Nouveau traité européen : quel impact ?
Pour connaître l'impact d'un train de mesures comme celui qui vient d'être mis sur les rails par l'Union Européenne moins le Royaume-Uni il faut avoir une grille de jugement.
En temps de crise, la préoccupation est toujours double :
* sortir du mauvais pas où l'on s'est fourré
* éviter de recommencer.
Il faut donc, d'abord, avoir une idée des causes de la crise.
Nous défendons ici que le monde souffre d'une erreur de conception du système monétaire international fondé sur les changes flottants et une monnaie de réserve internationale gérée par un seul pays à son seul profit apparent, que l'Euroland est mal conçue avec notamment une banque centrale à la vocation atrophiée, et que la France a sombré à son détriment dans le tout état, tout impôts, tout dépenses publiques.
L'accord européen n'apporte aucune solution directe aux malheurs liés aux changes flottants et à "la guerre des monnaies".
Les statuts de la banque centrale reste ceux qu'ils sont et la gouvernance de la zone euro reste bancale, du fait d'une gestion par les principes, par la norme, et non par une gouvernance capable de piloter. Si la convergence des politiques budgétaire est acquise, tous les autres éléments sont libres. Une politique sociale effrénée mais sans effet sur le budget (jouer sur la durée du temps de travail, les salaires etc.) a autant d'effet que la politique budgétaire. De même que les politiques de crédits peuvent être très différenciées indépendamment du budget. La convergence budgétaire ne garantit aucune convergence générale. D'autant plus que les déficits peuvent être subis et non décidés, comme on vient de le voir du fait du sauvetage presqu'obligé des banques et la mise en œuvre des "stabilisateurs automatiques" en cas de récession.
Pour la France l'obligation d'être raisonnable était souhaitable. Mais les mesures prises ignorent une réalité que nous soulignons inlassablement : l'existence du cycle. Le budget doit être contra-cyclique. Il ne doit pas être a-cyclique. Excédentaire pendant les phases de croissance forte il doit redevenir déficitaire pendant les creux. L'équilibre budgétaire doit être dosé finement en fonction des fluctuations générales. L'anomalie est dans l'effet de cliquet des dépenses publiques en cas de baisse de recettes et la reprise immédiate des libéralités financières dès l'arrivée des excédents des vaches grasses.
Toute cette rigidité introduite sur le sable mouvant des changes flottants, renforçant la sous-compétitivité lié à l'Euro fort et confirmant l'absence de politique des changes ne garantit rien du tout pour l'avenir. On a mis une camisole de force à un épileptique jouant au trampoline.
Permet-il au moins de sortir de la crise de financement propre à la zone Euro ?
On sait que la difficulté est lié à un excès de dettes. Les banques sont virtuellement en faillite et les états ne peuvent plus les soutenir sans paniquer les prêteurs, ni même se financer à des taux raisonnables.
Pour liquider des dettes en excédent il n'y a que quatre manières :
- Constater la perte d'une partie des créances : en un mot une faillite organisée ;
- Faire fondre la dette par l'inflation ;
- Pousser la dette devant soi en réduisant à rien les taux d'intérêt voire en les rendant négatif ;
- Accélérer la croissance pour trouver les ressources nécessaires au paiement des intérêts et au remboursement du principal.
Sur le premier point il est annoncé qu'il n'y a aura plus de faillite organisée. En revanche on corsète à ce point les banques qu'elles doivent liquider en masse leur portefeuille et limiter drastiquement le financement...des états. La taxe sur les opérations financières achèvera le travail. C'est du "deleveraging" au forceps. Mais si on brade des dettes sur le marché secondaire, ces dettes ne sont pas pour autant réduites.
L'inflation est interdite par les statuts de la BCE.
Pousser la dette devant soi n'est possible que dans la mesure où il y a refinancement. C'est-à-dire qu'il faut des banques désireuses et en situation de prêter, si possible dans la zone monétaire elle-même et non pas à l'étranger avec risque de change. Mais les mesures de compression bancaire ne le permettent pas.
Accélérer la croissance est impossible dans le cadre des plans d'austérité nécessaires pour revenir dans les clous des normes fixées par l'accord.
Au total force est de constater que ces accords ne règlent rien pour le futur et ne permettent pas de sortir du trou où on est tombé.
Ils rassurent à moyen terme les porteurs de dettes européennes hors de la zone Euro. Mais ils n'empêcheront pas la dégradation générale des notations. Ils donnent à penser que l'Europe a choisi son avenir politique de façon si forte que la panique s'arrêtera et l'intendance suivra. Mais le temps constitutionnel n'est pas celui de la finance.
Sauf si la BCE, "rassurée" sur le sérieux de ses mandants par ses beaux principes gravées dans le mou des parchemins, décidait unilatéralement et en toute "indépendance" de lâcher les liquidités massivement ce qui est actuellement possible sans déclencher une forte inflation, il est plus que difficile de déterminer en quoi les mesures prises peuvent véritablement avoir un effet positif pour la prévention des crises futures comme pour la résolution des conséquences de la crise mondiale en cours.
A entendre les débats qui ont suivi dans les médias, les défenseurs de l'Euro semblent pris au dépourvu. Ils en sont à acquiescer avec ceux qui pensent que l'Euro ne passera pas l'hiver si, au-delà des mesures prises, un "projet vraiment européen" n'était pas mis en place accompagné par un déversement de liquidité de la BCE rendu actuellement impossible par la constitution allemande, verrou qui doit sauter. Les européistes ont finalement intégré que l'Euro tel que conçu n'était pas viable. Après avoir crié sans réfléchir que l'Euro était la seule solution, celle qui allait faire naître solidité financière et 5 millions d'emplois nouveaux, comme disait Mitterrand, qu'il s'agissait d'un bouclier dont la construction valait bien quelques sacrifices, manifestations d'un acte de foi plus que d'un raisonnement économique, les voilà devenus incrédules ou apostats au moment même où l'on créée une nouvelle étape de la fusion économique : l'Europe budgétaire.
Pendant ce temps là la Grèce s'enfonce dans la récession, comme peu ou prou l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et l'Italie. La France ne sait plus si elle dans le camp des forts ou des faibles. L'Europe tout entière perd en compétitivité globale.
Ce n'est plus qu'un cri presqu'unanime : que la BCE lâche la liquidité nécessaire et que l'Euro baisse.
On vote un traité qui dit le contraire : pas de gabegie et pas de dévaluation compétitive.
La postérité risque d'être un peu dure lorsqu'elle examinera la manière dont l'Europe et le Monde auront géré la crise depuis 2007.
Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
- le Royaume Uni est marginalisé et les 26 ont fait bloc : il y aura désormais la possibilité de faire régner un semblant d'ordre dans l'Union sans constamment tergiverser.
- L'union monétaire trouve son pendant avec un début d'union budgétaire et économique
- Il existe désormais un mécanisme de sauvetage, l'idée allemande de laisser les pays se débrouiller tout seul en cas de crise ayant été abandonnée.
C'est beaucoup et parait changer la donne., même si les euro obligations et la création de monnaie en contrepartie de dettes d'état sont mis de côté. Rien n'empêche la BCE d'ouvrir grande la porte des liquidités de façon indirecte tant que l'inflation n'est pas une menace et là il n'y a aucune menace. L'obstacle souvent cité de la Cour Constitutionnelle Allemande dans ce cas est inopérante pour bloquer les émissions.
Je vois le progrès. Et aucun inconvénient majeur par rapport à la situation antérieure.
Je retiens votre remarque : on a créé un mécanisme de régulation plus efficace que le précédent pour la partie budgétaire en fédéralisant une partie du processus. Ce nouvel abandon de souveraineté était implicite dans le Traité de Maastricht ; l'urgence a permis de réaliser l'opération sans protestations trop grandes. C'était en effet cela ou la fin de l'Euro. Le piège s'est refermé sur l'indépendance des états de l'Euroland. A ce titre, ce traité est majeur.
La sortie du RU est entièrement liée au projet de taxe sur les transactions financières et de législation sur le trading haute fréquence. Nous somme opposés au trading haute fréquence que nous dénonçons depuis près de 15 ans. Mais nous sommes opposés à la taxe Tobin unilatérale de la zone Euro. Les Etats de l'eurozone croient qu'ils pourront éviter de soutenir le capital de leurs banques du fait de leurs pertes potentielles en mettant en place cette imposition à tout faire. C'est un leurre dont on verra à terme les conséquences.
Renforce-t-on l'Union Européenne en écartant le RU et en intégrant la Croatie ? Il y a doute.
Le traité ne "traite" pas la question des décalages acquis de compétitivité entre les pays membres. On ne voit que la déflation pour remettre les pays défaillants dans le système. Mais la déflation n'est jamais une bonne solution. Elle entraîne une spirale d'austérité et de chômage intenable dans des pays démocratiques.
Nous maintenons la démonstration que nous avons faite que pratiquement aucune des causes réelles de la crise n'est corrigée. L'accord de juillet avait créé des turbulences telles qu'il a fallu réagir vite avant l'explosion générale. Les banques européennes avaient pratiquement cessé d'acheter de la dette gouvernementale en Europe ( et vendaient à tout va leur portefeuille de dettes d'états), cessé de se prêter mutuellement de l'argent et cessé d'être alimentées en dollars. On est arrivé à deux doigts du krach bancaire et assuranciel généralisé. Les dégradations des agences de notations constatent a postériori des mouvements déjà subis et non pas une aggravation à venir.
Il n'a été jugulé qu'en annulant les accords précédents et en ouvrant grandes les portes de la liquidité en euro et en dollars.
On va pour 2012 automatiquement vers un dégonflement artificiel dirigé par les autorités des en-cours des banques, donc un solide credit crunch, magnifié par les taxations nouvelles et les mesures d'austérité. Si la spirale déflationniste s'installe comme en Grèce, rien n'empêchera l'explosion de la zone Euro dans le cadre institutionnel actuel.
La coopération inter états au sein de l'Euroland a gagné en crédibilité. Mais quelle sera la politique assumée et menée ? Quels sont les organes de gestion au jour le jour ? Quelles réponses sont données à sur-évaluation de l'Euro ? Qui gère la valeur externe de la monnaie sur le marrché des changes ?
Vous pouvez penser que les Etats ont prouvé leur détermination à faire ce qu'il faut pour sauver l'Euroland. Et que d'autres mesures suivront. C'est possible. Mais ce n'est pas encore écrit. Et le temps passe.
Wolf considère que Merkel fait une erreur de diagnostic en considérant que l'absence de rigueur est la cause de la crise et la rigueur son remède. Il n'a pas de mal à prouver que l'Espagne et quelques autres avaient des budgets équilibrés avant la crise.
Robin souligne que l'écart de productivité-compétitivité entre la France et l'Allemagne reste supérieur à 10%.
D'autres soulignent que la surévaluation de l'Euro empêche toute reprise en Europe ou que globalement les banques sont en faillite virtuelle et que l'intensité des dégonflements de bilans aggraveront les choses pour elles.
Les agences de notation restent insensibles au charme de l'accord.
La vérité commune sous-jacente c'est que du fait des défauts de construction du système monétaire international et des tares de l'organisation de l'Euroland toutes les économies se trouvent désajustées les unes par rapport aux autres sans véritable moyen d'en sortir par le haut du fait des idéologies et des réflexes dominants.
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Pour l'anecdote, le débat organisé entre M. Baroin, actuel Minsitre des Finances et Mme Guigou; Ministre des affaires européennes entre 90 et 93, c'est à dire lors de la construction fautive de l'Europe monétaire a une fois de plus démontré l'indigence presque infernale de nos "élites" politiques. Entre l'énarque socialiste et le fils d'un dignitaire des réseaux occultes de la république (il fut grand maître du Grand Orient de France) au gouvernement au titre de "bébé chiraquien", ce fut de bout en bout un concours d'erreurs, de sottises, de mensonges. Une véritable honte.
Pas un mot de regret de Mme Guigou sur les incroyables bêtises qu'elle avait proférées lors du débat sur Maastricht, par exemple les 5 millions d'emplois nouveaux emplois garantis par le dispositif, propos qu'on s'est bien gardé de lui rappeler. Pas une remarque utile de sa part sinon comme elle en a l'habitude des attaques politiciennes de bas étage. Si c'est elle qui sera chargée de "renégocier le traité qui ne sera jamais ratifié par les socialistes arrivés au pouvoir en 2012", l'hypocrisie va être encore de la partie. .
Quant au jeune Baroin, quelle nullité économique ! Comment oser encore prétendre que la crise est uniquement américaine et liée aux subprimes et aux actions des "polytechniciens de la finance" ? On aimerait qu'il y ait tout de même un peu de compétence dans les ministères économiques. Il faut dire que pendant ce temps là au FMI ...
Tout cela est sinistre.