Elections, sociologie et nécessités nationales (1)

Les programmes des deux candidats sont explicites sur au moins un point : ils vont faire exploser le taux de prélèvements. Pour 2016 ou 2017, selon les plans, il dépassera dans les deux cas 46% du PIB.

Le problème est que les Français ne comprennent pas ces deux chiffres et on se garde bien de les déniaiser sur ce sujet.  Si vous leur posez la question ils vous répondront : "42 ou 46 c'est presque pareil ; c'est pas trop grave. Il nous en restera tout de même la moitié".

C'est faux.  Nous l'avons souvent démontré depuis 15 ans avec la fable de l'esquimau. Cela vaut la peine de recommencer de temps en temps surtout en période électorale. .

Un esquimau pêche un poisson dans le trou qu'il a percé dans la glace. Le comptable national local énonce : PIB (en poisson) = 1.

Un type arrive avec un fusil, le braque et lui prend le poisson. Le comptable national énonce :

-Prestation de gestion et de sécurité de l'Etat estimé à son coût = 1 poisson. PIB global 2 poissons (la production du pêcheur et celle du fonctionnaire). Taux de prélèvement = 50%.

Autrement dit quand l'Etat prend tout pour lui-même, le taux de prélèvement est de 50% et non de 100% comme on pourrait le penser et comme la majorité des Français le pensent.

Quand vous augmentez les prélèvements de 42 à 46%, le disponible diminue de 8 à 4% (50-42 contre 50-46) , donc baisse de moitié. Avec les hauteurs de prélèvements que l'on connait en France toute variation de la charge des prélèvements a des effets multiplicateurs terrifiants.

La comparaison entre dépense publique et valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand confirme cette réalité. La dépense publique en 2011   est supérieure à la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand. Cela veut dire que s'il n'y avait qu'un seul impôt; la TVA, le taux devrait être supérieur à 100% pour équilibrer les comptes publics.

Le nœud du problème tient à la part de la production du secteur non marchand (dans la pratique les fonctionnaires et personnels à statuts des services non marchands) dans la production globale. On répute que leur action a une valeur que l'on estime à  son coût, faute d'un marché pour faire apparaître un prix.  L'arbitraire est ici total. Nous l'avons accusé dans notre exemple de l'esquimau  en assimilant l'Etat à un pur prédateur ce qui est évidemment exagéré. Il faut bien voir que si on augmente les fonctionnaires sans changer leur effectif ni leur production, quelque soit ce qu'on pense de cette production, l'augmentation de coût entraîne directement une augmentation du PIB.

Il faut être très attentif à la part de la population active qui se trouve ainsi compter dans le PIB à son coût sans constat réel de la valeur de ce qui est produit. Les pays nordiques redistribuent beaucoup mais conservent une administration peu coûteuse et restreinte. La France redistribue un peu mais surtout sert un énorme effectif de personnels qui ne sont pas dans le secteur marchand.

On aboutit en France à une structure de l'emploi réellement très bizarre, et totalement exceptionnelle dans le monde : 7 millions de personnels à statuts, 7 millions de chômeurs ou de personnes en âge de travailler exclues du marché du travail, 16 millions de salariés du secteur marchand.

Si on compare avec la moyenne des pays de l'OCDE, approximativement car les comparaisons internationales sont très difficiles dans ce domaine, on devrait avoir :

2 millions de personnels à statut (exclusivement dans la fonction publique centrale et territoriale), 25 millions de salariés du secteur marchands et 3 millions de personnes laissées en dehors du marché du travail dans les phases de mauvaises conjoncture.

L'anomalie française n'est pas mince.

Le secteur hors emploi étant largement financé par l'Etat et les personnels dont la production est non marchande aussi,  on voit la pression qui est mise sur le secteur marchand. On demande à un secteur qui emploie 16 millions de salariés de porter l'effort principal du coût de près de 14 millions de personnes.

Ainsi s'explique la hauteur des charges sociales en France et le niveau hystérique des impôts et autres prélèvements.

Ainsi s'explique aussi l'impact de mesures comme les 35 heures. Dans le secteur protégé les 35 heures n'entraînent aucune baisse du PIB bien que la production de service ait baissé de 11%. En vérité on va recruter pour compenser. Il faudra financer cet accroissement. On aura une hausse concomitante obligée du PIB et de la dette. Dans le secteur marchand  elles provoquent une forte hausse des coûts dont une baisse des résultats et des ventes. Pour financer les surcoûts du secteur non marchands on va forcer sur l'imposition du secteur marchand au moment où il se contracte. Compte tenu du volume respectif des deux mondes, l'effet serait massif.

Comme il est impossible de forcer l'imposition sans limite, , on comprend mieux le rôle de l'endettement. Celui de l'Etat français approche des 100% du PIB comme nous l'avions annoncé il y a quatre ans. Pour ne pas voler totalement le revenu des Français l'état a du emprunter à mort. Les particuliers eux ont emprunté environ la valeur d'un an de PIB. Comme les banques et les entreprises ont du faire de même, on voit où l'on en est : dans la quasi impossibilité de rembourser nos dettes.  Ni de maintenir notre pouvoir d'achat si les emprunts régressent ou si leur coût augmente.  

Les Français ne peuvent plus à la fois rembourser leurs dettes privées, rembourser les dettes de l'état et payer les dépenses publiques. Leur impôt sur le revenu paie à peine l'intérêt de la dette publique. On ne parle pas du remboursement du principal. 1700 milliards de dettes ; 180.milliards chaque années  pour renouveler l'en-cours (emprunter pour rembourser les précédents emprunts) et  55 milliards d'intérêts.  Cela veut dire au passage que la maturité de la dette publique française est de près de 10 ans et son intérêt moyen de 2.5% environ. Comme si elle était constituée d'obligations à 10 ans que nous venions de souscrire.  Si on voulez rembourser la dette pour la ramener à zéro, il faudrait tripler l'impôt sur le revenu ce qui est physiquement impossible. On ne parle que de stabiliser la dette, alors qu'il faudrait pour le seul Etat la faire reculer à moins de 60% du PIB pour respecter Maastricht.

Ceux qui croient qu'on pourra  faire cela en comptant soit sur l'imposition des "riches" soit sur des expédients sont des menteurs sans scrupules.

 

La France doit s'interroger sur son modèle  qui a provoqué un chômage structurel par gonflement prodigieux et excessif de son secteur non marchand. Si on prend sur les quarante dernières années la tendance, on s'aperçoit que le nombre des salariés du secteur marchand n'a augmenté que très faiblement (environ 3 millions) et que celui du secteur non marchand a grimpé à peu près du même nombre.  Les deux secteurs se sont à peu près partagé à 50% la création d'emplois.

Le secteur marchand pour supporter le poids du secteur non marchand a du se résoudre à ne créer que des emplois hyper productifs. C'est ainsi que toutes les populations faibles (jeunes entrants sur le marché du travail, femmes, personnes âgées, immigrés)  se sont retrouvées largement exclues de l'emploi ou obligées à un parcours du combattant pour obtenir le droit d'entrer dans le monde des CDI.

Pour corser l'affaire on a abaissé toutes les frontières et obligé le secteur marchand à lutter contre des productions étrangères qui ne supportaient pas les mêmes contraintes. Tout en créant deux bureaucraties nouvelles, les fonctionnaires de Bruxelles et ceux de la décentralisation.

La France doit impérativement "dégraisser le mammouth" comme le disait maladroitement le mais de façon imagée le ministre Allègre, et rétablir une balance normale entre emplois marchands et emplois financés par les prélèvements.  

 

A suivre...

Commentaire
hugues leblanc's Gravatar Il faut comprendre que cette augmentation du nombre des fonctionnaires a surtout eu pour cause la strategie des socialistes de s'acheter des electeurs aux frais des contribuables
# Posté par hugues leblanc | 17/07/12 09:15
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