Deux mots à Nicolas Baverez

Depuis 1996 nous avons développé de nombreux thèmes que Nicolas Baverez a lui même détaillés avec talent. Cependant nous ne partageons pas toute la démonstration de cet excellent auteur et  il nous parait intéressant de bien localiser nos divergences.

Nous analysons ici le texte "France ton économie fout le camp" donné au Point ( n°2003  du 3 février 2011).  http://www.lepoint.fr/editos-du-point/nicolas-baverez/france-ton-economie-fout-le-camp-03-02-2011-135167_73.php

1. Première idée de NB  : "la pseudo  réhabilitation du modèle français fondé sur l'intervention de l'Etat dans l'économie n'est que billevisée".

Il est clair que sans l'intervention de l'Etat par son budget et différents processus d'adaptation législative, la crise aurait eu des conséquences sociales beaucoup plus importantes.  Le choc social a été très atténué et les banques ont été sauvées par le soutien massif de l'Etat.  On peut regretter que l'état n'en ait pas fait assez; on ne peut nier qu'il a joué son rôle dans l'atténuation de la crise et l'empêchement d'une situation de dépression.

Sans les actions à peu près coordonnées de l'état et de la banque centrale (le premier acceptant de s'enfoncer dans la dette et le second de la financer par la planche à billets)  nous aurions eu une dépression à la hauteur  du "crédit crunch" formidable qui se mettait en place. Critiquer l'état au moment où il vient de jouer son rôle, est-ce réellement  pertinent ?  On peut débattre du rôle de l'état pas de la nécessité d'une action de l'état. L'important est qu'elle soit pertinente.

2. Un des aspects qui aurait pu être plus légitimement relevé est que le secteur global de l'état compte en France pour près de 25% du PIB là où il ne contribue ailleurs qu'entre 15 et 20%. Ce secteur n'est pratiquement pas touché par les crises conjoncturelles. On a donc traditionnellement une baisse du PIB moindre que les autres.  Il ne faut pas s'en féliciter. En général la crise est dans le secteur marchand pire que chez les autres.   Un défaut  de structure peut fausser les interprétations.  Cela n'a pas manqué.  Il faut le condamner.  Ce secteur sur protégé et sous productif pèse tout le temps, en haute comme en basse conjoncture.  Revenir à un secteur public ne dépassant pas 20% du PIB est une nécessité en France.

3. "Le retour à la croissance molle n'a été obtenu qu'au prix d'une relance de la consommation financée par la dette publique".  C'est parfaitement vrai mais cela n'est pas nouveau : nous sommes dans cette situation depuis 1974 !  Nous ne sommes pas arrivés à un taux de 400% d'endettement par rapport au PIB en cinq minutes.   Et l'état n'est pas seul en cause puisque l'essentiel de la dette est privée.  Depuis 1974 nous n'avons plus de modèle de croissance.  L'énarchie compassionnelle de droite et le socialisme de gauche se sont conjugués pour chercher la solution dans la dette et la dépense publique. Ce modèle est à bout de souffle. Mais ce n'est pas un projet intellectuel puissant et assis sur des analyses ; juste une facilité politique. qui d'expédients en expédients nous a mis dans la nasse.

4. Nicolas Baverez serait plus pertinent s'il cherchait les sources réelles de cet endettement massif, un point qu'il élude et qui est fondamental. La France est une partie d'un ensemble qui a connu le même schéma.  Nicolas Baverez ne comprend pas les causes monétaires de la crise permanente qui s'est installée depuis 1974 et l'abandon des changes fixes.  Du coup il reste dans le constat des conséquences sans pouvoir préciser les causes ni les remèdes.

5. Les chiffres donnés sur les conséquences de la crise sur fond de politique économique multi décennale absurde  ne sont pas tous incontestables (en particulier ceux des coûts salariaux respectifs français et allemands)  mais ils donnent  une image vraie de la réalité. La France est mal partie.  La rupture promise par Nicolas Sarkozy n'a pas eu lieu.  Et on s'enfonce dans la médiocrité d'un pays drogué à la dépense publique et pourris d'impôts.  

6. "Le redressement de la compétitivité constitue la priorité nationale"

Ici il faut faire attention aux mots. La France a une économie très compétitive mais beaucoup trop étroite et qui rétrécit comme une peau de chagrin.

La valeur ajoutée du secteur marchand ne suffit pas à couvrir les dépenses publiques !  Même en rendant encore plus productif notre moignon nous n'arriverons à rien. Ce qu'il faut c'est évidemment trancher  dans les dépenses improductives et les comportements  de dépenses incontrôlables.  Oui il faut supprimer l'ISF. Oui il faut supprimer les 35 heures et repasser aux quarante heures dans les Hôpitaux et les administrations centrales et locales. Oui il faut supprimer la couverture du petit risque médical .  Oui il faut supprimer le mille-feuilles administratifs . Oui il faut transférer une partie des charges sociales sur la TVA ; oui il faut réformer à la hache les grandes administrations et les administrations locales. Oui il faut remettre en cause les privilèges aberrants des ouvriers du livre ou des grutiers et des dockers. Oui il faut remettre en cause les indemnisations des intermittents du spectacles.

En un mot il faut revenir entièrement sur le mode de fonctionnement de la société française  et son intempérance fiscale et dépensière.

Nous devons changer de modèle économique.

Mais cette politique réussira d'autant mieux que le système monétaire  international  sera de nouveau  basé sur la coopération des états en vue du plein emploi général. Eviter les doubles pyramides de crédits, les gonflements incontrôlable d'une dette elle-même  incontrôlable, les politiques laxistes ou mercantilistes est la première priorité.  

Finalement la critique principale que nous faisons à Nicolas Baverez est son impuissance à comprendre qu'un changement de système monétaire pourrait nous remettre très vite dans la bonne direction. Le déclin n'est pas une fatalité !  La situation est catastrophique mais pas désespérée. Encore faut-il quitter les visions trop générales et s'attaquer précisément aux blocages cruciaux avec un minimum de sens de l'observation, de compétence et d'énergie.

Commentaire
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