Leçons sur l'évolution du PIB français sur 40 ans

Le Monde a produit une belle infographie donnant l'évolution du PIB depuis 1970. Nous conseillons depuis des années à l'INSEE, à Eurostats d'abord, et aux grands organes de la PQN, de produire et de publier des séries longues.

Ce sont les plus instructives.  Alors MERCI !

Que permet de voir ce beau graphique  ?

- Il existe un cycle quasi décennal : tous les huit-onze ans se produit une récession. Cela fait 200 ans que cela dure. Ce cycle très étudié à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème est aujourd'hui négligé, parfois même nié. C'est une grave erreur. Le cycle existe : vous l'avez sous les yeux !

- Dans ce cycle, il y a alternance d'une crise dure et d'une crise molle. 1992 et 2009 sont des récessions sévères. 1982 et 2001 sont des crises plus légères.  

- Si on avait pu surimposer la courbe des Etats-unis on la verrait exactement parallèle. Le cycle est mondial. Simplement la crise commence un peu plus tôt aux Etats-Unis et finit également plus tôt.

- Quant on regarde les taux de croissance moyen pour chaque décennies on voit que la décennie 80 baisse par rapport à la décennie 70 (qui était déjà en forte baisse par rapport à la décennies précédente), que la décennie 90 voit une croissance moyenne encore plus basse et c'est la même chose pour la première décennie du 21ème siècle.  Cela ne va pas s'arranger.

- Cycle à part nous sommes en décroissance de trend continue depuis 1971.

Depuis l'instauration des changes flottants le trend baisse et les crises s'aggravent ! Un fait qui mériterait d'être pris en compte par tous et qui ne l'est pas, notamment par les économistes américains qui du coup sont totalement à côté de la plaque. 

- Il n'y a eu que deux bonnes périodes de croissance pendant ces quarantes années :


    - celle qui correspond au gouvernement Rocard
    - celle qui correspond au gouvernement Jospin.

Les comparaisons internationales montreraient que ces périodes sont exactement les mêmes ailleurs. Elles correspondent à l'emballement de fin de cycle. qui prend toujours le caractère de bulle.

- Nous avons ajouté les taux de prélèvements. On les voit grimper presque continûment pour atteindre un sommet historique absurde en 1999.  C'est pratiquement 10 points de PIB qui a été piqué par l'Etat. Mais comme la dépense de l'état est partiellement comptée comme faisant partie du PIB, le tableau n'est pas totalement exact. En fait le taux de prélèvement par rapport à la veur ajoutée des entreprises du secteur marchand  est passé de 60% environ à 80% environ. Ce qui est colossal. Compte tenu que la dépense publique est plus de 10 points au dessus du taux de prélèvements, elle égale voire dépasse la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand !

- On voit que les récessions sont le moteur de la hausse des prélèvements. Le mécanisme est toujours le même : les gouvernements dépensent tout le surplus des périodes fastes et ensuite, le cliquet à la baisse des dépenses se met en place et on aggrave les impôts pour maintenir le financement des dépenses.  Les gouvernements  Rocazrd et Jospin, au lieu de freiner les dépenses massivement et de faire les grandes réformes qu'on ne peut faire qu'en période faste laissent filer  lorsqu'ils ne "réhabilitent" pas la dépense publique tout en aggravant les impôts.

- Ces erreurs conduiront au coup de massue fiscal de Juppé et à l'inexcusable cagnotte de 1999 avec un record de prélèvements que Fabius commencera à résorber.

- On voit que le septennat Giscard a été un septennant fiscal, aggravé par le Plan Barre.
 
- On voit que la croissance française ne s'est jamais totalement remise du programme commun de la gauche.  On ne retrouvera plus jamais les taux de croissance connus depuis 1945.

- On voit que le gouvernement Jospin n'a rien compris aux nécessités économiques.  Les 35 heures ont  cassé la reprise qui aurait du se produire entre 2005 et 2007. Les fers aux pieds la production française ne parvient pas à exploiter la période de croissance mondiale.  Elle perd inexorablement des parts de marché dans le commerce mondial.

- On aurait pu surimposer la courbe de la dette globale . On verrait le passage des 200%, puis des 300% et enfin des 400% avec à chaque fois le coup d'accélérateur des récessions décennales.  Cette courbe n'étant pas publiée personne ne la connait ni ne prend conscience qu'elle est tragique : elle marque que quelque chose va casser car le taux d'endettement global est intenable.

En fait la crise du marché bancaire de 2007 marque le début de la fin de la période de croissance (molle mais croissance tout de même) : la crise décennale arrive et fait sauter le nuage de dettes.  C'est aussi simple que cela.

Nous y sommes encore.

Il nous faut réduire les dépenses publiques, purger nos dettes, et revenir à un taux de prélèvements qui ne dépasse pas 35-37% du PIB en fonction de la conjoncture.

Une fois de plus nous félicitons le Monde de sa bonne initiative. Nous lui suggérons deux tableaux de même durée :

- l'emploi salarié rapporté à la population totale

- le taux d'endettement global (banques, particulierrs, état, entreprises) par rapport au PIB.

Ses lecteurs pourront lire les paroles de deux chansons économiques sinistres :

- la sortie de la France de l'emploi salarié (25% là où buien d'autre sont au dessus de 30%). Il manque environ 10 millions d'emplois salariés en France, fait entièrement correlé à la hausse des prélèvements.

- la montée du nuage de dettes qui vient de nous tomber sur la tête et le rôle du cycle dans ce mécanisme.

Ajouter des courbes portant sur nos principaux partenaires est également très instructif.

Observer les faits avant de les commenter est toujours mieux que ne pas les voir ou ne pas en parler ou dire n'importe quoi.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.    



Commentaire
Julien L.'s Gravatar Réellement très intéressant. Merci de ces analyses qui ne sont jamais faites dans les médias. .
# Posté par Julien L. | 19/02/12 13:53
Locaterre's Gravatar Bonjour.

"Il existe un cycle quasi décennal"
Faites-vous référence au cycle Juglar ?
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_Juglar

Si oui...
"Cela fait 200 ans que cela dure"
... n'était-il pas délicat de tenter d'en déterminer les causes en analysant "seulement" les 40 années 1970-2010 ?

"Le cycle est mondial"
Mondial est-il synonyme d'Occidental ?

"On voit que les récessions sont le moteur de la hausse des prélèvements."
Il me semblait avoir lu, chez certains économistes, l'argument inverse, à savoir, que l'excès de prélèvements pouvait être considéré comme une des causes des récessions ?

"On aurait pu surimposer la courbe de la dette globale . On verrait le passage des 200%, puis des 300% et enfin des 400% avec à chaque fois le coup d'accélérateur des récessions décennales."
Donc l'incidence de la loi de 1973 est dramatique, c'est bien celà ?

"la sortie de la France de l'emploi salarié (25% là où bien d'autre sont au dessus de 30%). Il manque environ 10 millions d'emplois salariés en France"
Dans un reportage récent sur LCP, un patron d'une PME textile, ayant réussi à maintenir sa production en France, indiqué que l'OMC avait "officieusement" demandé à la France de "lâcher" l'industrie textile pour un transfert de cette activité en Afrique du Nord. Si on admet qu'il ait pu en être de même pour d'autres secteurs d'activités manufacturières ou industrielles (sidérurgie...), a-t'on connaissance du pourcentage d'emplois ainsi perdu ?

"On ne retrouvera plus jamais les taux de croissance connus depuis 1945."
Pouvait-on réellement espérer garder les taux de croissance lié à la reconstruction d'après guerre ?

Merci
# Posté par Locaterre | 22/02/12 11:06
DD's Gravatar "Il existe un cycle quasi décennal"
Faites-vous référence au cycle Juglar ?
... n'était-il pas délicat de tenter d'en déterminer les causes en analysant "seulement" les 40 années 1970-2010 ?


Il ne faut pas personnaliser ainsi les faits économiques. Juglar a été trop loin dans la modélisation mathématique et statistique et cela l’a conduit à des erreurs de prévisions monstrueuses.

Ce qu’il faut simplement constater est qu’il y a depuis le début de 19ième siècle des crises périodiques d’une périodicité de 8-11 ans. Dans l’exemple donné on remonte jusqu’au début des années 70 parce que tel est le graphique donné par le Monde. Mais on peut remonter à la crise de 63 en France, à la crise de 52, à la crise de 1938, à la crise de 29, à la crise de 1921 etc.

L’explication de la crise quasi décennale est liée au cycle du crédit et au taux d’oubli des investisseurs. C’est une crise classique du système capitaliste basé sur le crédit. Tout système de crédit a tendance à surchauffer au bout d’un moment et il faut nettoyer les conséquences.


"Le cycle est mondial"
Mondial est-il synonyme d'Occidental ?

Non. Il vaut pour toute économie basée sur le crédit.

"On voit que les récessions sont le moteur de la hausse des prélèvements."
Il me semblait avoir lu, chez certains économistes, l'argument inverse, à savoir, que l'excès de prélèvements pouvait être considéré comme une des causes des récessions ?

Il ne faut pas confondre le structurel et le conjoncturel. La hausse des prélèvements étouffe la croissance. Le trend français est constamment ralenti par la hausse des prélèvements comme le prouve le graphique..

En revanche une récession coupe les recettes des états qui ne veulent pas réduire la dépense. Ils augmentent les impôts (effet cliquet dénoncé depuis maintenant trente ans). Le plus souvent trop. Et lorsque la croissance finit par repartir la pression fiscale ré-augmente par le simple effet de la progressivité globale. Le cycle conduit donc à une aggravation constante du taux d’impôt, en même temps que le trend du fait de la progressivité moyenne du système fiscal.


"On aurait pu surimposer la courbe de la dette globale. On verrait le passage des 200%, puis des 300% et enfin des 400% avec à chaque fois le coup d'accélérateur des récessions décennales."
Donc l'incidence de la loi de 1973 est dramatique, c'est bien celà ?

La source est l’abandon des accords de Bretton Woods dès 1971 qui a fortement amplifié le mécanisme de la double pyramide de crédits. La loi de 73 qui impose aux Etats d’emprunter auprès des banques et de ne plus se faire financer par la planche à billets est comme la constitutionnalisation de la règle d’or : un mécanisme bien intentionné mais qui est trop rigide en cas de crise majeure.

Il n’est pas difficile de montrer que le financement par la planche à billets d’un déficit budgétaire entraîne ipso facto le déclenchement d’un effet multiplicateur sur le crédit qui n’est fondé sur rien et qui débouchera pratiquement tout le temps sur de l’inflation ou une surchauffe.

Si, en théorie, le financement de l’aspect investissement de l’action budgétaire pourrait justifier un financement direct par la planche à billet (un rendement est prévu qui permettra de rembourser le principal et l’intérêt est récupéré par la collectivité), on voit que la porte st ouverte à toutes les dérives inflationnistes.

Le corollaire de la loi de 73 c’est la règle d’or. S’il n’y a pas de déficit alors où est le problème ? S’il s’agit simplement de transférer le droit de seigneuriage à des banques privées sur la création d’un fonds de monnaie supplémentaire permanent, en revanche, rien n’est légitime.

Une fois de plus il faut être cohérent. La loi de 73 est incohérente avec la pratique du déficit perpétuel des finances publiques ; de même que l’impossibilité pour une banque centrale en cas de crise de dégager l’état du risque que fait courir la réticence des prêteurs est incohérente avec des déficits importants et perpétuels.

Ce qu’il faut c’est de la raison et de la souplesse. Raison sans souplesse et souplesse sans raison ne sont que ruine de l’économie.


"On ne retrouvera plus jamais les taux de croissance connus depuis 1945."
Pouvait-on réellement espérer garder les taux de croissance lié à la reconstruction d'après guerre ?

OUI !

La théorie de la croissance par la reconstruction est totalement fausse. Il n’y a strictement aucune limite à la croissance. Ce qui est vrai est qu’une économie qui rattrape le niveau connu des meilleures économies grimpe plus vite parce qu’elle n’a pas à imaginer son avenir : il suffit de copier. La Chine l’Inde le Brésil ne connaissent pas des croissances fortes parce qu’ils reconstruisent leur pays ! Ils ont simplement mis à bas certains systèmes qui bloquaient la croissance et se sont mis en position de rattraper les économies plus riches.

Les pays émergents ont une vocation à croître plus vite par effet d’imitation, non par effet de reconstruction.

En revanche vous ne pouvez pas avoir des taux de croissance forts avec une dépense publique à 56% du PIB, des entreprises sans capitaux, des économies sans entrepreneurs, des prélèvements de 75 à 120% sur « les riches ». C’est strictement impossible. De même il est impossible d’avoir une croissance rapide avec 400% de dettes globales et près de 100% de dettes publiques. Im-pos-si-ble !

Mais il y a d’autres facteurs structurels handicapants :

-   le vieillissement de la population
-   une culture méprisant la consommation et la production
-   le repli sur soi
-   la peur.


Il faut veiller à conserver une démographie jeune, une culture ouverte, l’optimisme.

Une économie de vieux cons pétochards et de jeunes cons bobos ne peut pas être dynamique.
# Posté par DD | 24/02/12 13:45
Locaterre's Gravatar Merci pour cette réponse très détaillée...

>> Il n’est pas difficile de montrer que le financement par la planche à billets d’un déficit budgétaire entraîne ipso facto le déclenchement d’un effet multiplicateur sur le crédit qui n’est fondé sur rien et qui débouchera pratiquement tout le temps sur de l’inflation ou une surchauffe.
N'est-on pas rendu au même point ? Je ne parle pas de l'inflation officielle, mais de, par exemple, 100% sur l'immobilier neuf en 10 ans ?

>> S’il s’agit simplement de transférer le droit de seigneuriage à des banques privées sur la création d’un fonds de monnaie supplémentaire permanent, en revanche, rien n’est légitime.
Peut-on sereinement envisager que les banques privées n'aient pas anticipé la manne qu'elles pourraient en tirer ? On parle de 1500M d'euros depuis l'édiction de cette loi... Il fallait évidemment amener l'Etat à l'endettement... augmentation des dépenses et/ou réduction des recettes ?

>> Il n’y a strictement aucune limite à la croissance.
Pas même écologique ?

>> La Chine l’Inde le Brésil ne connaissent pas des croissances fortes parce qu’ils reconstruisent leurs pays !
Certes non, mais ne partent-ils pas de "très bas" ? Avant d'envisager la re-construction, ne faut-il pas une première construction ?

>> Une économie de vieux cons pétochards et de jeunes cons bobos ne peut pas être dynamique.
Mélanchon, sort de ce corps... ;-)

Salutations.
# Posté par Locaterre | 24/02/12 23:05
DD's Gravatar "N'est-on pas rendu au même point ? Je ne parle pas de l'inflation officielle, mais de, par exemple, 100% sur l'immobilier neuf en 10 ans ?"

La bulle immobilière est la fonction du cycle immobilier et de la création monétaire débridée depuis 87.

>> Il n’y a strictement aucune limite à la croissance.
Pas même écologique ?>

NON ! L'économie est la discipline qui traite de la rareté !

> La Chine l’Inde le Brésil ne connaissent pas des croissances fortes parce qu’ils reconstruisent leurs pays !
Certes non, mais ne partent-ils pas de "très bas" ? Avant d'envisager la re-construction, ne faut-il pas une première construction ?

La théorie du décollage a ses défenseurs. Mais combien de textes prétendent que la richesse va aux riches et que donc les pays pauvres sont voués à la pauvreté ?

La croissance est d'abord une question de système et de volonté politique . Dès que l'Inde, le Brésil et la Chine ont changé d'attitude vis à vis du capitalisme et des échanges , la croissance est arrivée. Certains pays d'Afrique sont dans le même cas. C'est l'effet de mimétisme qui assure la croissance la plus rapide dès que les conditions d'une activité économique sérieuse sont réunies. Après c'est l'innovation.
# Posté par DD | 27/02/12 00:17
Locaterre's Gravatar Bonjour

>> La bulle immobilière est la fonction du cycle immobilier et de la création monétaire débridée depuis 87.
Création monétaire par le crédit, donc la "planche à billets bancaire" et non étatique, c'est bien cela ?

>> Mais combien de textes prétendent que la richesse va aux riches et que donc les pays pauvres sont voués à la pauvreté ?
... l'excès idéologique se retrouve de tous côtés...

Merci
# Posté par Locaterre | 27/02/12 15:03
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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