Les vraies causes de l'asthénie française
et leur ignorance par les candidatsAlors que la campagne électorale française pour la présidence de la République entre dans sa phase hystérique, il n’est pas mauvais de rappeler les causes de l’asthénie française et la distance abyssale qui sépare les programmes des candidats des réalités qui comptent. La complexité est plus apparente que réelle dans le diagnostic, la difficulté se trouvant dans la capacité de bâtir une solution qui échappe largement au cadre national. Il est normal dans ces conditions que les arguments de campagne fuient devant un constat qui les présenterait largement comme des impuissants. Il l’est moins, en revanche, que les mesures proposées, tournent le dos aux nécessités, pour se contenter d’un électoralisme débilitant ou pour s’assurer le service de lobbies qui les servent par intérêt.
Le cœur du réacteur est le fait désormais acté et illustré par le FMI que depuis 1971 le taux de croissance n’a cessé de décroître au point que, de crises gravissimes en crises gravissimes, l’ensemble du monde en soit arrivé à une quasi-stagnation. Notre explication du phénomène, tel que présenté dans notre livre, L’Étrange Désastre, met en avant le rôle de l’abandon des disciplines de Bretton Woods, l’acceptation de phénomènes de domination avec les énormes déficits et excédents qui les accompagnent, le tout aggravé par l’instabilité créée par les changes flottants. La mondialisation déséquilibrée et spéculative n’assure plus que l’échange se fasse travail contra travail. Les conséquences sur la structure et le niveau de l’emploi sont désastreuses en même temps que s’installe une « économie baudruche » explosive, qui ne sert qu’une minorité d’intérêts installés aux carrefours des mouvements financiers.
La solution n’est pas compliquée en principe mais difficile diplomatiquement : il faut sanctionner les grands déficits et les grands excédents et le plus possible stabiliser les monnaies et les changes. Le moyen le plus léger est de créer une sanction automatique de ces grands déséquilibres, à charge pour les États de les maîtriser, tout en respectant au mieux les règles nécessaires de la microéconomie et le bienfait des échanges.
Pour une nation donnée, le défi est d’importance : elle n’a en général pas le quantum d’action nécessaire pour provoquer les changements nécessaires. Il lui faut s’engager dans une « diplomatie de la prospérité » dont elle n’a ni l’habitude ni les certitudes intellectuelles, les dirigeants ne comprenant généralement pas « de quoi on cause » et n’étant pas servis par des économistes le plus souvent rendus serviles par les besoins de leurs carrières officielles, ou perdus dans leurs appartenances idéologiques. La crédibilité de l’action internationale d’une nation est corrélée à sa performance économique et sociale, à sa vitalité intellectuelle et sa maîtrise des grands sujets du temps. Il lui faut aussi avoir des alliés et une tradition d’influence. Autant dire qu’une nation qui est totalement dans les choux n’a aucun rôle utile à jouer. Et si ses structures, ses dirigeants, son président, n’a aucune idée directrice pertinente, la carence est totale.
La Communauté Économique Européenne n’a pas su réagir utilement au défi de l’explosion des Accords de Bretton Woods. Dès la fin des années soixante, elle a envisagé qu’une Union Économique et Monétaire lui permettrait de résister aux désordres que créait la volonté américaine de dominer le monde par l’emploi déraisonnable du dollar et une pratique non collaborative. D’échecs en échecs, elle a fini par se rallier à l’idée d’une monnaie unique, mais sans créer les conditions d’organisation nécessaires à son bon fonctionnement. Soumise aux conséquences des crises globales, elle a fini par sombrer dans le « contractionnisme » délirant, dénoncé inlassablement lors de la conférence de Bretton Woods comme le contraire absolu de ce qu’il fallait faire. Le résultat se lit dans le chômage de masse dans une partie de l’Europe et l’énormité des déséquilibres internes de la zone. De facto, l’organisation de l’Union Européenne, surtout depuis son élargissement qui pose des difficultés décisionnelles insurmontables, et celle la zone Euro, totalement dysfonctionnelle, exigent des corrections profondes et rapides qui là encore se heurtent aux difficultés intrinsèques d’une diplomatie.
Naturellement si le pays qui cherche à mener cette diplomatie n’a aucune vision de ce qu’il faut faire et se trouve dans le trente-sixième dessous, faute d’avoir essayé de gérer au mieux la situation, ses chances de se faire entendre sont quasi nulles.
Pour nous, la solution est exactement la même qu’à l’échelon mondial : il faut proscrire les grands excédents et les grands déficits, et rendre la sanction de leur apparition quasi automatique afin que les états concernés prennent spontanément les décisions d’ajustement nécessaires. Il est indispensable que les principes d’une solution mondiale et ceux d’une solution européenne soient exactement les mêmes. On ne peut pas, pour un économiste, défendre un concept différent pour le tout et la partie. Cette incohérence est mortelle pour la crédibilité. Il faut donc aboutir de façon urgente à des mécanismes européens automatiques de sanction des grands déficits et des grands excédents, afin de mettre fin à des exercices déflationnistes destructeurs et sans issue, tout en respectant les libertés économiques fondamentales.
La France pour sa part a réagi de la façon la plus stupide au choc de l'explosion des Accords coopératifs de Bretton Woods. À chaque récession elle a fait venir au pouvoir des socialistes qui ont aggravé les conséquences de la crise en étouffant l’économie et ruinant l’État et les Français. Le désastre du Programme Commun de Gouvernement rendu possible par la victoire du pervers narcissique Mitterrand, un pourrisseur impénitent, a fait décrocher la France qui rattrapait les États-Unis depuis 1950. La crise de 92-93 a fait venir Jospin qui a étouffé les relations sociales tout en asphyxiant l’économie avec les trente-cinq heures. La crise de 2008-2009 a fait venir le sinistre gouvernement Hollande qui a poussé l’incompétence jusqu’à des sommets de l’hystérie fiscale et détruit toutes les capacités d’investissement privées nationales, vendant les entreprises françaises à l’encan et faisant fuir des centaines de milliers de familles. Le rétropédalage final n’a fait que détruire son assise électorale sans permettre un vrai et durable redressement.
Du coup quelles sont les chances d’un pays ainsi maltraité de se redresser et de conduire une diplomatie de la prospérité ?
Les résultats sont tellement déplorables avec en prime une baisse de la natalité qui nous ramène aux années trente, que la révolte gronde et se traduit à la fois par l’émergence du Mélenchonisme et la dynamique du Front national, deux mouvements antimondialisation et antieuropéen.
Les trois libertés de circulation des personnes, des capitaux et des produits sont remises en cause radicalement faut d’avoir été organisée de façon appropriée et faute d’avoir corrigé à temps les dysfonctionnements globaux et européens.
Mme Le Pen n’a aucun avis sur lesdits dysfonctionnements. Elle fait simplement chauffer les mauvais sentiments mais sans débouchés pratiques autres que son succès électoral. Elle capitalise dans tous les milieux touchés par le chômage, la perte d’identité nationale, les impôts confiscatoires, le surendettement, et la peur du déclassement ou son expérience. Cela fait du monde. Son défi est de faire apparaître une cohérence économique et diplomatique pour parvenir aux 50 %. Le propos de son électorat et plutôt d’affirmer aux autorités nationales, européennes et mondiales que cela suffit comme cela et qu’ils ne marchent plus dans la combine. En faisant courir un frisson dans le dos des dirigeants européens et de la petite élite qui les sert, il espère qu’ils changent et prennent en compte leur révolte. C’est d’ailleurs le seul rôle positif de Mélenchon et Le Pen. L’avertissement sans frais avant le vrai chaos.
M. Macron, lui incarne le rejet d’un affrontement droite gauche qui depuis 1971 n’a conduit qu’à des surenchères, des concessions aux radicaux et à l’impossibilité de solutions raisonnables. Mais le vide intersidéral de son discours commence à faire tache.
- Il n’a produit aucun diagnostic de la situation
- Il chante, voir hurle, façon cabrette, vive l’Europe, vive la Mondialisation, vive la Finance, vive tout et tous, et surtout vive moi. Ce qui est tout de même un peu court.
- Il n’a élaboré aucune grande orientation de solution et donne l'impressionne « couvrir » tous les défauts de la mondialisation financière et du contractionnisme européen, avec des changements tellement marginaux qu’ils ne peuvent pas rassurer ceux qui voient leur déclassement, celui de leur village, de leur région et de leur pays.
Son programme est un mélange de reprises de toutes les démagogies du passé (comme la détaxation des heures supplémentaires et l’extension de la gratuité des soins) avec quelques achats de votes nouveaux (l’exonération e 80 % de payeurs de la taxe d’habitation, le transfert de l’argent des retraités aux travailleurs), baignant dans un discours évaporé, et coulant de bons sentiments. Tel quel il n’a aucune chance de changer la situation française et ne peut que l’aggraver, sauf pour une toute petite minorité dont il est le factotum empressé et intéressé.
Il n’a défini aucun élément d’une diplomatie de la prospérité.
Il a compris qu’il pouvait être élu sans tout cela.
Sans doute a-t-il également compris qu’un Président de la République, aussi gavé de pouvoirs soit-il, n’a pas celui de changer réellement les choses et que le destin individuel est un objectif plus abordable que celui de la nation, de l'Europe et du monde. Et qu’il durera au baratin avec l’aide des médias.
Est-il temps pour lui et dans la seconde phase de la campagne puis dans le cadre des élections législatives de faire l’effort d’insérer les vrais problèmes et les vraies solutions dans son projet ? Et en a-t-il la volonté, alors que cela ne semble pas nécessaire au succès de sa petite aventure personnelle ?