C'est fini : les leçons de la crise ne seront pas tirées.
C'est fini : les leçons de la crise ne seront pas tirées.
Les crises ouvrent des fenêtres par lesquelles l'esprit de réforme peut s'engouffrer. Les désastres sont parfois propédeutiques. Des idées longtemps bloquées peuvent trouver un auditoire plus attentif. Des leçons longtemps ignorés peuvent être tirées. On peut même parfois changer totalement de paradigme. La crise de 1929 avait dynamité l'orthodoxie précédente, basée sur l'étalon or et la sagesse budgétaire. Elle avait profondément secoué le corpus d'interprétation économique et provoqué des vagues de changements un peu partout : la statistique économique avait explosé ; le rôle de l'état s'était étendu etc.
La crise de 2007-2010 n'aura pas eu cette vertu. La fenêtre de réforme qui s'était timidement ouverte est maintenant refermée. Elle aura de ce point de vue suivi le modèle de la crise de 92-93 dont strictement personne n'avait voulu tirer les conséquences. On se rappelle que cette crise fut carrément niée. Pour les économistes américains la crise de 92-93 est un non évènement. Elle sera classée parmi les conséquences désagréables de la" guerre du golfe". L'accident boursier qui l'avait précédé était "un e crise des ordinateurs", donc un épiphénomène. La crise qui suivra, en 98 sera considérée comme une "crise des pays émergents" liée au fait que ces pays étaient dirigés par des gouvernements pourris et leurs "cronies".
C'est le moment ou Kenneth Rogoff, économiste en chef du FMI, expliquera que les crises étaient de moins en moins graves et qu'une mode stupide laissera croire que nous étions désormais entré grâce à la mondialisation financière et aux NTIC (les nouvelles technologies de l'information et de la communication) dans une période de croissance indéfinie. Ces inepties sombreront avec la crise de 2001-2002. Mais cette fois là encore on esquivera toutes les questions qui fâchent. Pour mieux préparer la "Grande récession".
La volonté de ne pas voir, de ne pas comprendre est absolument gigantesque. L'aveu par Alan Greenspan qu'il s'était trompé et avait surestimé la capacité des marchés à s'autoréguler ne changera finalement rien à l'affaire. Une réforme minimale du système bancaire aux Etats unis ; quelques règles sur le capital des banques en Europe ; et ce sera tout.
Après tout la vulgate qui veut qu'on sache maîtriser les crises grâce à du déficit budgétaire et une ouverture totale des vannes monétaires a marché. Alors pourquoi remettre tout en cause ? Certes, la masse des dettes et des déficits et impressionnante et il ne faudrait pas qu'une crise se produise trop vite. Certes l'Euro est écartelé et en risque d'explosion. Certes les circuits commerciaux internationaux sont brouillés. Certes on ne voit plus trop quels sont les ressorts de la croissance possibles dans bien des régions. Certes ! certes ! certes !
Mais grosso modo le système a tenu, alors reprenons le cours de nos vies antérieures en pensant à autre chose. Le chômage comme après 92-93 ne diminuera qu'au bout de quelques années. Il avait fallu attendre 1997, soit quatre ans après la crise, pour qu'il baisse. Attendons donc avec confiance 2013-2014. Les pays développés connaîtront une croissance faible mais le Bric continuera sur sa lancée. Pour les banques et les entreprises mondialisées, l'important est de ne pas rater les positions à prendre sur ces marchés. Alors que les états nous fichent un peu la paix avec leur réglementations ridicules. Les pays développés sont surtout des pays de vieux qui ne nous intéressent plus trop.
Le temps des Cassandre est passé. Comme toujours les délais de l'édition vont nous valoir une série de livres sur la fin du capitalisme au moment même où il va reprendre à peine moins "unfettered".
Jusqu'à la prochaine crise.
Personne finalement n'aura réalisé qu'une meilleure compréhension des causes réelles de la crise aurait permis de l'éviter ou de la réduire de façon moins coûteuse, sans créer les conditions de la crise d'après. Ni qu'il serait possible de viser le plein emploi même en Europe et une croissance mondiale harmonisée.
L'occasion aura été perdue.
Lors de la prochaine explosion des analystes diront : c'est curieux, personne n'a tenu compte des leçons de la "grande récession". Au premier rayon de soleil toutes les réflexions se sont envolées. On s'étonnera avec componction.
C'est maintenant qu'on devrait s'étonner. Et même remettre en cause cette passivité dommageable.
Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Ne faut-il pas croire que les fictions financières finiront par ne plus avoir raison de la réalité visible telle que les vraies gens la perçoivent réellement ?