Quelles leçons tirer du discours Seguin ?
Un des aspects du discours est purement politique : la souveraineté comme la virginité ne peut pas se perdre à moitié. Ou on l'a gardée ou on l'a perdue ! Perdre sa souveraineté monétaire revient à perdre sa souveraineté politique. Nous nous concentrerons sur l'économie.
"Que l'on ne s'y trompe pas la logique du processus de l'engrenage économique et politique mis au point à Maastricht est celle d'un fédéralisme au rabais fondamentalement anti-démocratique, faussement libéral et résolument technocratique".
Comme nous l'avons répété mille fois ici la politique européiste consiste à mettre constamment la charrue avant les bœufs pour prouver à terme, quand la charrue est bien piétinée, qu'il faut aller plus loin. Aujourd'hui le fédéralisme est proposé comme solution à la crise de l'Euro. C'était entièrement prévisible et prévu. Tous ceux qui avaient affirmé péremptoirement le contraire ont menti. Dont acte. Construire l'Europe par le mensonge, en manipulant ou en contournant les peuples, nous est présenté comme la seule solution pour la construire. C'est une idée affligeante et totalement anti démocratique.
Nous voici donc en train de quémander la grâce du soutien de l'Allemagne, au moment où des commentaires "germanophobes" se multiplient à gauche, faisant pendant aux caricatures présentant en Grèce la chancelière en Hitler en jupons.
"…le conformisme ambiant, pour ne pas dire le véritable terrorisme intellectuel qui règne aujourd'hui, disqualifie par avance quiconque n'adhère pas à la nouvelle croyance, et l'expose littéralement à l'invective."
Ce mécanisme est typique de l'époque. Le caractère néfaste des changes flottants, impossible à contester si on s'en tient aux réalités, est tout aussi impossible à critiquer pour un économiste officiel. Il porte atteinte à une croyance. Comme personne ne peut ni ne veut remettre en cause cette croyance, ce qui impliquerait trop de lourdes conséquences, théoriques, économiques, diplomatiques, organisationnelles, une chape de plomb pèse sur les lèvres. Tenter de la lever voue vous au silence, à la marginalisation, voire aux gémonies.
"Tout se passe en réalité comme si personne n'avait vraiment envie de débat" constate Philippe Seguin. C'est une évidence. Dès qu'une idée gène l'oligarchie administrativo-médiatique, le silence s'installe. La presse écrite et audio visuelle est tenue par 10 personnes en France. Leur consensus s'impose. Sur les sujets techniques, il s'impose toujours par le silence. Le terrorisme intellectuel en France ne passe pas seulement par la bastonnade médiatique. On aime surtout taire et ignorer, chasser du débat et faire oublier. C'est la source principale de sa dégringolade intellectuelle et de sa marginalisation dans le débat d'idée mondial.
"on peut toujours prétendre - on commence à le faire çà et là - que la question est beaucoup trop technique pour être valablement abordée lors d'un débat public, dans un climat passionnel, à un moment dans la conjoncture qui ne s'y prêtent pas et devant des électeurs dont il est avantageux de postuler l'incompétence".
Nous pouvons témoigner avoir entendu mille fois cette même réponse : la monnaie, mon bon ami mais personne ne comprend rien : Le système monétaire international ? Mais vous voulez endormir la salle !
Cantonné le débat et faire taire le technicien, c'est tellement plus facile. La panne est au bout du chemin.
En tout état de cause l'économie, elle, ne supporte jamais longtemps le mensonge et se venge toujours à un moment ou un autre. Les mauvaises constructions économiques se délitent toujours. Il est tout de même de la responsabilité des économistes d'alerter sur les vices cachés de certains échafaudages.
Ce que nous apprend la confrontation entre les prévisions faites par M. Seguin et la réalité d'aujourd'hui, c'est que les défauts sont toujours visibles pour ceux qui veulent bien regarder. Le système de Maastricht était gravement fautif et les défauts parfaitement clairs. Mais ceux qui tiennent les médias en France n'ont pas voulu la clarté.
"La mise en commun des faiblesses et des défaillances de chacun n'a jamais amélioré les performances de tous".
L'idée que la taille est la solution de tous les problèmes est une illusion d'optique qui a gâché bien des projets politiques ou économiques.
"Redoutable contresens économique, d'ailleurs, que cette « harmonisation » à laquelle nous devons déjà des centaines et des centaines de directives et de règlements communautaires ! L'harmonisation sera un échec et l'harmonie disparaitra de la zone Euro".
Il est bien temps de découvrir que ce n'est pas l'unification de la taille des prises électriques qui permet la coordination critique des actions budgétaires et des dispositifs sociaux. M. Sarkozy vient d'annoncer que désormais laction devait se concentrer sur la nécessaire harmonisation au sein de l'Europe ! 20 ans après le démarrage du processus. Cherchez l'erreur.
"On nous dit que la monnaie unique va favoriser nos exportations, mais les échanges intra-européens sont déjà considérables et I'unification de la monnaie ne supprimera pas les risques de fluctuation vis-à-vis du dollar et du yen. Mieux : dès lors qu'il y aura trois pôles monétaires comparables, les arbitrages triangulaires iront se multipliant, avec tous les risques de change y afférent."
Jamais les déficits commerciaux extérieurs français n'ont été si hauts. Ils n'ont pas cessé de progresser depuis lm'instauration de l'Euro.
Pour le reste nous ne cessons de répéter qu'une zone monétaire fixe dans un océan de monnaies flottantes est une gageure. Une des conditions de l'Euro était qu'on en revienne à un système de parités fixes mondialement.
"On nous dit que la monnaie unique fera baisser tes taux d'intérêt, mais cela est plus que douteux dès lors qu'il va falloir intégrer des pays plus sujet à l'inflation et ensuite tout dépendra de la politique de la Banque centrale européenne qui sera indépendante, c'est-à-dire incontrôlable."
On ne saurait mieux dire.
"dans le SME, la France choisit librement les contraintes qu'elle s'impose jusqu'à ce qu'elle décide de s'en affranchir. Au contraire, avec la monnaie unique, nous abandonnons définitivement ou presque le droit de choisir notre politique monétaire. Toute la différence est là !"
Il aurait mieux valu pouvoir décrocher la Drachme que de vivre ce que nous vivons depuis deux ans. Et devant le mercantilisme allemand la France aurait pu décrocher de 7 à 10% le Franc.
"En tout cas, rien n'impose aujourd'hui à la France la politique monétaire qu'elle s'est choisie, qui joue au détriment des salariés, qui disqualifie les investissements à long terme et qui a des effets tellement désastreux sur l'activité qu'ils finiront de toutes les façons par faire fuir les capitaux étrangers."
Près de 100 milliards d'euros de dépôts étrangers ont quitté la France en quelques semaines ! Il y a eu désinvestissement dans l'industrie et le niveau global des investissements réellement productif a été très faible.
"Quant à ceux qui voudraient croire qu'une politique budgétaire autonome demeurerait possible, je les renvoie au texte du traité, qui prévoit le respect de normes budgétaires tellement contraignantes qu'elles imposeront à un gouvernement confronté à une récession d'augmenter les taux d'imposition pour compenser la baisse des recettes fiscales et maintenir à tout prix le déficit budgétaire à moins de 3 p. 100 du PIB. Enfin, et je souhaite insister sur ce point, la normalisation de la politique économique française implique à très court terme la révision à la baisse de notre système de protection sociale, qui va rapidement se révéler un obstacle rédhibitoire, tant pour l'harmonisation que pour la fameuse « convergence » des économies."
La démonstration en est faite.
"II est temps de dire que bâtir l'Europe des Douze sur la peur obsessionnelle de la puissance de l'Allemagne est tout de même une bien étrange démarche, proche de la paranoïa. D'autant qu'à force de vouloir faire cette intégration à tout prix, on va finir par faire l'Europe allemande plutôt que de ne pas faire l'Europe du tout, ce qui serait un comble."
C'est un comble. On y est.
Nous avons insisté sur l'étude de ce texte pour montrer que "ce qui doit arriver arrive". les défauts de la construction de l'Euroland étaient parfaitement connus. Le débat n'a pas eu lieu. Ceux qui le portaient ont été éliminés de la vie politique. Même le peuple a été éliminé du jeu : son non au référendum "constitutionnel" à été éliminé par le traité de Lisbonne signé loin de son approbation. Et voici qu'on propose déjà un nouveau traité de Lisbonne.
Est-ce à dire qu'une zone de monnaie unique est impossible en Europe et qu'elle va exploser ou qu'elle doit exploser ?
Nous ne le pensons pas. Mais il faut pour cela ne pas cacher la réalité : une zone monétaire unique implique des disciplines monétaires budgétaires, et sociales coordonnées. On ne peux pas décider d'un côté d'augmenter les déficits, de l'autre de les réduire, d'un côté d'aggraver les charges sur le travail, de l'autre de les réduire, d'un côté de réduire la durée de travail, de l'autre de l'augmenter.
Réduire les écarts une fois creusés impliquent en monnaie unique une politique déflationniste dans l'urgence qui tourne à la panique inefficace.
Une zone monétaire unique suppose qu'une politique commune soit conduite avec tous ces leviers monétaires, financiers, budgétaires et sociaux. Une banque centrale ne disposant que de l'objectif de maintenir la stabilité interne des prix et se moquant du reste est un défi au bon sens.
Les projets transnationaux à long terme y doivent être financés par des empruntés globaux, en l'occurrence des eurobonds. Les investissements nationaux doivent pouvoir être financés par des prêts de la banque centrale., sans imposer le versement d'intérêts aux banques privées qui reçoivent là une manne totalement incompréhensible. En revanche le déficit primaire doit être solidement encadré.
La double question du tarif extérieur commun et de la valeur externe de la devise commune doit être gérée. Il est évidemment impossible d'admettre l'environnement international de changes flottants avec ses déficits exorbitants et ses accumulations absurdes de créances. Les mouvements de capitaux à court terme doivent être contrôlés.
Bref, on est très loin de ce qui a prévalu à la suite de Maastricht et de ce qu'on nous propose aujourd'hui.
L'ennui est que la crise actuelle est une panique monétaire à court terme qui doit être contrée par des mesures institutionnelles qui exigent du temps et qui supposent une unité de conception qui n'existe pas et l'abandon de lambeaux d'idéologies mal fondées considérés malheureusement comme des tabous à ne jamais remettre en question.
Ce n'est pas en priant pour que la BCE fasse ce qu'il faut, tout en confiant à la Commission des pouvoirs de police budgétaire contrôlée par la Cour de Justice Européenne, qu'on évitera les conséquences des défauts criant du système actuel.
La solution Merkel n'en est pas une. Une gouvernance économique, budgétaire et monétaire effective à l'échelon des chefs de gouvernements est clairement la solution cohérente avec le choix de l'Euroland, si on souhaite conserver cette option qui n'est que POLITIQUE.
Si on veut garder l'Euroland, il faut mettre en place une structure spéciale située à Strasbourg chargée sous le contrôle des chefs de gouvernements concernés, de définir et de mettre en œuvre les politique ad hoc.
Cela veut dire mettre fin à l'indépendance totale de la BCE et l'élargissement de sa responsabilité ; cela veut dire que l'instance commune aura à gérer la valeur externe de la monnaie et disposer du pouvoir de négocier des accords avec les trésors étrangers et notamment négocier un nouveau Bretton-woods.
Ce chancelier financier de l'Euroland aura à sa disposition quatre organes : la BCE (membres nommés selon les règles actuelles, vocation élargie); le Trésor européen (directeur nommé par le Chancelier chargé des changes et des financements collectifs) ; le comité budgétaire européen ; le fonds monétaire européen (membres nommés pour cinq ans par la conférence des premiers ministres des pays de la zone Euro) .
Le comité budgétaire sera composé des ministres du budget de chaque pays de l'Euroland et du représentant de la commission des finances de chaque parlement. Il aura pour vocation de voter les enveloppes budgétaires nationales des pays de la zone Euro proposé par le Chancelier, après négociation avec les différents gouvernements et d'en suivre l'exécution.
Le fonds monétaire a vocation d'intervenir au cas où un gouvernement ne respecterait pas ces engagements. Il pourrait à la fois mettre sous tutelle un pays en défaut ou le maintenir sous perfusion financière le temps du retour à la normale. Il sera chargé de toutes les investigations sur les conditions d'exécution des budgets et notamment de la garantie des statistiques.
Ces instances seront totalement déconnectées des institutions de l'Union Européenne et notamment de la Commission et du Parlement, chargées des politiques communes et pas de l'Euroland.
On sait que les Allemands sont profondément opposés à toute institution qui divergeraient de la Commission et de l'Union européenne globale.
Mais il n'y a strictement AUCUNE raison de donner à la Commission des responsabilités sur un domaine qui n'est pas de sa compétence et qui ne concerne qu'une partie des membres de l'UNION. Elle est d'essence technocratique et foncièrement hostile aux états. Alors que les nouvelles instances doivent un rôle de gestion positif en liaison étroite avec les instances élues et non pas contre elles.
Cela vaut pour la cour de Justice Européenne qui n'a rien à dire sur l'application de mesures de gestion qui dépendant directement du législatif élu pour le contrôle et des exécutifs pour l'initiative et l'exécution.
Si les blocages institutionnels et idéologiques persistent, la zone Euro éclatera ou sera ravaudée avec un sparadrap de tellement mauvaise qualité qu'on ira de crise en crise.
Si on profite de la crise pour créer une Europe fédérale par la bande, les peuples ne l'accepteront pas. Déflation plus fédéralisme égale troubles assurés et révolte des peuples.
Maintenant on peut préférer des états nations retrouvant toute leur souveraineté monétaire et financière, l'Union Européenne étant juste une zone de coopération.
L'important est qu'il est cohérence entre institutions et règles de base de l'économie.
Actuellement il n'yen a aucune.
Article Collectif - Cercle des économistes é-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
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