Collectif d'économistes en faveur de Hollande : opportunisme ou imposture ?

Pourquoi cette gêne persistante après l’annonce d’’un groupe d’économistes de soutenir un des candidats à la présidentielle française ? On imagine bien que dans toute profession on trouve des supporters dans tous les camps politiques. Le candidat le mieux placé dans les sondages draine presque mécaniquement les opportunistes. Pourquoi jouer les moralistes au bruissement des vestes qui se retournent  ou des ambitions qui s’aiguisent ?

Le malaise ne vient ni de l’engagement politique ni du carriérisme des signataires mais du fort sentiment qu’au-delà de « l’opération image », on se trouve en présence  d’une  réelle imposture.

« A quoi servent les économistes si leur science ne leur permet pas d’éviter une crise grave ? », disait la Reine d’Angleterre avec un grand bon sens.  Au moment où le monde connait, depuis quatre ans déjà une crise sévère, et où la France est en très grande difficulté,  les économistes ne peuvent pas s’engager publiquement  comme experts confirmés parlant  ex cathedra en toute neutralité politique sans  avoir donné quelques preuves de leur clairvoyance passée et de la justesse de leurs avertissements.

 Hélas, hélas, hélas !

 Tous les signataires de l’appel à voter pour la candidature du candidat socialiste aux présidentielles publiés dans le journal Le Monde,  sont des économistes officiels dont la charge aurait dû être de prévoir la crise, d’en expliciter à l’avance les mécanismes, de définir les mesures d’urgence propres à éviter la catastrophe.  Ils n’en n’ont rien fait.

Ont-ils, dès les discussions sur l’Euro, prévenu des conséquences dramatiques possibles ? Ont-ils proposé les ajustements de gouvernance nécessaires ? Ont-ils montré que les divergences de croissance interne au sein de la zone étaient dommageables ? Ont-ils prévenu que la monnaie unique impliquait des contraintes voire des sacrifices ? Les a-t-on entendus sur ces sujets dans les années 90 et 2000 ? Ce furent non seulement les silencieux du sérail mais pire encore pour la plupart de lourds propagandistes des défauts que l’on constate aujourd’hui, défauts qui sont niés encore aujourd’hui par certains d’entre eux qui doivent leur carrière  à leur européisme bêlant.

Ont-ils à un moment quelconque prévenu que la France ne pouvait pas, seule au monde, s’enfoncer dans le non travail, avec des systèmes de retraites intenables,  des durées de travail  trop basses, des charges excessives et pesant trop sur le travail, des dépenses publiques hystériques, des impôts intolérables et des dettes intenables ? Au contraire. L’un d’entre eux s’est même fait le chantre énamouré d’une dépense publique encore plus grande et d’une fantastique augmentation des impôts.  Nous avions dénoncé ici les sophismes  qui avaient permis à cet escroc intellectuel de tromper le pays.

Ont-ils compris la source même des difficultés internationales ? Ont-ils condamnés toute l’évolution monétaire et financière que l’on a vu se développer depuis l’erreur magistrale de la suppression des contraintes de Bretton-Woods ?  Ont-ils dénoncés l’Europe passoire qui a renoncé à être quelque chose dans un système de monnaies flottantes en folie ?  Ont-ils dénoncé les choix socialistes de foncer dans une mondialisation dérégulée en contrepartie de quelques places en vue pour certains de leurs hiérarques ?   Ont-ils vu arrivé le surendettement global et l’ont-ils dénoncé ? Ont-ils avec courage remis en cause les thèses anglo-saxonnes d’une finance triomphante et demandé des corrections urgentes ?

Aucun des signataires, aucun, n’a eu la clairvoyance d’analyser la situation ou le courage de proposer les changements nécessaires.  Ils ont tous été des économistes façon « rats crevés au fil de l’eau », jugeant prudent de ne rien dire qui pourrait affecter leur carrière officielle.   De leur carence est née l’affirmation des politiques que cette crise terrible « était imprévisible ».

Ils donnent la même impression pénible, mutatis mutandis,  que ces généraux défaits honteusement en mai 40 du fait de conceptions fausses et de lâchetés carriéristes en tout genre et qui ont ralliés sans ambages  leurs vainqueurs pour perdurer encore un peu dans leur  pontificat officiel malgré l’effondrement  militaire qu’ils avaient mission d’éviter.

Lisons-les, ces Gamelin économistes de la trente-cinquième heure.

« La crise de l’Euro montre que le pire est encore possible ».

Que n’ont-ils dénoncé à temps les fragilités qu’ils ne constatent qu’avec quatre ans de retard (au moins).

« La croissance de la dette publique rend indispensable l’assainissement des finances publiques ».

Quand ont-ils dénoncés cette République qui depuis 1974 vote des budgets en déséquilibre massif, gonfle inlassablement la dette, provoque une hausse continue des prélèvements sociaux au point que nous en sommes  devenus les champions du monde toutes catégories ?  A-t-on lu une seule fois sous leur signature qu’un pays dont l’Etat  dépense l’équivalent de toute la production du secteur marchand avait quelques soucis à se faire ?  Ont-ils dénoncé le drame structurel qui fait que désormais qu’il manque entre 5 et 10 millions d’emplois salariés en France du fait des erreurs invraisemblables accumulées depuis le septennat Giscard, renforcées par le lamentable programme commun de la gauche,  aggravées par la gestion inique de la crise de 92-93, encore aggravées par les 35 heures et le malthusianisme Jospinien, non corrigées par la passivité chiraquienne et finalement  impossibles à rattraper  par l’activisme brouillon  d’un dernier président  finalement frappé d’incapacité par la crise ?

« Il faut mettre un terme à la sous taxation du capital et des rentes ».

Nous sommes le pays qui a la taxation la plus phénoménale du capital et des rentes.

On sait que le rendement du capital est en moyenne de longue durée de 3%. Avec une imposition de près de 50% des revenus et une tranche à 1.8% de l’ISF on atteint un rendement marginal  négatif du capital en toute circonstance. Avec la crise, ce sont des baisses énormes qui frappent les détenteurs de capitaux. Nous avions un capitalisme sans capitaux (voir l’absence de la France dans le domaine des grosses PME). On nous propose un capitalisme sans capitalistes.

On sait que les grandes fortunes sont tellement privilégiées qu’elles sont parties en masse  (près de quarante mille depuis l’instauration de l’ISF (ou équivalent) en 81. Plus de 600 milliards d’euros en fuite.

Quiconque possède  des bureaux qu’il loue sait qu’après déduction des charges, de la taxe sur les bureaux (doublé à Paris), des taxes foncières, de l’ISF et des autres impôts directs et indirects, il ne reste pratiquement rien.

Quiconque loue des logements sait qu’il en est de même.

C’est pourquoi les gouvernements confrontés à l’absence d’incitation à construire multiplient les mesures fiscales incitatives.  La plupart des niches fiscales datent du gouvernement Jospin !

On sait que depuis 74 et surtout 81 l’investissement en France est beaucoup trop faible.  On sait aussi que le capital français passe, en masse, dans des mains étrangères. Près de 50% des actionnaires du CAC 40 sont des étrangers et tous nos biens immobiliers de luxe suivent le même chemin.  Un impôt très fort sur le capital et l’ISF progressif jusqu’à 1.8%  impliquent automatiquement un bouclage par la vente d’une partie du capital à l’étranger. C’est mécanique.

« La sous taxation conduit « aux excès spectaculaires à l’origine de la crise financière »

On a vu qu’il n’y a aucune sous taxation et au contraire une sur taxation délirante et contreproductive.

Et voici que ces messieurs nous offrent enfin l’explication de la crise qu’ils n’ont pas vu venir. Quatre ans après, ils savent : ce sont les excès  de Français sous taxés qui nous ont mis dans ce mauvais cas ; on va leur faire passer le goût du pain à ces « salauds » au sens sartrien du terme et tout ira enfin bien dans le meilleur des mondes possibles.  Quand des économistes se mettent à dresser des gibets de boucs émissaires, on sait qu’on est dans l’ignominie et pas la science économique.  Mais là on dépasse toutes les bornes.

Même si on adhère à la thèse (totalement fausse comme on l’a mille fois démontré)  que la crise actuelle est le fruit d’une trop grande spéculation sur les subprimes américaines, en quoi sont-elles liées à la taxation des quelques fortunes françaises ? Les principales victimes des subprimes ont été les trésoriers des entreprises qui plaçaient leurs excédents temporaires dans des Sicav de trésorerie « dynamiques »  et à qui on n’a jamais dit les méthodes choisies pour obtenir ce dynamisme.  Les particuliers qui conservaient également une partie de leur trésorerie en Sicav ont été pratiquement tous remboursés par les banques.

Si ce ne sont pas des subprimes, de quoi parle-t-on? Des collectivités locales qui se sont engagées dans des emprunts à risque ?  Quel rôle là-dedans des « grandes fortunes françaises sous- taxées » ?

L’affirmation, qui n’a qu’un seul but, surenchérir sur l’accusation de « président des riches » portée contre le président sortant, n’a aucune réalité. Il s’agit d’un mensonge caractérisé.  On dit n’importe quoi après avoir pratiqué le silence le plus épais.  

Le plus drôle est que le Journal le Monde qui a cru devoir jouer le jeu de ce collectif publiait dans le même numéro un supplément « votre argent » qui démontrait à chaque ligne exactement l’inverse que ce qu’affirmaient de mauvaise foi ces « économistes » félons aux obligations minimales de vérité et de bonne foi de leur charge. 

On y voit une épargne française depuis toujours à la recherche d’un maximum de sécurité et ne la trouvant pas dans les tourments financiers qui secouent le monde depuis 1971.  Nous plaçons dans l’or, dans la pierre, dans l’assurance vie défiscalisée. Tout le reste nous fait peur.  Où sont les riches cascadeurs sous taxés  lancés dans les pires virevoltes financières et faisant basculer l’édifice ? En revanche combien de gogos anesthésiés par le silence des économistes officiels qui découvrent soudain que les dettes d’état sont dangereuses et que leur assurance vie a été bourrée de dettes grecques, espagnoles, italiennes, portugaises. Les gouvernements l’avaient exigé !  Nos économistes trouvaient cela très bien.

Arrêtons-nous là : ces Gamelin qui vont à la gamelle n’ont rien à nous dire. Ils n’ont acquis aucune crédibilité par  leurs écrits techniques ni leurs conseils dans les dix années passées.  Au contraire, ce furent des nuls taiseux, des potiches heureuses de jouer les utilités, des incapables vaniteux, des nocifs par abstention.  Ils mentent et trompent aujourd’hui avec une absence de dignité presqu’équivalente  au néant de leur  contribution économique  utile dans un passé récent.

Un signe ne doit pas tromper. Ils se cachent derrière leur titre. Ils évoquent les institutions qui les emploient. Ils invoquent des principes d’autorité pour prétendre à la pertinence. Faute de tout prestige personnel associé à leurs études et à leur pensée,  ils engagent celui des institutions qui les ont, bien à tort, recrutés.  Ils s’abaissent ainsi à les instrumentaliser. Et ils les abaissent.  Faute de toute crédibilité personnelle ils se groupent en espérant que la masse de la meute cachera la maigreur intellectuelle, étique, de ses membres.

Ils ne font que rappeler le sinistre exemple des « 127 économistes pour les 35 heures » de 1997,  dont tous les noms sont aujourd’hui oubliés et qui eux aussi avaient publié dans le Monde un appel pour expliquer que les socialistes avaient la chance inouïe de bénéficier de la confiance du gros des économistes.  On sait quelle sinistre erreur sera cette mesure lamentable.

Jospin avait  la même époque  créé le CAE pour donner un terrain de jeux aux collectifs d’économistes  qui le soutenaient.  On retrouve d’ailleurs dans la liste des pétitionnaires actuels un des membres éminents de cet organisme, présent depuis l’origine,  qui naturellement condamne la spéculation financière après avoir servi de caution bourgeoise chez Rothschild avec de lourds honoraires à la clef.  

Notons aussi  que  le Monde qui aère les ambitions de notre collectif est entre les mains de deux des milliardaires sous-taxés les plus remarquables, MM.  Bergé et Pigasse. Une sacrée spéculation, au passage.

Défense de rire.

L’épisode fera sans doute comprendre pourquoi la France est désormais considérée comme un trou noir en matière de sciences économiques, après des siècles à l’avant-garde.  

On est passé de l’économique au comique.

Mais qui a envie d’en rire ?



Commentaire
Optim's Gravatar Vous avez parfaitement raison de souligner que les économistes ne peuvent "la ramener" que s'ils ont a faire valoir quelques mérites dans la prévision de la crise et dans l'avertissement des pouvoirs publics. Des économistes titulaires de places officielles sont particulièrement en cause. Pourquoi n'ont-ils rien dit, rien vu. Sinon ils ne peuvent pas exciper de leur qualité d'économistes ni du rôle théorique ole qui aurait du être le leur et qu'ils n'ont pas joué et des titres ou postes qu'ils occupent pour faire pression sur le pays.
# Posté par Optim | 20/04/12 11:22
Julien  L.'s Gravatar Je préfère mille fois un Sapir qui développe des thèses auxquelles je n'adhère pas mais qui ont leur logique à ce ramassis d'universitaires intrigants qui n'ont jamais pris un risque intellectuel dans leur vie.
# Posté par Julien L. | 20/04/12 17:45
Micromegas's Gravatar La nullité de ce collectif se voit bien maintenant. Alors que le désastre rode dans la zone Euro, où sont-ils, que disent-ils ? Ils sont au pouvoir : c'est leur tour de parler haut et fort sur des solutions. Ils ont écrit : nous sommes des spécialistes compétents ; croyez- nous !

Les économistes compétents ont disparu dans leur trou. Nul doute qu'ils trouveront leur compte personnel dans leur engagement. Des places, des gratifications, des décorations. Mais c'est bien de nullité confirmée dont il faut parler à leur sujet.
# Posté par Micromegas | 18/05/12 13:06
SD's Gravatar @Micromegas

Remarque très juste : nos agneaux sont retombés dans leur silence habituel. La Grèce prend feu et ils n'en ont rien dit ; où sont leurs propositions et même simplement leurs diagnostics ? L'Espagne connait une panique aux guichets des banques, du jamais vu depuis des décennies. Où sont nos économistes qui se cachaient derrièret leur titre et leur institution ?

Lamentable.
# Posté par SD | 19/05/12 11:44
DD's Gravatar Voici que Franz Olivier Gisbert dans son dernier livre parle de ces économistes comme des "écocomiques". les grands esprits se rencontrent !
# Posté par DD | 21/05/12 01:32
Economos's Gravatar Comme professeur d'économie je découvre ce joli pamphlet et je rie, je rie. Il y a de la bouffonerie dans le rôle qu'on joué ce que vous appelez les "économistes officiels". Il fallait l'écrire. Vous l'avez fait. Bravo !

Je voudrais tout de même attirer votre attention sur le fait que beaucoup d'Universitaires ne sont pas alignés sur ces quelques notables dont la pensée est en effet insignifiante et qui font carrière dans la posture plus que dans la connaissance. L'enseignemenet et la recherche économiques en France sont plus riches et variés que celà. Et pour partie elle tient compte ...de vos réflexions.

C'est dire !
# Posté par Economos | 15/09/12 10:25
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
BlogCFC was created by Raymond Camden. This blog is running version 5.9.002. Contact Blog Owner