Quel modèle de relations économiques internationales ?

Comme toujours après une récession décennale la mode et l'esprit ambiant sont  à la remise en cause du libre échange.  Le chômage est élevé et les gouvernements sont sommés d'agir.  Restreindre la concurrence  étrangère est quasiment un réflexe.   Le rejet porte aujourd'hui sur la "mondialisation" et même sur la simple construction européenne.  Les mouvements de capitaux, d'hommes et de marchandises deviennent suspects.  Toute récession est d'abord porteuse d'une régression de l'humanisme  et d'un repli identitaire.

Les "élites mondialisées" deviennent de sombres suspects.

Faut-il réellement revenir sur les libertés internationales nouvelles qui se sont épanouies dans les trente dernières années  et notamment les libertés économiques fondamentales ?

La réponse est naturellement non mais cette position doit s'accompagner immédiatement d'un important codicille : les libertés s'organisent.  Une organisation peut être bonne ou mauvaise. Une mauvaise organisation des libertés peut conduire à des  catastrophes  ou tout simplement à de mauvaises performances. Une bonne organisation peut être bénéfique.

Prenons la liberté des mouvements de capitaux. Permettre aux capitaux de s'investir là où des perspectives sont intéressantes  ne saurait être considéré comme contre productif.  En revanche  une organisation monétaire de changes flottants où 98% des mouvements de capitaux sont déterminés par des ordinateurs à des fins de pure spéculation à court terme permet-elle d'assurer le meilleur emploi de la liberté des mouvements de capitaux ? Nous pensons que non.

De même la liberté des échanges de biens et de services ne peut se concevoir que dans un cadre adéquat. Imposer des contraintes de production phénoménales dans un pays tout en admettant la concurrence de pays qui n'ont pas ces contraintes ne peut pas être sans conséquences. Le cas de l'industrie du médicament  en France et en Europe est significatif. Elle s'est intégralement  délocalisée en Inde et en Chine. Intégralement. On n'est plus dans l'échange mais dans la perte de substance radicale.  Assurer la gratuité du médicament pour les consommateurs, encadrer toute l'activité de production avec des contraintes de prix et derèglementation,  favoriser les génériques, bloquer au nom du principe de précaution pratiquement toutes les recherches et les expérimentations,  tout en ouvrant intégralement les frontières, tout cela ne pouvait qu' aboutir à un pareil désastre.  

Il est tout aussi évident que la mise en place d'un système d'aide à la personne fondé sur la gratuité et la subvention  indifférenciées  aura un effet polarisateur direct  sur les mouvements de migration.  Dire à un pauvre d'un pays pauvre : si tu arrives à venir en France tu auras le droit à un logement, à l'éducation, à la santé, et même un revenu minimum sans travailler que tu pourras compléter par la mendicité  ou le travail au noir  a un effet magnétique dont les conséquences sont évidemment plus que sensibles.

Les expériences de liberté  totale ont eu lieu d'abord au sein des nations, en sachant que les tensions seraient arbitrées par une puissance centrale légitime.  On voit bien que l'Europe qui est une zone d'extension des libertés totales  ne peut bien fonctionner qu'avec une certaines centralisation de la gouvernance et une harmonisation des réglementations et des conditions de vie.  Nous vivons aujourd'hui  dans le domaine monétaire avec la Grèce et les pays de l'Euroland surendetté,  dans le domaine commercial avec  le mercantilisme allemand, dans le domaine des mouvements de personnes avec l'éparpillement des ROM  hors de Roumanie et de Bulgarie, des tensions qui ne peuvent pas être calmées par les bons sentiments ou les pétitions de principes.  Il faut un cadre de fonctionnement différent de ce qui est en place.  

Prétendre qu'une expérience de liberté totale peut fonctionner pour le monde entier sans qu'aucune des conditions de bonne organisation de ces libertés et de bonne gestion des tensions qu'elles génèrent ne soit  mise en place est du domaine de la gageure.

La méthode qui consiste à dire : mettons en place les liberté et les structures devront s'adapter de crises en crises  a des adeptes.  Les conséquences peuvent être désastreuses mais, diable, le désastre porte sa pédagogie.  C'est en gros la méthode employée en Europe. Mettre systématiquement la charrue avant les bœufs  c'est bien sauf quand les bœufs ravagent la charrue en la piétinant.  On voit aujourd'hui que cette méthode a provoqué un véritable rejet dans les différentes opinions publiques européennes  et  qu'elle suscite des effets délétères pour l'avenir de l'Union Européenne.

Nous préférons pour notre part un système d'irrigation avec écluses et pompes à une force brutale de torrents alternativement secs  ou bouillonnants.  Bien sûr  qu'il faut que  l'eau circule. Mais pas en n'importe quelle quantité et pas n'importe comment.

Des libertés totales avec un simple système de normes  gérées par des organismes genre OMC, cela ne marche pas.

Oui il faut un système monétaire international organisée.

Oui il faut  tenir compte des différences de conditions de production dans les échanges de produits.

Oui il faut faire attention à l'ouverture des "droits à" dès qu'il a des possibilités migratoires.

Cela peut conduire à des positions en apparence contradictoires. Nous avons été en faveur de la circulaire Bolkenstein  et en même temps nous regrettons la suppressions du tarif extérieur commun de l'Union européenne.  Nous sommes contre la taxe sur les transactions financières tout en étant pour des changes fixes.  Nous sommes pour l'exercice en Europe de toutes les libertés publiques indépendamment de la nationalité des membres de l'Union, mais pas à l'ouverture à tout va de l'Europe à qui en fait la demande  sans organisation des transitions nécessaires.  

En vérité le débat doit être sur les modes d'organisation des libertés  économiques pas sur les libertés elles mêmes



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