Une erreur ancrée dans la population
On sait que nous sommes favorables depuis des lustres à ce qu'on appelle la TVA sociale (ou TVA anti délocalisation) et que nous essayons de populariser ce concept depuis 1977 en public. A cette date nous étions bien seuls. L'application de la solution par les Allemands et quelques autres a fini par changer la donne. Aujourd'hui peu de personnes ayant quelques compétences dans ce domaine la rejette.
En revanche, l'opinion publique, les médias et ce qu'on sait des réactions populaires critiquent la TVA sociale au prétexte qu'il s'agirait d'une simple augmentation des impôts et d'une perte immédiate de leur pouvoir d'achat.
Il faut dire qu'ils ont quelques raisons de se méfier des prétextes donnés par l'Administration pour charger la mule un peu plus.
Au-delà des aspects psychologiques ou politiciens il est tout de même important d'aller au fond des choses. La TVA sociale est-elle inflationniste ou plus inflationniste que toute autre solution fiscale ?
Il va de soi que la TVA sociale va grever les produits qui sont importés et qui ne souffrent pas de la concurrence des productions françaises (15 à 20% de la consommation).
Il faudrait avoir la foi chevillée au corps pour croire que cela va permettre une production en France (créée ou relocalisée). Une hausse de quelques % de la TVA ne changera rien dans ce domaine. Ce qui a été perdu est probablement perdu pour longtemps. Est-ce que cela changera les prix ? La réponse est non pour tous les produits technologiques dont la tendance est à la baisse (ordinateur, téléphone, etc.). Sauf dans les segments où la compétition est faible, la politique des prix n'est pas déterminée automatiquement par la TVA. On dira : qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ? Un fait tout simple : la variation des changes. On sait que les changes varient constamment et dans des amplitudes qui n'ont rien à voir avec une hausse de quelques pourcent. L'effet théorique sur les prix est donc bien plus fort que ne le serait la hausse de la TVA. On l'a vu avec la baisse de l'Euro qui a dépassé 10% ces dernières semaines. Effet prix : zéro ! Les politiques de prix sont établis dans la durée en fonction de la concurrence et de mille facteurs. Le marché est constamment alimenté en nouveaux produits et les prix de ces nouveaux produits sont gérés dans une optique purement marketing. Une hausse de TVA de moins de 2% n'aura exactement aucune influence.
Pour les produits fabriqués en France, il faut regarder l'ensemble du prix de revient. Si on considère que le coût salarial est d'environ 66% de la valeur ajoutée, avec un partage 50/50 entre salaires nets et charges, les charges sociales représentent 33% de la valeur ajoutée. La TVA même augmentée ne dépassera pas dans l'hypothèse Sarkozy 22%. Cela veut dire que l'impact sur le prix des charges est moitié supérieur à celui de la TVA.
Lorsqu'on augmente les charges patronales le bon peuple croit que l'on pique l'argent aux propriétaires. Lorsqu'on augmente la TVA il croit qu'on le lui pique à lui. En vérité les deux assiettes jouent exactement le même rôle : ce sont des charges de productions qu'il faut amortir d'une façon ou d'une autre dans les prix. Il vaudrait évidemment mieux augmenter la TVA de 10% que les charges sociales du même taux ! L'impact sur les coûts serait moitié moindre et celui, potentiel, sur les prix également diminué.
Cette idée qui ressort de l'arithmétique élémentaire n'est pas comprise.
Si on remplace euro pour euro une charge sociale patronale par une TVA, l'effet global sur les coûts est nul. L'effet prix est nul.
La situation est différente si on diminue les charges salariales contre une hausse de TVA. Les salariés profitent d'un avantage mais les entreprises doivent gérer une hausse des coûts. Il y a pression sur les prix. Au total les non-salariés transfèrent du pouvoir d'achat aux salariés. Où est le logique économique et même sociale ? Il vaudrait mieux que les hausses de salaires soient gagées sur une hausse de la production et des profits.
La pression sur les prix est sans doute la raison pour laquelle le candidat Sarkozy propose de financer la mesure par une hausse de la CSG. Mais là le transfert des non salariés vers les salariés est évident.
Pour mesurer l'effet prix de la TVA sociale il faut également tenir compte des circonstances. Aujourd'hui nous luttons contre la déflation et le niveau des prix est contrôlé par la banque centrale dont c'est la seule mission. Une hausse de TVA contre une baisse des charges patronales n'aura aucun effet significatif sur les prix quelque soit l'importance du transfert.
La vraie question est plutôt de savoir si les mesurettes envisagées auront un effet quelconque sur l'emploi. La réponse à court terme est non. Il aurait fallu déplacer toutes les charges patronales, sauf celles relatives à la retraite et aux maladies professionnelles, vers la TVA. Lorsque la TVA était à 15.6%, le passage à 21,6% en réduisant d'autant (en valeur) les charges patronales, aurait eu du sens. On a préféré comme toujours en France augmenter la TVA inlassablement 16.6, 18.6, 19.6, 20.6 puis faire un retour inopiné vers 19.6, une grave erreur au demeurant, toujours sans aucune contrepartie.
Résultat, la France est bloquée pour faire des réformes significatives. On fait donc avec la TVA sociale un tout petit pas dans la bonne direction, avec des effets bénéfiques très dilués dans le temps et très modestes en volume.
La France doit diminuer d'environ 10 points de PIB sa dépense publique. Pas la stabiliser. A partir de là les réformes d'assiettes pourront avoir un effet. Sinon on fait de l'irrigation en période d'inondation, ou de la politique politicienne, comme on voudra.
En attendant espérons que les médias cesseront de laisser croire qu'une hausse des charges patronales est neutre au point de vue prix alors que la TVA serait hyper sensible sur ce même indicateur.
Surtout quand les candidats se livrent à une sorte de compétition dans l'exonération ciblée des charges patronales sans jamais préciser la ressource de substitution. Jusqu'ici toutes les exonérations ont été financées par la dette…
Il est vrai que M. Hollande hier à la télévision a évoqué une tranche de 45% à l'IR sur les riches et de 75% sur les super riches. Il ne fallait pas laisser le terrain de l'hyper démagogie fiscale à un certain M. Mélenchon, candidat d'un Front de gauche comprenant les communistes, ni même à M. Sarkozy, ci devant homme de droite anti élite, qui propose de donner du pouvoir d'achat en taxant les revenus de l'épargne.
Comme si les électeurs pouvaient croire qu'il allaient s'enrichir sur le dos de quelqu'un maintenant qu'ils savent qu'ils ne pourront pas s'enrichir par le travail pendant de longues années !
Jamais campagne électorale n'aura été plus sinistre et plus injurieuse pour l'intelligence française. On stimule la haine en comptant sur l'ignorance.
Que fera-t-on lorsque les conséquences seront là ?
On le sait. On mentira.
Que faire d'autres ?
Jusqu'ici ce sont des mensonges par omission. On oublie de dire aux Français les vrais taux de prélèvements pratiqués. On oublie de dire aux Français qu'il manque 10 millions d'emplois salariés. On oublie de dire aux Français que la dépense publique est supérieure à la totalité de la valeur ajoutée du secteur marchand. On pleure simplement sur les conséquences en prétendant les régler en aggravant leurs causes.
Pauvres Français, figés dans le mensonge et l'auto mutilation fiscale comme un papillon épinglé, et qui à qui quelques abjects politiciens veulent faire croire qu'ils voleront quand eux-mêmes voleront un peu plus d'autres Français en leur nom !
Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
D'autre part, vous vous servez de Maurice Allais quand ça vous arrange, en oubliant de noter que ce dernier soulignait l'effet de balance en emplois défavorable en cas de balance commerciale d'exportation. Rien n'empêchera les entreprises de trouver avec cette TVA sociale une opportunité de s'exporter elle-même!! En somme ni plus ni moins se délocaliser plus massivement encore.
Vous êtes parfaitement sarkozystes sur ce blog et vous prenez Maurice Allias pour un alibi ni plus ni moins.
Elle a eu un certain effet sur l'emploi, impossible à calculer facilement. Certains bistrots qui auraient pu fermer ne l'ont pas fait (le nombre des cafés était en chute libre depuis plusieurs années). D'autres ont fermé tout de même. Il y a eu des embauches d'opportunité.
Le cas de la TVA sur la restauration, dont nous avions jugé la baisse mal avisée (satané sarkozysme, va !) est plutôt la preuve que des mesures isolées prises pour des raisons électoralistes (le complexe de Zorro comme dit Allègre) n'ont pas de sens. D'autant que cette baisse a été financée par la dette.
Il faut que la fiscalité soit simple et compétitive. La notre n'est ni simple ni compétitive. Elle ne pourra être correctement réformée, dans un but contributif et non pas politicien et "symbolique" au sens le pire du terme, que si la dépense publique redescend autour de 40% du PIB au lieu des 56-58% vers lesquels on court.
Maurice Allais était contre les fiscalités confiscatoires et l'excès de dépenses publiques. Il souhaitait que la compétitivité des entreprises françaises soit renforcée, aussi bien par une fiscalité compétitive qu'un tarif extérieur commun à l'espace européen.
Il faisait comme nous une critique du système global des changes, une critique des pratiques européennes et une critique proprement française. Nous avons précisé avec beaucoup de soin les différences entre ses positions et les nôtres.
Nous jugeons les politiques aux actes en fonction d'une grille très simple : notre idée des causes de la crise actuelle et des réformes qu'il faut faire.
Si vous nous lisez vous constaterez que ni Nicolas Sarkozy, ni Françoois Hollande ne proposent quoi que ce soit d'utile dans les trois domaines sensibles qui nous intéressent.
C'est le silence sur le système monétaire international.
Il n'y a aucune réforme des défauts structurels de l'Euroland sinon un pacte de stabilité pour Sarkozy et une promesse de renégociation fuligineuse de la part de Hollande.
En matière d'impôts c'est la course à qui fera le plus d'annonces démagogiques financées par rien tout en laissant croire que "les riches paieront".
Vis à vis de ces deux candidats nous sommes plutôt dans la consternation que l'aval. La "chavezisation" de la vie politique française ne devrait réjouir personne.