Le bilan de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy est depuis ce soir candidat à sa réélection comme Président de la République Française. Il est naturel de tirer le bilan de sa mandature. Nous ne cherchons ici qu'à juger la partie économique.

On pourrait se contenter des résultats constatés en fin de mandat en terme de chômage, 10% de la population active et à peine 16.000.000 de salariés actifs (sur 65-66 millions de résidents, soit à peine 25% de la population…), d'endettement public, qui se rapproche des 100%,  de commerce extérieur, fortement déficitaire, de budgets  étatique ou sociaux, toujours fortement déficitaires, de part de marché mondial, en régression, de taux d'insertion des jeunes, calamiteux.

En face de ce désastre on peut citer que les banques ont résisté, sauvegardant l'épargne des Français, qu'il n'y a pas eu de véritable plan de rigueur avec même une hausse du revenu des personnes au travail. Ce n'a pas été le cas partout.

Mais après quatre ans de crise ouverte, nous entrons à nouveau en récession.

Compte tenu de la crise mondiale qui a frappé fort les économies depuis 2007, il s'agit d'un bilan navrant mais dans la bonne moyenne. Il y a fort à parier que le débat électoral verra les oppositions évoquer le bilan "inexistant" et les gouvernementaux mettre en avant cette bonne moyenne.  Et tous deux auront raison en même temps. La situation est navrante et les gouvernements français de M. Fillon ont géré la crise avec prudence en aboutissant à des résultats qui sont loin d'être pires que ceux de nos voisins d'économie comparable.

La vraie question est plutôt de savoir si on aurait pu faire mieux et précisément comment. Pour cela il faut une grille d'analyse de la situation économique en 2006 et analyser si les questions pendantes à ce moment là ont commencé à connaître un début de réponse. Après tout, si malgré la crise mondiale, on avait réellement progressé dans la résolution de difficultés récurrentes, ce ne serait déjà pas si mal. Si en plus on avait traité aussi bien les causes que les conséquences de la crise, ce serait parfait. L'état de l'économie ne serait sans doute pas excellent mais au moins on aurait fait au mieux et préparé l'avenir.

Qu'espérer de plus d'un président ?

 

Quels étaient les défis connus en 2006 ?

Pour la France :

- Structurellement la France était bloquée par un excès majeur de dépenses publiques. Cet excès avait comme corollaire  une fiscalité excessive, pouvant dépasser 100% du revenu des contribuables, et portant beaucoup trop sur l'entreprise, perpétuant un capitalisme sans capitaux et avec des capitalistes stigmatisés et tentés par le départ. 

Il était indispensable d'arrêter l'arrosage général de subventions aussi bien en terme de budget national, de budget des collectivités locales, que de budget de la sécurité sociale. Et réformer la structure fiscale à la fois pour éviter des exactions dommageables et une sous-compétitivité permanente.

- Politiquement l'optique du "ni ni"  poursuivie par Chirac faisait que toutes les mesures malthusiennes qui s'étaient accumulées depuis trente ans,  notamment les 35 heures, la pénalisation totale de la vie de l'entreprise, l'accumulation des règlementations tatillonnes, la rigidité invraisemblable des relations sociales, se conjuguaient pour rendre extrêmement difficile l'investissement et l'embauche. La sanctuarisation des "avantages acquis", notamment en matière de retraites, le refus de toutes réformes d'envergure "du fait de la fragilité du tissu social français" créait des situations intenables, alors qu'on avait sous traité à l'Europe les relations économiques extérieures et que l'Union avait quasiment supprimé toutes les écluses vis-à-vis des concurrents du monde entier.

On demandait à un obèse entravé de gagner les jeux olympiques.

Pour l'Europe.

Il était clair que la vision opérationnelle était celle d'une Europe lavette ne prenant parti sur rien et zone d'ajustement de toutes les pressions des autres. L'Europe empêchait mais ne stimulait point tout en mettant tout le monde sous le feu de règlementations tatillonnes en internes et laxistes s'agissant de l'entrée de produits et de services provenant d'ailleurs.

La grande difficulté était surtout les défauts de la gouvernance de l'Euroland. Le système mis en place était une gestion par la norme sans aucune instance de pilotage et d'ajustement aux conditions extérieures ou intérieures. Tous les avertissements donnés lors de la campagne de Maastricht avaient été repoussés du pied.  Les politiques en étaient à rire des contraintes du traité et proposaient de s'en affranchir gaiment, notamment M. Sarkozy en tant que Ministre des Finances.  L'inconscience en matière de gestion d'une zone monétaire unifiée était absolument totale aussi bien dans le monde politique que dans la presse, en dépit de la poussée de "nonisme" qui avait entraîné le blocage du projet de "constitution".

On sentait bien que le monétarisme absolu intégré dans les statuts de la Banque Centrale Européenne, avec un objectif exclusif de stabilité des prix d'un panel de produits de consommation,  associé à une ouverture totale des frontières aux mouvements de capitaux, de marchandises et de personnes, laissait entrevoir bien des difficultés.  Mais l'Euro "nous protégeait" et il n'y avait rien à redire, rien à analyser, rien à faire. Les divergences de compétitivité à l'intérieur de la zone n'étaient jamais évoquées. Chacun faisait ce qu'il voulait.

Rétrospectivement le refus absolu de réfléchir sur la question du mode  de gestion d'une zone monétaire unifiée alors que les politiques restaient totalement libres sauf deux objectifs statutaires portant sur les déficits publics et l'endettement global, reste ahurissant. Toute critique était considérée comme indigne et son auteur voué aux gémonies. Pauvre Maurice Allais  qui avait osé à pas d'âge lancer d'ultimes avertissements !   

Ce blocage intellectuel n'était cependant rien devant le néant absolu de la réflexion sur les défauts du système monétaire international. Là on est dans le monde du tabou invincible. Le système des monnaies administratives gérées par des banques centrales indépendantes et dont la valeur respective serait déterminée par les marchés financiers libérés de toutes entraves en dépit des différences de systèmes et de politiques, était bon et le seul bon. Il était hors du champ de la critique et de la réflexion. Chacun faisait ce qu'il voulait et que le meilleur gagne, étant bien entendu que le dollar était la monnaie mondiale et que la FED considérait que le "benign neglect" était la bonne attitude à avoir.  

Ce système de cinglés avait comme conséquences, visibles comme le nez au milieu de la figure, une baisse du trend de croissance mondial et une amplification massive du cycle quasi décennal, amenant des crises périodiques dont chacune était "la plus grave depuis 1929" (74,92,2009). Il permettait par le mécanisme de la double pyramide de crédits une hausse permanente dans les pays développés du taux d'endettement global vis-à-vis du PIB. On avait passé les 200% puis les 300% et on commencait EN MOYENNE à atteindre les 400%, certains pays aventureux caracolant bien au-delà.

Pendant 10 ans de 1997 à 2007 nous n'avions pas nous-mêmes cessé de crier casse cou haut et fort, annonçant que la crise à venir serait extrêmement sévère car cette situation était impossible à maintenir. Mais là, rien à faire.  La France des économistes officiels était muette. Le monde anglo saxon avait imposé son credo. La presse refusait tout article sur le sujet. Le système monétaire international était une vache sacrée, chiante et compliquée de surcroît. Silence.

Au total on demandait aux entreprises françaises de financer un état obèse, alors qu'elles étaient entravées de partout, dans un système européen ouvert à tous les vents mais sans réflexion ni politique autre que monétariste, aboutissant à une Euro surévalué empêchant largement la croissance, dans un système monétaire international fou et conduisant le monde à une crise majeure, mais chut il ne fallait pas le dire.

Honnêtement une telle conjonction n'offrait à aucun candidat en 2006 des perspectives affriolantes. Impuissants intellectuellement et pratiquement sur les deux aspects les plus graves, la réforme de la gestion de l'Euroland et celle du système monétaire international, il ne leur restait guère qu'à libérer un tant soit peu la France du fardeau de ses dépenses publiques et de ses blocages,  à mettre fin aux situations intenables et à accroître sa compétitivité, tout en se préparant à une crise très dure.

La France a choisi celui qui lui proposait la "rupture".

Au terme de son mandat, sur les trois terrains de jeu, français, européen et mondial, quel aura été l'impact de Nicolas Sarkozy, compte tenu qu'il n'a pas voulu voir venir la crise et qu'il devra s'y adapter en urgence ?

Le système monétaire international n'apparait dans le champ de vision de Nicolas Sarkozy qu'en septembre 2008, alors que le blocage du marché monétaire date de fin juillet 2007. Comme la majorité des analystes il ne comprend pas ce blocage. C'est une crise américaine qui restera cantonnée aux Etats-Unis.  Pas la peine de s'en préoccuper, même s'il ya des effets de bords pour les banques et les épargnants français.  La brusque réalisation en septembre 2008 qu'on est à la veille d'une crise majeure le pousse, justement, et avec une rapidité d'analyse qu'il faut louer, à créer le G.20 et à demander un nouveau "Bretton-woods".

Mais ce ne sont que des mots. Il n'a pas de projets réels de transformation du système des monnaies administratives et des changes flottants. Privé de doctrine son discours flanche dans le moralisme à trois sous : la finance c'est mal ; il faut changer les règles comptables, la rémunération des traders et le rôle des agences de notation. Haro contre les paradis fiscaux ! Sus aux vilains. Il rend les armes sur les trois questions clefs :

- le rôle du dollar et du "benign neglect"

- les mercantilismes chinois et allemands

- la liberté absolue des mouvements de capitaux et les changes flottants.

Finalement le G.20 choisira le statu quo et l'espérance que la crise se résoudra toute seule avec les moyens classiques (plans de relance et laxisme monétaires des banques centrales). Nicolas Sarkozy endosse cette politique.

C'est la cause principale du fait que nous sommes toujours en crise et que nous abordons la quatrième année avec la perspective d'une nouvelle récession.

On peut choisir deux explications : Sarkozy n'a rien compris ; il a compris mais il n'a rien pu faire.

Admettons qu'il n'a pas aidé par ceux qui auraient du lui fournir une armature théorique et pratique solide. Le FMI a été au dessous de tout. Dominique Strauss-Kahn était manifestement surévalué comme économiste. Il a montré dans l'affaire une incompétence effarante qui, personnellement, ne nous a pas surprise : depuis des lustres à chaque fois qu'une grande sottise économique a été annoncée, ce garçon était pour,  voire à son initiative ! La réputation économique de ce Monsieur nous a toujours paru totalement étrange. Il n'a pas vu venir la crise ; il ne réagira que très tard ; il ne proposera rien d'utile et surtout il ne donnera pas au monde le canevas essentiel qu'aurait été un bon diagnostic et une cap.

Quant aux autres économistes officiels français, ils n'ont pas vu venir la crise et ils en sont resté pendant des mois à l'idée qu'on ne leur avait pas dit combien les subprimes étaient oiseuses. On leur avait tout caché à ces malheureux. Le résultat ils ont chanté la fausse chanson : c'est la faute à Wall Street ; c'est la faute aux subprimes. Comme s'il était difficile de voir qu'avec 400% de taux d'endettement global vis-à-vis du PIB, une masse énorme de dettes était privée de toute réalité économique et qu'elle s'effondrerait avec la puissance d'un tsunami !

Oui il y avait bien tabou et blocage intellectuel général. Constatons que Nicolas Sarkozy n'a rien fait pour lever ces blocages bien qu'il en ait été averti (nous avons écrit en ce sens au Président de la République en juillet 2009 ! ). Il devrait réaliser maintenant où cela l'a mené et il gagnerait à ramasser le flambeau maintenant qu'il est à nouveau candidat. M. Guaino, pourriez vous faire quelque chose en ce sens ? Je sais, c'est emmerdant...  Mais vous auriez pu prendre date dès 2009 et vous auriez de meilleures armes pour infléchir la politique internationale dans ces domaines si NS était réélu !

L'Europe sera comme le système monétaire international un désastre intellectuel doublé d'un désastre pratique. Pendant deux ans on croit à l'Elysée que l'Euro nous protège. On se félicite de ne plus avoir de Franc qui aurait été balayé dans la tempête de septembre 2008 provoquant une hausse terrible et probablement insurmontable de la dette étrangère, convertie en Franc. Le défaut de paiement était possible. Vive l'Euro !   On relance, en déséquilibrant massivement des comptes publics qui l'étaient déjà lourdement,  et on sauve les banques en cautionnant leurs dettes les plus dangereuses. La BCE lâche suffisamment de liquidité pour passer un temps le "crédit crunch" provoqué par l'effondrement du système international de dettes qui s'était mis en place. Mais on ne voit pas qu'on a ainsi rendu extrêmement vulnérable la dette d'état qui gonfle de façon telle qu'un doute s'installe sur son caractère soutenable.

C'est d'autant plus étrange que la crise dite  "grecque" a commencé dès 2009. Alimentée artificiellement par l'Europe depuis des années, la Grèce, pays sans Etat et sans moralité publique, fondée sur les clans et la culture des "coups", où l'industrie est très faible et le clientélisme clanique très fort, vit à crédit depuis 1981. Tout le monde, à commencer par les fonctionnaires, s'est gobergé sans limite. On a multiplié les salaires, les avantages, les droits acquis. Merci l'Europe, merci les financements internationaux créatifs. La Grèce est KO et en grand danger de faire défaut. 

On mettra tout de même deux ans à constater que les statuts de la BCE ne permettent pas de financer des états, que la devise de la Grèce ne peut être dévaluée. Le seul chemin qui reste est la récession contrôlée, une déflation sévère avec remise en cause radicale de toutes les fausses "avancées" arrachées pendant 20 ans de tricherie généralisée. Trois ans après on en est encore à discuter de l'ampleur du défaut déguisé en "hair cut",  et à faire admettre aux Grecs l'amère potion, condition d'un financement de sauvetage.  

Et la France, comme la Grèce, le Portugal, l'Espagne, et l'Italie se trouvent exactement dans le même cas.  En cas d'asphyxie du refinancement, la dépression  est la seule voie.

Que faire ? Réformer la zone Euro ? Constater que son organisation est fautive ? Remettre en cause les statuts de la BCE ? Admettre l'exclusion de la Grèce et éventuellement du Portugal  de l'Euroland ? Les milieux européistes ne le veulent pas. L'Allemagne ne veut pas payer et demande un renforcement des corrections  d'attitudes et de pratiques dans les pays en cause.  La France, donc Nicolas Sarkozy, refuse de prendre la tête d'une croisade qui démontrerait que la voie proposée est sans issue. Il emboîte d'autant plus vite le pas de l'Allemagne que la note de la France est en cause. Elle sera finalement dégradée. 

Nous en sommes à essayer de sacraliser un nouveau traité marqué par la rigueur et les promesses de vertu avec sanctions internationales à l'appui.

Le bilan est tragique.  Voici la France à la remorque de l'Allemagne, sommée de trouver des dizaines de milliards pour sauver l'idée européiste de la monnaie unique et sans aucun levier pour faire face aux conséquences de la crise : la BCE ne s'occupe toujours pas des Etats et la gestion externe de la valeur de la monnaie échappe à tout le monde. 

Quant au nouveau candidat Sarkozy  à part crier Vive l'Euro, vive la BCE et vive les changes flottants que peut-il dire ? La question de la gestion de la zone monétaire unique est posée. Sauf dans le débat présidentiel, sinon, jusqu'ici, par des candidats marginaux. Celle du système monétaire international ne l'est par personne. C'est encore plus simple. Et on s'étonnera que la crise dure !  

Reste la France.

Nicolas Sarkozy aurait pu et du prendre dans le domaine fiscal les mesures qu'au fond tout le monde attendait de lui et qui n'auraient pas générer plus de criailleries que celles qu'il a du entendre.

Il fallait :

- faire la paix avec les entrepreneurs et les Français fortunés en :

               - supprimant l'ISF, en le remplaçant "franc pour franc" par une ou plusieurs tranches surtaxée de l'Impôt sur le revenu.

               - faisant revenir en France les capitaux qui avaient fui depuis 1981 grâce à une très large amnistie et une taxation non spoliatrice (on attire pas les mouches avec du vinaigre), le terrain étant dès lors clarifié pour permettre à la, Suisse et d'autres paradis fiscaux de sortir dans l'honneur de leur secret bancaire abusif.  

Au total le trésor s'y serait retrouvé et le terrain du financement de l'entreprise aurait été nettoyé.

En matière de compétitivité il fallait :

- Transférer sur la TVA l'essentiel des charges sociales (autres que celles correspondant à un revenu différé), le solde étant prélevé sur les revenus de l'épargne directement ou via la CSG.

Il ne fallait évidemment pas diminuer aussi drastiquement la TVA sur la restauration ni détaxer les heures supplémentaires, deux mesures absurdes qui n'ont pas eu d'effets significatifs sinon celui d'accroitre la dette, avec un solde nul en matière de chômage.

Le pari de "ne pas augmenter les impôts" était, avec la crise, une gageure. On le fera hypocritement via des dizaines de taxes nouvelles, en associant la réforme du RMI avec une création d'un impôt nouveau sur les recettes des placements (3.5 milliards d'Euros de recettes annuelles !),  et en 2011 on finira par  lâcher tout avec des hausses directes de TVA et de l'impôt sur le revenu.

Au final lorsque les comptes de 2012 seront définitifs, on constatera que le taux de prélèvement n'aura pas diminué d'un poil de pourcent et qu'on a retrouvé les hauteurs phénoménales et intenables de 2000.

Le quinquennat fiscal de Nicolas Sarkozy aura été d'abord un leurre puis un échec cuisant.

Côté dépenses, le bilan de sa gestion n'est guère plus favorable.

Au lieu d'attaquer les abus et les inconséquences à la hache d'abordage, on a opté pour la RGPP. Nous avons écrit dès le premier jour que c'était insuffisant. Cinq ans après on voit bien que même s'il y a eu des économies, même si des tabous sont tombés, comme celui de la réduction des effectifs publics, on n'a pratiquement rien gagné.

La machine à arroser a fonctionné à plein dès la première demande. Les marins souffrent ? Arrosons. Les journaux souffrent ? Arrosons. Etc. La dépense publique est toujours à 56% du PIB, ce qui est extravagant. Elle dépasse toujours la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand. Même avec une TVA à 100% on ne couvrirait pas les dépenses !

Quant aux grandes réformes, on voit qu'elles ont toutes été des demi mesures.

Oui il fallait unifier les conditions de retraites. On l'a fait à moitié en alignant celles des anciennes sociétés nationales sur la fonction publique qui elle-même a perdu quelques privilèges particulièrement douteux.  Mais pourquoi n'a-t-on pas unifié réellement toutes les conditions ? Pourquoi conserver des privilèges pour les personnels non exposé à la compétition mondiale ? Les accords partiels obtenus ont de toute façon été l'occasion de marchandages occultes qui ont parfois aggravé les coûts !

Oui il fallait retarder l'âge de départ à la retraite ou tout du moins le nombre d'annuités pour partir en année pleine. Mais pourquoi avoir frémi : il fallait aller à 67 ans dès le départ pour tous.

Sur les 35 heures que de palinodies ! Il fallait revenir à 40 heures immédiatement surtout dans le secteur hospitalier.  Au lieu de cela !

Pour le reste des dizaines de réformettes ont été faites qui ont eu un effet très limité, souvent du fait des conditions de leur négociation. La réforme de la carte judiciaire a fait droit à tellement de demandes qu'elle coûte probablement plus cher que le système précédent.

Quant aux grands abus, on s'est bien gardé de les attaquer de front (dockers, ouvriers du livre, intermittents du spectacle, absentéisme monstrueux dépassant 30% dans certains organismes publics ou administratifs, comme à la Direction du Patrimoine…).

Le refus de mettre un terme à la gabegie dans les finances des collectivités locales qui se sont livrées, l'exemple de Paris étant le plus délirant, à des recrutements inutiles et souvent maquereautés, et à des dépenses sans rapport avec la croissance du pays, est également une faute impardonnable. On dira que les textes ne le permettaient pas. Et bien il fallait proposer de nouveaux textes.

Au terme du quinquennat de Nicolas Sarkozy la France se retrouve Gros Jean comme devant. La réforme fiscale reste à faire ; le dégonflement de la dépense publique reste à lancer sur des bases sérieuses ; l'élimination des abus les plus manifestes est toujours dans les limbes ; les réformes à moitié faites restent à finir.

On dira que ce faisant les deux gouvernements Fillon ont évité une récession qu'une politique à la Cameron aurait rendu quasi certaine dans le contexte général de crise. Ce n'est qu'à moitié vrai. On aurait pu aller beaucoup plus loin dans la réduction des dépenses publiques qu'on ne l'a fait sans que cela ne se ressente en négatif sur la croissance très faible que l'on a connue et dont une trop grande partie est le seul fruit d'un accroissement de la dette.

Que conclure ?

Ces cinq années n'ont pas été totalement perdue pour la France. Les erreurs "actives" de Sarkozy sont toutes réversibles sans grands dommages et ont commencé à être corrigées. La crise a eu sa pédagogie : la dépense publique a tout va c'est fini. Il faudra bien persister dans les réformes.

La France a été en fait gérée avec douceur, surtout à partir de 2009. L'essentiel de l'action gouvernementale a visé à calmer la panique et à permettre de surmonter sans trop de casse les effets successifs de la crise.  On a préservé les banques et l'épargne globale des Français. On a évité des paniques pires.  On a maintenu par la dette un niveau d'emploi bas mais pas plus bas que d'habitude malgré la sévérité de la crise (on avait dépassé les 10% en 93). Les transferts sociaux n'ont pas été touchés.  Les salaires ont été maintenus.

Ces résultats sont notables mais largement artificiels et intenables car trop liés à l'emprunt et à la dette et pas assez fondé sur l'activité fondamentale des entreprises et de leur compétitivité.

Intellectuellement et pratiquement les défauts du système monétaire européen et du système monétaire international ne sont pas en voie de réforme ni même malheureusement en voie d'être compris.  Les blocages intellectuels demeurent.

Le navrant constat est qu'en 2012 les mêmes questions qui étaient posées à la France, à l'Europe et au monde en 2006 le restent à peu près dans des  conditions aggravées par la crise.

On a vu que le programme de M. Hollande n'abordait aucune de ces questions. L'organisation de l'Euroland ? Connait pas. La réforme du système monétaire international ? C'est quoi cela ?  Réduire les dépenses publiques ? Non ! Réformer là où c'est le plus criant ? Pas du tout. Revenir à une fiscalité efficace, rationnelle et favorable à l'emploi ? Jamais ! C'est presque pire que Ségolène Royal.

On verra celui du candidat Sarkozy. Mais honnêtement, si on commence par un referendum pour contraindre les chômeurs à suivre une formation,  on peut se tapoter le menton.

Les Français sont certainement très malins, mais la France, décidemment est mal partie (comme l'Europe d'ailleurs et un monde dominé par les changes flottants et la guerre des monnaies).



Commentaire
Micromegas's Gravatar Le journal Le Monde interpelle ce jour les politiques, aussi bien Hollande que Sarkozy, sur la question européenne. Beaucoup croient que la question de l'Europe est centrale et ne peut pas être esquivée. On peut regretter que le journal ne le fasse que sur un plan politique (c'est un appel à un fédéralisme politique supposant des renoncements fonciers à la souveraineté nationale).

En revanche il n'y a aucune discussion technique sur la manière de gèrer une zone monétaire centralisée où la BCE n'a aucun rôle vis à vis des Etats et de la valeur externe de la monnaie.

Cela fait un peu trop "fuite en avant".
# Posté par Micromegas | 16/02/12 20:53
L. Janny's Gravatar N'est-ce pas une critique un peu techno ? Il faut aussi diriger le pays et éviter les catastrophes ! Sarkozy est tout de même moins dangereux que Merkel et sa résistance bornée, moins fermé qu'un Hollande qui semble n'avoir aucune idée sur rien. Qu'aurait donc fait Ségolène, son ex, à la place de Sarkozy ? Aurait-on eu ne serait-ce que la RGPP ? Ou la réforme des retraites ? Le PS n'a jamais formulé la moindre politique alternative. Et aujourd'hui que propose-t-il qui soit plus en ligne avec votre "grille d'analyse" ? De toutes façons, si Merkel dit non à une réforme de la gouvernance économique de la zone Euro, si les anglo-saxons disent non à un système de monnaies de valeurs fixées, que peut le président français ?

Vous ne niez pas que la politique suivie pendant la crise a été plutôt bonne. Elle a évité bien des écueils et n'a pour le moment pas fait de mal à trop de gens. Si les collectivités locales socialistes n'avaient chargé la mule on seerait mieux. Les textes ne permettent pas de les contraindre.

Vous avez le droit de critiquer l'affaire de la TVA sur la restauration ou les dégrèvements des heures supplémentaires, mais ce sont de toutes petites choses par rapport à la sauvegarde de l'épargne et des banques.

A partir de l'été 2008, moi je donne plutôt 8/10 à la politique suivie, même si la première année est à 5/10.

Merci pour votre excellent blog par ailleurs. Il m'a apporté beaucoup.
# Posté par L. Janny | 16/02/12 23:47
DD's Gravatar Oui notre critique est "techno". Mais il faut bien expliquer pourquoi la crise dure depuis quatre ans et reste aussi menaçante pour la France qui passe de plus en plus en première ligne. Si les bonnes mesures "techniques" avaient été prises en temps et en heure, aux différents niveaux de décision, en serions nous encore là ? Mais elle est aussi politique.

C'était une erreur "tecno" de croire que la crise était un simple excès de subprimes américaines.
C'était une erreur "tecno" de croire que la dénonciation des contrats financiers compliqués, des rémunérations des traders, des règles comptables, de la cécité des agences de notation, suffirait pour sortir de la crise.
C'était une erreur "techno" de batir une zone Euro sans aucun organe de pilotage et en castrant la Banque Centrale de tout support gouvernemental.
C'était une erreur "techno" de penser que des monnaies administratives s'échangeant sans contraintes sur des marchés de capitaux libres serait un système efficace.
C'était un mirage "techno" que de croire que des pays pouvaient longtemps voir leur taux d'endettement global dépasser le 200 puis 300 puis 400% du PIB.
C'était une folie non techno mais politique de s'imaginer qu'il était normal et sain de générer une
dépense publique qui excède la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand,

Ce qu'un observateur extérieur peut apporter au débat présidentiel est nécessairement techo :

- Mesurer Messieurs les politiques l'échec intellectuel pour comprendre la crise.
- Mesurer le mauvais cas dans lequel s'est mis la France avec son taux de dépense publique extravagant
- Mesurer le mauvais cas où s'est mis la zone Euro en construisant un espace sans direction opérationnelle
- Mesurer l'échec des changes flottants qui n'ont jamais marché, ne marchent pas et ne marcheront jamais.

Proposer au monde de revenir à un système de monnaies dont la valeur, définie par rapport à un étalon dont les étatgs ne seraient pas maîtres, doit être défendue par des Etats, eux mêmes responsables de maintenir leurs déficits et excedents dans des limites raisonnables, à l'Europe de bâtir les institutions et les règles qui soient compatibles avec une zone de monnaie unique et à la France de se désintoxiquer des excès de dépense publique implique nécessairement une approche théorique et technique, ne serait-ce que pour expliquer pourquoi on s'en trouverait mieux.

Alors oui nous acceptons le caractère "techno" de notre discours. Tout en admettant que les logiques politiques puissent en écarter les candidats. Même si on pense légitime qu'ils "enchantent" les citoyens par une com' habile, il nous parait tout de même que lesdits citoyens ne peuvent avoir de l'espoir que si on leur donne le sentiment d'avoir compris ce qui se passe et de proposer des solutions de sortie de crise rationnelles.

Ce début de campagne est-il rationnel ?

Expliquer qu'arrêter une production n'a pas d'importance parce qu'on va payer les anciens producteurs à détruire leur outil de travail est il rationnel ? Expliquer que d'une façon générale, l'écologie alternative étant très chere et beaucoup moins productive, il y a beaucoup d'emplois à gagner est-il raisonnable ? Depuis quand se porte-t-on mieux des arrêts de production et de coûts supplémentaires ?

Expliquer qu'augmenter la TVA de quelques pourcent a un impact immédiat sur les prix mais que réduire les charges sociales, qui représentent la moitié d'une masse salariale qui fait 60% de la valeur ajoutée des entreprises n'a aucun impact, est-ce sérieux ?

Expliquer qu'en réduisant les charges sur les heures supplémentaires les ouvriers globablement gagneront plus et que cela relancera l'économie en période de crise était-ce raisonnable ?

Etc.

Soyons techno... et un poil rationnels !
# Posté par DD | 17/02/12 11:07
letopsy's Gravatar @DD
J'apprécie votre blog pour les questions que vous soulevez et l'optique non-partisane et non-idéologique que vous tâchez de conserver, et je m'efforce de diffuser autour de moi l'intérêt pour des débats de fond analogues.

J'aimerais, comme vous je présume, que le système constitué par les politiques, les médias et les électeurs déplace son centre d'attention vers les questions à la fois de fond et d'intérêt général, au lieu de rester comme actuellement accaparé par les feuilletons électoraux et les luttes de pouvoir égoïstes.

Dans cette idée, je me permets une suggestion, peut-être naïve : en plus de vous adresser directement aux politiques, aux médias et aux électeurs, vous pourriez tenter d'utiliser des organisations telles qu'Avaaz.org. Avaaz est plutôt positionnée en force réactive, mais une dimension plus proactive semble se constituer, et leurs chargés de campagne pourraient être intéressés par les idées que vous développez concernant le niveau européen ou mondial, représentant alors un bras de levier formidable pour leur diffusion.

Quoi qu'il en soit, merci pour votre travail !
# Posté par letopsy | 17/02/12 18:50
Papyllon's Gravatar Rationnel et humain ne cohabite pas vraiment , je le conçois. D'un point de vue économique, vos commentaires sont éloquents et raisonnables. Mais pour une brebis, la vision n'est pas aussi logique.
Oui pour réduire l'assistanat, mais de là à retarder l'age de départ à la retraite à 67 ans? Pourquoi ne pas mourir au travail tant que vous y êtes!!! Pour ma part, le système par répartition est une abérration, il implique une évolution démographique intenable dans le temps.
Faire la paix avec les pauvres entrepreneurs et fortunés de France, pourquoi pas!! contraint de quitter le berceau des "lumières" pour sauver leur fortune, affligeant!! Oublions les revenus exorbitants, les inégalités...
Evidemment, il est ridicule de vouloir payer le savoir faire pour démanteler une entreprise productive, il est plus logique de prendre le risque qu'elle nous éclate à la figure. Fessenheim, agée de plus de trente ans et dans une zone sismique régulière est un détail. L'investissemnet dans les énergies renouvellables est bien entendu énorme financièrement et de loin moins productive, mais ne sera't'elle pas interessante et d'avenir à long terme? Le problème énergétique est bien un des secteurs à la base de la crise!!
Bref, pensées et actions, philosophie et politique, économos et démos sont décidement deux monde différents!! Reste une évidence, Sarko & Hollande, même combat, incompétence, incohérence, on est en effet très mal.
Merci pour votre travail remarquable, mon post n'est qu'une image émotionnelle...de crise personnelle^^
# Posté par Papyllon | 23/02/12 15:22
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
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