction générale de la dette par la perte directe, par la faillite. C'est le chemin de la dépression et de la guerre économique.
Sans remédier aux défauts structurels de la zone Euro et sans refonder une coopération internationale basé sur un système de changes concertés, il n'y a pas de solution.
Nous sommes dans la même situation qu'après guerre où il fallait éliminer collectivement une masse de dettes nées du conflit. Nous y sommes parvenus en moins de 15 ans, avant de repartir dans un dérèglement majeur et l'absurde système des changes flottants. Les modalités de Bretton Woods ont permis de sortir du gouffre.
On ne veut ni changer le système de Masstricht ni revoir le système monétaire international. En dépit des chants de victoire qu'on entend après l'accord de faillite masquée en Euroland, on n'échappera pas à une aggravation de la situation globale. Alors que tout était en place pour une croissance mondiale concertée.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/liamhal...
Conclusion de cet article : "It gives me no pleasure to write this, but I give this deal two weeks."
La décision de Papandréou fait voler en éclat les médiocres arrangements du tandem franco-allemand, qui a du plomb dans l'aile, et dont la légitimité et la pertinence sont brutalement remises en cause.
Espérons que cet électrochoc permette, enfin, une vigoureuse remise à plat des méthodes et des objectifs.
O Theos masi mas !
L'Europe est en récession officielle. Le monde en stagnation officielle.
On n'a pas échappé à une aggravation de la situation globale.
Acceptera-t-on que l'on dise : c'était prévu et c'est normal. Et quand décidera-t-on d'arrêter cette spirale vers la régression générale ?